Selon Mounir Chafik, toutes les critiques faites au capitalisme et au néolibéralisme durant les 20 dernières années sont légitimes, regrettant toutefois l’absence d’une alternative au capitalisme qu’on pointe du doigt, ni la de la part de la gauche ni de la part des islamistes. "D’ailleurs, j’ai questionné ceux qui critiquent les islamistes et leur mode de gouvernance pour savoir s’ils avaient une alternative aux échanges et relations entretenues avec la Banque mondiale, le FMI et tous les organismes et pays néolibéraux, et aucun n’avait de vision claire...ils préconisaient juste de mieux négocier, c’est comme si c’était plus une affaire de doigté plutôt qu’une affaire de vision", avait-il dit.
Nahla Chahla a pour sa part exprimé son souhait de voir un jour émerger un islam politique qui soit du côté des pauvres et qui défend la cause sociale juste. "Nous avons le Hezbollah au Liban qui a combattu plusieurs fois Israël et qui a remporté plusieurs batailles, mais le Hezbollah demeure un parti conservateur néolibéral...Et pour revenir au monde arabe, personne n’était prêt pour gouverner après les révolutions, et la priorité était comment arriver au pouvoir et non pas comment sortir de la crise. Je pense que le problème essentiel était là. La question est maintenant quel islam au pouvoir ? Car l’islam tel qu’il existe maintenant n’a aucun problème à traiter avec les forces capitalistes et néolibérales comme c’est le cas de la Turquie ... Le combat n’est pas autour de l’identité, mais autour des programmes proposés ; quel islamisme et quelle gauche et quel est leur rapport au capitalisme, ce sont là les vraies questions que l’on devrait se poser. Et pour savoir quel islam et quelle gauche nous allons avoir, nous avons besoin de programmes clairs. ", a-t-elle expliqué, en donnant l’exemple du Yemen qui est en train de plancher sur des solutions pour sortir de la crise au lieu de vouloir s’accaparer le pouvoir, mais en consentant des alliances les plus larges possibles pour trouver une solution, selon Nahla Chahal.
L’ex-chef du bureau politique d’Ennahdha a pour sa part fait l’éloge de l’islam politique qui est, selon lui, un défenseur des libertés dont a été privé son parti pendant plusieurs dizaines d’années. "Ceux qui prétendent que les révolutions arabes sont l’œuvre du sionisme sont contre la liberté, et méprisent les capacités de ces peuples qui ont mené les révolutions... Nous sommes actuellement dans une situation difficile où le taux de croissance est négatf, où il y a un problème de chômage et où des régions comme Kasserine, Sidi Bouzid, et même des quartiers de Tunis sont marginalisés...En Tunisie nous avons choisi d’organiser des élections pour rentrer dans des réformes et changements en profondeur...la Tunisie ne dispose pas de richesses naturelles, mais de capital humain, d’intelligence, que nous voulons mettre au service de tous les secteurs d’activités pour impulser le développement...", a-t-il souligné.
Il a insisté que l’objectif premier de son parti était le développement "mais le développement a besoin de stabilité, et comme l’histoire de l’œuf et de la poule, la stabilité a besoin de développement...car beaucoup de manifestations qui ont lieu partout en Tunisie sont animés par le besoin de développement, ce qui est légitime", a-t-il estimé, ajoutant que son parti a choisi la stratégie de la coalition "pour éviter la polarisation, la confrontation entre islamistes et laïcs, nationalistes et islamistes ou nationalistes et laïcs...nous nous sommes alliés à des partis de différentes orientations et nous sommes ouverts pour élargir cette coalition...nous sommes actuellement en train d’élaborer une constitution pour tous, sans aucune forme de discrimination entre les citoyens tunisiens, quelque soit leur religion, leur couleur ou leur origine". Ameur Laaridh s’est également dit pour la protection des libertés individuelles et l’application de la loi contre tout recours à la violence, "car nous voulons préserver le caractère modéré de notre société, préserver ses acquis comme le code du statut personnel, et son aspect pacifiste...", a-t-il dit, apportant son soutien au forum social mondial, en exprimant son refus de toute forme "d’hégémonie impérialiste ou colonialiste".
Stephane Lacroix a, pour sa part, évoqué la question du salafisme qui selon lui est un mouvement fondamentaliste religieux qui depuis son apparition à la péninsule arabique au 18eme siècle, était un mouvement social. En Egypte, les salafistes ont démarré leurs activités dans les années 70 mais ne faisaient pas de politique et refusaient d’en faire, jusqu’après la révolution où les salafistes ont décidé de se présenter aux élections. "Les frères musulmans apparaissaient comme un peu trop à droite, un peu embourgeoisés pour représenter le peuple. Les salafistes ont joué cette carte là et apparaissaient alors plus proches des attentes du peuple, c’est pourquoi ils ont obtenu 25% des sièges au parlement. Beaucoup de gens ont voté pour eux non pas pour des raisons politiques mais sociales. On parle ici du parti Nour, le principal parti salafiste, qui a fini par se scinder en deux il y a trois mois. une partie a crée Hezb El Watan qui a décidé de séparer le discours politique du discours religieux...Mais même les plus fondamentalistes d’entre eux ont été rattrapés par la réalité politique et dialoguent avec les laïcs contre les frères musulmans...et font même de la politique politicienne", dit-il pour rappeler qu’il existe désormais tellement de partis aux références islamiques, que plus personne ne peut prétendre avoir le monopole de l’islam.
Source :
http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie/fsm-l-islam-politique-a-l-epreuve-du-pouvoir/id-menu-325.html