Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/01/14/syrie-nous-ne-pouvons-pas-rendre-nos-armes-tant-que-les-attaques-contre-les-femmes-et-nos-territoires-se-poursuivent/?jetpack_skip_subscription_popup
Alors que tous les regards étaient tournés vers les forces dirigées par Hayʼat Tahrir al-Sham (HTS) balayant la Syrie d’Assad en ruines, l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie a lancé une attaque sur le nord et l’est de la Syrie (NES), s’emparant de Shehba et de Manbij aux Forces démocratiques syriennes (FDS). Aujourd’hui, la Turquie menace d’envahir la ville kurde de Kobané. Pendant ce temps, l’ANS tente de traverser l’Euphrate et d’empiéter davantage sur le NES, avec des affrontements féroces en cours dans la campagne de Manbij. Les unités féminines des YPJ – qui se sont fait connaître lors de leur combat contre ISIS à Kobané en 2014 – sont sur la ligne de front dans le cadre des FDS.
La commandante en cheffe des YPJ, Rohilat Afrin, a parlé au Rojava Information Center (RIC) de l’état de la guerre à Manbij, du cessez-le-feu qui n’a jamais existé, de la possibilité d’une invasion turque à Kobané, des relations entre le HTS et les FDS et de la possibilité pour les YPJ d’être intégrées dans l’armée syrienne.
La situation actuelle sur la ligne de front semble être restée plus ou moins inchangée ces derniers jours. Pouvez-vous expliquer brièvement l’état des combats ?
Il est évident qu’une guerre est menée contre notre région, comme en témoignent les combats qui se déroulent ici, notamment au barrage de Tishreen et au pont de Qereqozak. Cette situation de guerre est constante depuis l’effondrement du régime Baas et l’arrivée au pouvoir du gouvernement al-Jolani. La Turquie et l’ANS, soutenue par la Turquie, ont cherché à exploiter la vacance du pouvoir et à lancer une attaque contre notre région. Cela va à l’encontre des résultats que nous y avions obtenus. Ces attaques ne sont pas simplement des actions militaires, mais une tentative délibérée de détruire ce que nous avons construit ici. La Turquie et ses mercenaires poursuivent une politique de destruction et d’assujettissement par le biais de ces attaques.
Tishreen et Qereqozak sont les deux principales portes d’entrée de la NES. Elles sont stratégiquement importantes pour protéger Kobané, Tabqa, Raqqa et le reste de la NES en général. Cibler ces villes est lié à l’objectif de la Turquie de viser nos réalisations dans la région où les personnes ont été rassemblées. Une conscience collective a uni la population. Des années de travail ont été investies dans la construction de cette conscience au sein de la population. Ils sont déterminés à l’anéantir. Cette guerre vise à démanteler les valeurs établies dans cette région.
Nos combattantes sont actuellement engagées dans des combats avec l’ANS et se battent avec force. Ce que les gens devraient vraiment remarquer, c’est que la Turquie utilise sans cesse des drones et des avions de guerre, encourageant l’ANS à attaquer. La résistance de nos combattantes n’a pas été découragée. Sans la puissance aérienne de la Turquie, l’ANS serait facilement vaincue. En fait, le nombre de morts et de blessés dans leurs rangs est déjà élevé. Ils se sont retirés de certains points. Dans ces conditions, une confrontation majeure est en cours.
Un cessez-le-feu aurait été décrété à Manbij il y a quelques semaines. Cependant, des combats ont lieu tous les jours. N’y a-t-il donc jamais eu de cessez-le-feu ?
On ne peut pas parler de cessez-le-feu. En paroles, il y a eu un cessez-le-feu. En pratique, nous n’avons rien vu de tel. Lorsque le cessez-le-feu a été annoncé à Manbij, c’était sur la base de l’évacuation des personnes souhaitant fuir, des corps de nos combattantes tombées au combat et de nos blessées qui étaient entre leurs mains. Cependant, ce cessez-le-feu ne s’est pas concrétisé en raison des attaques lancées par l’ANS. Le cessez-le-feu n’a rien donné sur le terrain. Ce n’était que des paroles en l’air.
Ensuite, en tant que YPJ, YPG et SDF, nous voulions avancer à partir du barrage de Tishreen et de Qereqozak, pour progresser un peu, parce que nous étions sous un feu nourri. Il y a eu beaucoup d’attaques à la fois sur Tishreen et depuis l’axe de Deir Hafir. Nous avons donc repris quelques villages. Nous voulions en effet protéger le barrage et le pont. Dans ces conditions, on ne peut pas parler de cessez-le-feu.
L’ANS était ivre de succès en Syrie, puisqu’il a participé à l’avancée d’Idlib vers Damas. Les villes tombaient les unes après les autres. Ils pensaient qu’il en serait de même avec le pont de Qereqozak et le barrage de Tishreen. Aujourd’hui, ils sont psychologiquement et matériellement confrontés à des pertes, car ils ont dû faire face à la résistance de nos combattant·es. Sur les deux fronts, nos combattantes ont été fermes.
Quelle est la menace actuelle pour Kobané ?
Ce que j’ai dit précédemment est lié à la question de Kobané. De nombreuses menaces pèsent sur Kobané. En tant que ville, Kobané ne concerne pas seulement la NES. C’est une ville du monde entier, comme le montre la création de la « Journée mondiale de Kobané » en solidarité. La lutte qui s’est déroulée à Kobané a permis de vaincre une force telle qu’ISIS. Cette victoire massive remonte à une dizaine d’années. À l’époque, Erdogan observait la situation jour après jour, disant « Kobané tombera aujourd’hui » ou « Kobané tombera demain ». Mais Kobané a été libérée à force de volonté, de résistance et de détermination. C’est ainsi que Kobané est devenue célèbre dans le monde entier.
Kobané est confrontée à un grave danger. Lorsque nous disons cela, cela signifie qu’il y a un danger pour l’ensemble de la NES. La Turquie considère que Kobané est à l’origine de ce qui a été réalisé dans la région. La Turquie veut étendre son influence en Syrie. Dans ce contexte, elle menace la ville et veut l’occuper. En réalité, le danger qui pèse sur Kobané n’a jamais cessé. Il y a toujours eu des menaces. Ces menaces ont à leur tour suscité des réactions de solidarité : des femmes et des hommes politiques, des militant·es des droits des êtres humains et l’opinion publique mondiale, voire la Coalition, ont fait des déclarations s’opposant à la guerre contre la ville.
Si la Turquie devait s’emparer du barrage de Tishreen et du pont de Qereqozak, Tabqa, Raqqa, Kobane et toutes les régions de la NES seraient menacées. La politique – la guerre et la victoire – à Kobané concerne le monde entier, et pas seulement le NES. Nous sommes convaincu·es que Kobané bénéficiera d’un soutien et d’une solidarité extérieurs. Nous serons en mesure de la protéger. Mais la Turquie est déterminée à atteindre ses objectifs. Les FDS et les YPJ s’y opposent. Le combat qu’ils ont mené à Kobané [en 2014] a bouleversé le monde. Dans la période actuelle, nous adopterons la même position face à la Turquie et à l’ANS.
Comment appréciez-vous l’effervescence diplomatique autour de Damas, avec de nombreuses délégations venues rencontrer al-Jolani, y compris de Turquie ?
De nombreux États ont cherché à établir des relations avec le HTS depuis l’émergence du nouveau gouvernement d’al-Jolani. Des officiels turcs sont également venus à Damas, comme Hakan Fidan. Son objectif premier est d’anéantir l’administration autonome. La Turquie veut organiser la Syrie comme sa propre province, la contrôler, avoir une influence sur la Syrie. L’arrivée de Hakan Fidan à Damas l’a clairement montré. Il veut influencer le HTS.
Les etatsuniens sont-ils toujours à Kobané ? Et si la Turquie attaque Kobané, vous attendez-vous à une aide des Etats-Unis ?
Tout au long de la dernière phase, jusqu’au début des derniers développements, les Russes étaient présents à Manbij, Ayn Issa et Kobané. Les Etatsuniens n’y étaient pas présents. Avec le retrait récent des Russes, des patrouilles étasuniennes ont commencé à avoir lieu, mais elles n’ont de bases là-bas. Par ces patrouilles, les Etats-Unis disait « ous sommes là, nous aiderons à protéger la ville », envoyant ainsi le message de sa présence. Notre coopération avec la coalition a commencé avec la lutte contre ISIS. Si la Coalition dirigée par les États-Unis ne remplit pas son rôle, elle sera accusée de faire deux poids deux mesures. Si la Turquie attaque Kobané, peut-on s’attendre à ce que les États-Unis l’aident ? Matériellement, non. Mais d’une manière générale, par le soutien qu’ils affichent et par leur rencontre avec la Turquie, ils ont montré que leur position est que la question doit être résolue pacifiquement.
Même s’ils ne font que suivre leurs propres intérêts, ils ont empêché l’ouverture des portes à une invasion turque à Kobané. Une partie de leurs efforts diplomatiques montrent clairement qu’ils ont tenté de nous aider. Cependant, nous considérons que la Coalition a la responsabilité de mettre un terme aux combats et aux attaques aériennes actuels. D’une manière générale, nous ne nous attendons donc pas à un blocage concret d’une invasion terrestre, mais dans le contexte diplomatique, des efforts sont déployés pour l’empêcher, même s’ils ne sont pas suffisants.
Qu’en est-il de l’aide internationale de manière plus générale, en dehors de l’Amérique ? La dernière fois que Kobané a connu la guerre, c’était en 2014, lors de l’attaque d’ISIS. À l’époque, la solidarité internationale était importante. Cette fois-ci, la menace vient de la Turquie plutôt que d’ISIS. Vous attendez-vous à un soutien mondial similaire ?
Pendant le siège de Kobané par ISIS, les actions de YPJ en tant que force féminine ont eu une résonance mondiale. Grâce à Kobané – et à la révolution du 19 juillet ici – des femmes silencieuses et sans défense ont trouvé leur voix, leur force et sont devenues des leaders. L’attitude du YPJ en 2014 en a fait un exemple à suivre dans le monde. Nous avons appris de toutes les expériences et de tous les défis que nous avons traversés pendant des années, en termes de renforcement des tactiques et des méthodes. Nous sommes convaincus que le YPJ – ainsi que les YPG et les FDS – seront en mesure de faire face à tout ce qui pourrait survenir. En tant qu’unités féminines, nous y croyons. Nous avons été victorieuses à Kobané. Cela a également démontré aux femmes du monde entier qu’une armée de femmes est nécessaire pour protéger les femmes. Grâce à cette protection, nous sommes en mesure de nous organiser. La lutte pour protéger nos territoires s’est poursuivie de la sorte. Comme je l’ai déjà dit, nous pensons que la guerre de Kobané était une guerre pour l’humanité, une guerre pour protéger toutes les femmes et toutes les terres. Nous sommes convaincues qu’un état d’alerte publique à l’échelle mondiale sera déclenché et que la solidarité sera assurée si Kobané est à nouveau attaquée.
Certains disent maintenant que les FDS devraient remettre leurs armes à une armée syrienne centrale et s’intégrer. Qu’est-ce que cela signifie pour le YPJ ?
L’intention du nouveau gouvernement – je ne parle pas de la population en général, mais du gouvernement en particulier – de faire cela est démontrée par le contenu de son approche envers les FDS. Ils veulent un Etat centralisé basé sur l’unification de l’armée, des institutions et aussi des mentalités. Ce qu’ils font circuler dans la presse et les médias, ainsi que les interviews qu’ils donnent, suggèrent que les FDS ne seront pas accepté dans sa forme actuelle et tel qu’il est.
Nous sommes attaquées. Il nous est donc impossible de déposer les armes. Les FDS sont une force qui a dix ans d’expérience dans la lutte contre ISIS. Au niveau international, elle est soutenue par la Coalition.
La Turquie refuse d’accepter l’administration autonome en tant que modèle et idée. La Turquie n’accepte pas non plus les FDS en tant qu’armée. Elle veut l’imposer au nouveau gouvernement. Cela signifie également que le YPJ n’est pas accepté – le YPJ, qui a combattu ISIS, a réalisé des gains significatifs, et est au cœur de l’Administration autonome.
Avec le nouveau gouvernement, les femmes devront intensifier leur lutte pour se défendre. Nous ne pouvons pas rendre nos armes alors que les attaques contre nous et nos territoires se poursuivent. Une telle chose ne peut se produire que par le biais d’accords et de pourparlers qui formalisent une Syrie démocratique dans laquelle les droits de toutes les femmes, de toutes les nationalités et de tous les peuples sont garantis et réalisés. Si ces conditions sont remplies, nous pourrons alors discuter de la question des armes.
L’état d’esprit qui règne au sein du nouveau gouvernement montre clairement qu’il n’y a pas de place pour les femmes – ou seulement une place où les femmes doivent accepter de se couvrir la tête et d’adopter un état d’esprit patriarcal. Pour éviter ce qui précède, il faudra beaucoup d’organisation et de lutte. Il s’agit là d’un grave danger que nous devons reconnaître. Les normes du nouveau gouvernement pour les femmes sont une menace pour l’existence, le rôle et la culture des femmes.
Au niveau mondial, pour la première fois, des femmes forment une armée, se protègent et se battent. Cette force armée indépendante a inspiré de nombreuses femmes – arabes, kurdes, assyriennes et internationales.
Le YPJ accepterait-il de faire partie de l’armée syrienne ?
À ce stade, on ne sait pas encore quelle sera l’issue de la situation. Il existe une multitude de facteurs qui ne sont pas encore clairs. La situation est complexe. Le nouveau gouvernement est en plein chaos, tant au niveau de ses institutions que de sa capacité à gouverner l’ensemble du pays. L’avenir reste incertain. Si – comme le souhaite la population et comme nous le souhaitons – la Syrie devient réellement une Syrie démocratique, politiquement, socialement, légalement ; si tous les efforts fournis et les réalisations obtenues au sein du SNE au cours des 12 dernières années sont reconnus, alors bien sûr, le YPJ peut faire partie de cette armée [l’armée syrienne]. En fait, YPJ peut servir de modèle aux femmes syriennes, en donnant l’exemple de l’autonomie et de l’autodéfense des femmes. Toutefois, comme indiqué précédemment, la nature précise de la situation reste incertaine. Il est impératif de comprendre que le champ d’application de cette question est vaste. Nos objectifs, nos positions et notre approche seront formulés sur cette base que j’ai expliquée. Ne pas suivre le mode de pensée actuel des HTS, selon lequel tout doit être centralisé. Si l’on adopte une approche qui englobe la diversité et qui est démocratique, alors le rôle du YPJ peut être discuté. La composition d’une armée de femmes syriennes peut être façonnée par le YPJ. Voilà ce que je peux dire à ce stade.
Rohilat Afrin & Rojava Information Centre
https://links.org.au/syria-we-cannot-hand-over-our-weapons-while-attacks-women-and-our-territories-continue-interview
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
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