Tiré du blogue de l’auteur.
Le Sahara Occidental est considéré comme le dernier territoire à décoloniser sur le continent africain. Cette colonie espagnole est annexée illégalement par le Maroc en 1975, à travers la Marche Verte.
Après 16 années de guerre entre le Maroc et le Front Polisario, un cessez-le-feu a été signé en 1991. Les Nations-Unies sont alors missionnées d’y organiser un référendum afin de respecter le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination (la MINURSO, Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un Référendum au Sahara Occidental).
Cependant depuis 1991, un statu quo s’est installé, laissant l’occupation marocaine s’intensifier au mépris du droit international.
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Lorsque le cessez-le-feu est accepté en 1991 à la fois par le Front Polisario et le Maroc, cela va s’accompagner de la signature d’accords militaires (en 1997 et 1998) qui introduisent un certain nombre de restrictions afin de permettre un contexte de transition propice à l’organisation du référendum d’autodétermination.
Ce référendum doit permettre au peuple du Sahara occidental de choisir entre l’indépendance ou l’intégration au Maroc.
En signant les accords militaires, les trois parties (MINURSO, Front Polisario, et Forces Armées Royales marocaines) s’engagent à respecter des engagements.
L’accord militaire n°1 délimite ainsi la répartition sur le territoire des deux armées et des zones de restrictions (voir cartes). Cette répartition transitionnelle du territoire se base sur la délimitation du mur militaire de 2500 km construit par le Maroc dans les années 80 - pour protéger "son espace" considéré “utile” (phosphates et poissons).
Le référendum est initialement prévu en 1992, mais la mission de l’ONU est d’entrée de jeu confrontée à des obstructions, des retards, puis des échecs.
Le mandat de la MINURSO consiste à :
– Surveiller le cessez-le-feu
– Vérifier la réduction des troupes marocaines sur le territoire
– Surveiller le confinement des troupes marocaines et du Front POLISARIO dans des lieux désignés
– Prendre des mesures avec les parties pour assurer la libération de tous les prisonniers ou détenus politiques du Sahara occidental
– Superviser l’échange des prisonniers de guerre (Comité international de la Croix-Rouge)
– Mettre en œuvre le programme de rapatriement (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés)
– Identifier et inscrire les électeurs qualifiés
– Organiser et assurer un référendum libre et juste et proclamer les résultats.
Le bilan après 29 années est désastreux, et interroge forcément sur les responsabilités des uns et des autres, principalement au conseil de sécurité de l’ONU et dans la MINURSO étant donné la neutralité supposée accompagner ces fonctions.
Le cessez-le-feu a très vite été violé des deux côtés (FAR Maroc et Front Polisario).
Aucune date n’est établie pour un référendum (en partie à cause d’obstructions marocaines soutenus par la France, membre permanent à l’ONU).
La persistance de l’obstruction marocaine instaure un statu quo, en faveur du Maroc. Devant l’immobilisme de l’ONU, le Maroc va poursuivre dans l’illégalité via la technique des faits accomplis (inauguré avec la Marche Verte) : le développement de son implantation sur le territoire, le peuplement marocain massif, et l’exploitation des ressources naturelles. (photos)
L’invasion marocaine en 1975 a forcé la population sahraouie hors de son territoire, vers les camps de réfugiés dans le désert algérien. Les sahraouis restés sur le territoire occupé sont donc minoritaires et subissent la répression exercée par les autorités marocaines. Les différents mécanismes d’occupation du territoire et de peuplement, puis l’oppression sur la minorité sahraouie, ambitionnent d’atteindre à terme un point de non-retour : la « marocanité » irréversible du Sahara Occidental.
L’historique des Rapports du Secrétaire Général de l’ONU entre 1990 et 2020 montre le dérapage progressif de cette mission onusienne. D’ailleurs la mention d’un référendum d’autodétermination disparaît carrément des résolutions, son rôle se limitant depuis une dizaine d’années à lister les violations du cessez-le-feu, sans réelle intervention sur le terrain, ni prise en compte du peuplement marocain et de l’exploitation des ressources qui impactent directement la résolution du conflit.
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Le point de passage de Guerguerat est extrêmement stratégique à plusieurs niveaux et les tensions s’y accumulent depuis déjà plusieurs années.
Un rapport du Secrétaire Général de l’ONU d’Avril 2001 mentionne que l’armée marocaine envisage de construire une route goudronnée à travers la zone tampon, et l’ONU avertit le Maroc que "la construction envisagée posait des problèmes délicats et que certaines des activités entreprises pourraient contrevenir l’accord de cessez-le-feu".
Le rapport suivant en juin 2001 fait état de : "divers signes indiquant une reprise des travaux, la MINURSO et plusieurs Etats membres ont pris contact avec les autorités marocaines et ont demandé qu’elles suspendent à nouveau les travaux de constructions de cette route".
Les rapports des années suivantes ne mentionnent plus Guerguerat.
Il faudra attendre le rapport de 2017 pour entendre à nouveau parler de Guerguerat.
En aout 2016, les autorités marocaines s’introduisent dans la zone tampon pour superviser la construction d’une route menant au poste frontière mauritanien. Les forces du Front Polisario interviennent pour stopper ce chantier. Les deux camps ont alors violé l’accord militaire n°1.
Ce face à face tendu durera jusqu’en février 2017.
L’argument du Front Polisario sur sa présence durable dans la zone tampon était surtout de faire pression sur la MINURSO pour protester contre l’ouverture du mur militaire en exigeant « une solution qui aille au-delà d’un simple enregistrement des violations ».
Il est difficile de savoir exactement à quel moment cette brèche a été ouverte sur le mur militaire.
La MINURSO est depuis longtemps dépassée sur le terrain étant donné le nombre de violations de l’accord militaire n°1 des deux côtés, l’effectif limité d’observateurs militaires et de bases sur une zone de responsabilité très étendu (Le rapport d’avril 2005 du Secrétaire Général de l’ONU avoue quelques faiblesses sur ce point).
En 2005, les vues satellites montrent que le Maroc a réaménagé la nationale entre Dakhla et Guerguerat, qu’une brèche est bien ouverte dans le mur militaire pour créer un passage en Mauritanie (illégal), qu’un poste de douane marocain a été construit, et que le poste frontière Mauritanien est installé dans la zone tampon au Sahara Occidental.
Avant janvier 2002, le passage de Dakhla à Nouadhibou est limité, car réalisé en convoi militaire (marocain puis mauritanien) deux fois par semaine. Le convoi bivouaque la nuit dans un campement militaire à Guerguerat. L’absence de goudron du côté mauritanien jusqu’en 2005 limite tout développement, il faut compter une journée de route pour aller de Guerguerat à Nouadhibou.
A partir de 2005, le Maroc ambitionne clairement de développer cette frontière terrestre pour en faire une « artère commerciale » vers l’Afrique Subsaharienne. L’accord militaire n°1 ne concerne pas les activités civiles et n’interdit donc pas aux civils de pénétrer dans la zone tampon. Cependant, l’ouverture d’une brèche dans le mur militaire est une violation. En conséquence, le passage civil ou commercial (import-export) ne devrait pas avoir lieu tant que le conflit n’est pas réglé.
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Depuis 2017, les blocages routiers des civils sahraouis sur cette zone sont très fréquents, d’une durée variable, pouvant aller d’une journée à plusieurs semaines. L’occupation et l’esprit d’autogestion sur place rappellent par moment les Zad (Zones à Défendre) qu’on rencontre en France. Les blocages suscitent de vives tensions entre les sahraouis, et les commerçants mauritaniens, les voyageurs subsahariens, les camionneurs - et la police marocaine.
La police intervient régulièrement en civil dans la zone tampon pour procéder à de la surveillance, à des actes de violence ou à des enlèvements.
Les forces de la MINURSO sont peu présents sur place. En l’absence de base dans cette zone, ils logent dans un hôtel situé à 80km au Nord (sur la N1 à Bir Gandouz). En conséquence les autorités marocaines ont le champ libre pour opérer illégalement.
Le décès d’Ahmed Salem Ould Ahmed Ould Lemgheimadh en février 2019 résulte de l’impunité des violations marocaines sur cette zone.
Le 27 janvier 2019, ce jeune commerçant sahraoui de 24 ans bloque la circulation dans la zone tampon, pour protester contre le traitement injuste qu’il a reçu des douanes marocaines. Entouré par l’injustice et l’oppression policière, il s’immole et décédera 3 jours plus tard.
Un geste qui exprime son désespoir face à l’injustice portée par le colonialisme. Dans une vidéo qui précède son acte, il appelle à l’aide et exprime son ras-le-bol de l’exclusion socio-économique de la jeunesse sahraouie dans le territoire occupé : « Veuillez trouver une solution pour nous ! Montrez votre solidarité avec nous. Nous voulons juste travailler. Nous voulons juste un morceau de pain ».
En réaction à la violence de ce décès, le représentant du Front Polisario aux Nations Unies, M. Sidi M. Omar, avait exprimé sa préoccupation à la MINURSO au sujet des intrusions policières marocaines dans la zone tampon et souligné que ces violations du cessez-le-feu mettaient en danger les sahraouis : « Cette situation ne peut plus être tolérée et l’ONU doit assumer toutes ses responsabilités et assurer le plein respect du cessez-le-feu. ».
Depuis plusieurs années, le Front Polisario exprime son mécontentement sur les faits accomplis, et souligne que l’ouverture dans le mur militaire est une violation - mais leurs critiques se heurtent au silence et à la passivité de l’ONU.
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Les années passant, les sahraouis perdent confiance dans la MINURSO. Le droit international est du côté des sahraouis. Cependant ces droits sont piétinés.
Depuis la démission en mai 2019 de l’Envoyé personnel Horst Kohler, le poste à la MINURSO est resté libre, aucun progrès n’est possible au niveau onusien.
Les derniers rapports du Secrétaire Général sont déséquilibrés (un point souligné par la Russie et l’Afrique du Sud au Conseil de Sécurité de l’ONU). L’autodétermination et le droit inaliénable des sahraouis sont décrédibilisé en faveur d’un « compromis mutuellement acceptable », une terminologie inadaptée dans le cas d’une décolonisation.
Le 13 novembre 2020 marque donc un point de rupture, la direction du Front Polisario considère n’avoir d’autres choix que de reprendre les armes pour imposer le respect des droits du peuple sahraoui.
Il faut souligner que les 29 années qui précèdent sont assez surprenante. Il est rare de voir un peuple faire preuve d’autant de patience et d’un si solide attachement à un règlement diplomatique.
Depuis des années une partie de la jeunesse (surtout du côté des réfugiés) réclamait la guerre. Maintenant qu’elle est là, certains jeunes considèrent finalement que c’est un honneur de lutter par les armes qu’après s’être distingué par une lutte non-violente exemplaire pour faire respecter ses droits.
Le combat diplomatique s’étant heurté à la complaisance, aux lobbys et aux magouilles politiques des puissances étrangères pour court-circuiter des droits inaliénables, les recours pacifiques sont minces.
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Les événements qui vont précéder le 13 novembre 2020 sont assez inédits dans le sens où une mobilisation citoyenne pacifique s’engage sur différents fronts (territoire occupé, camps de réfugiés, territoire sous contrôle du Polisario) et bénéficient d’un enthousiasme crescendo faisant présager un difficile retour en arrière.
Le 20 septembre (10 ans après le campement de protestation sahraoui à Gdeim Izik), une trentaine de militants se réunissent clandestinement à Laayoune pour lancer l’ISACOM, l’Instance SAhraouie Contre l’Occupation Marocaine.
Son but : défendre pacifiquement les droits des sahraouis à la liberté, à l’indépendance et à la dignité - et refuser l’occupation et le statu quo. Elle condamne les responsabilités de l’ONU, la MINURSO, et la France dans l’impasse actuelle.
Le lancement clandestin de cette nouvelle instance a nécessité des semaines d’organisation pour parvenir à déjouer la surveillance policière marocaine. Dans ce territoire occupé, reconnaître l’existence du Sahara Occidental en tant qu’entité distincte du Maroc est une infraction pénale marocaine passible d’une peine d’emprisonnement pour « atteinte à la sécurité intérieure » du Maroc.
Les autorités marocaines répliquent donc par l’ouverture d’une enquête judiciaire, l’augmentation de la présence policière et des mesures oppressives sur l’ensemble de la ville. Les maisons des militants sont encerclées 24/24h par un blocus policier (DGSN et DGST) empêchant l’accès.
De l’autre côté du mur, le 23 septembre, des dizaines de civils quittent les camps de réfugiés de Tindouf avec l’objectif de bloquer le passage de Guerguerat sur une durée indéterminée. Environ 1500 km de pistes sur un territoire miné les séparent de cette zone tampon. Le blocage est initialement prévu pour coïncider avec la 75e session de l’Assemblée générale des Nations unies, suivie du renouvellement de la MINURSO au conseil de sécurité de l’ONU - l’ambition affichée est clairement de faire pression sur l’ONU.
L’initiative provoque un engouement sur les réseaux sociaux (mais rencontre toutefois quelques divisions chez des dirigeants du Polisario).
Le même jour, l’UNESCO intègre Laayoune dans sa liste des « villes marocaines membre du Réseau mondial des villes apprenantes » (GNLC). Une absurdité qui insurge les sahraouis, sachant que l’UNESCO fait parti de l’ONU, que Laayoune est une ville sous occupation marocaine (et non au Maroc), et que la politique coloniale s’attache à détruire l’identité, la culture et l’histoire sahraouie. Face à la mobilisation des associations, l’UNESCO retire discrètement Laayoune de la liste le lendemain, sans formuler d’excuses aux sahraouis. (Audrey Azoulay est la directrice de l’UNESCO - fille d’André Azoulay, conseiller du roi Hassan II, puis Mohammed VI)
Le 10 octobre une dizaine de sahraouis s’installent dans la zone tampon. Un deuxième groupe de manifestants arrive le 12 octobre depuis le camp de réfugiés, suivi d’un autre groupe plus tard.
En parallèle, des sit-in ont lieu directement sur le mur de séparation, le 19 octobre près de M’Hiriz et le 21 octobre près de Bir Lahlou (territoire sous contrôle du Front Polisario). Des dizaines d’hommes et femmes y manifestent avec des drapeaux, face aux militaires marocains. (Le mur de séparation compte environ 100.000 militaires marocains répartis sur des centaines de postes d’observation. Les environs du mur sont minés).
Le blocage complet du passage dans la zone tampon débute le 21 octobre et s’accompagne de manifestations pacifiques avec des messages à destination de l’ONU et de l’UE pour demander :
– la fermeture de cette brèche sur le mur de séparation
– la fin de l’exploitation des ressources
– l’organisation du référendum d’autodétermination (et la fin du statu quo)
Le blocage génère vite de lourdes pertes financières surtout pour les pêcheurs espagnols et marocains (qui exportent via Guerguerat), une pénurie de fruits et légumes sur l’ensemble de la Mauritanie (qui subit une hausse des prix et le mécontentement des habitants), et le blocage d’une centaine de routiers marocains (qui grognent de chaque côté des postes frontières).
Le 21 octobre, le porte-parole du Secrétaire Général de l’ONU s’exprime en faveur du Maroc :
« Nous rappelons que la circulation civile et commerciale régulière ne doit pas être entravée (à Guerguerat) et qu’aucune mesure ne doit être prise qui pourrait constituer un changement du statu quo dans la zone tampon » de Guerguerat ».
Tous les soirs des manifestations spontanées ont lieu dans le territoire occupé malgré les violences policières persistantes et les arrestations.
Le 6 novembre des renforts militaires marocains pénètrent dans la zone restreinte de Guerguerat et se positionnent sur le mur (le 6 novembre est une fête nationale marocaine qui célèbre la Marche Verte et symbolise "la récupération du Sahara marocain"). Le Front Polisario souligne à la MINURSO cette violation du cessez-le-feu. L’ONU reste mutique sur ce point.
Dans les camps de réfugiés, les discours et les speechs s’improvisent et mobilisent la population contre l’occupation marocaine.
Comme toujours, les vidéos font des allers-retours via téléphone dans l’ensemble de la communauté sahraouie (camps de réfugiés en Algérie, Mauritanie, Sahara occupé, et chez les réfugiés en Europe).
Le 9 novembre, le Front Polisario avertit, via un communiqué, que « l’entrée de tout élément militaire, sécuritaire ou civil marocain » dans la zone tampon serait considéré comme « une agression flagrante, à laquelle la partie sahraouie répliquera énergiquement, en légitime défense et en défendant sa souveraineté nationale ».
Le 11 novembre, une manifestation est organisée devant le siège de la MINURSO dans la localité de Mijek (territoire sous contrôle du Polisario) pour réclamer l’organisation d’un référendum d’autodétermination.
Le 12 novembre plusieurs camps de réfugiés sahraouis en Algérie (Rabouni, El Aaiún) manifestent contre l’occupation marocaine.
Une manifestation nocturne réclame la liberté ou la guerre.
Le 13 novembre les forces marocaines pénètrent dans la zone tampon pour disperser les manifestants pacifiques sahraouis. La réouverture « du passage civil et commercial » est prétextée pour justifier l’opération militaire (l’accord militaire n°1, signé par le Maroc, précise que la zone tampon est interdite d’accès aux militaires).
Le ministre marocain des Affaires Étrangères, Nasser Bourita explique que « le Maroc a décidé d’agir, dans le respect de ses attributions, en vertu de ses devoirs et en parfaite conformité avec la légalité internationale ». En réalité le droit international s’oppose à l’occupation, à la colonisation marocaine, ou à l’exploitation des ressources dans ce territoire non autonome.
Les militaires du Polisario interviennent pour escorter les manifestants en sécurité.
Le Front Polisario déclare que le cessez-le-feu « a été liquidé » .
Habitué depuis des années aux menaces sans suite du Polisario de reprendre les armes, le Maroc ne semble pas avoir accordé suffisamment d’importance à cette menace, pensant probablement à un coup de bluff (voir la menace de reprise des armes lors du passage sur le mur militaire du Rallye Paris-Dakar en 2001).
L’annonce de la reprise des armes semble surprendre le Maroc dans un premier temps. Attaché au statu quo et à l’invisibilisation des violations sur le terrain, la reprise du conflit armé introduit le risque d’un intérêt médiatique visibilisant les faits, et d’une signature d’un nouveau cessez-le-feu qui inclurait cette fois-ci une surveillance des droits humains. Inversement, la reprise du conflit armée offre également la possibilité au Maroc d’étendre le territoire occupé au-delà du mur pour atteindre la localité de Lagouira, puis l’ensemble du Sahara à terme.
Le 17 novembre le Maroc créé un nouveau mur de séparation sur la zone tampon pour protéger le passage vers la Mauritanie - ce qui constitue une extension illégale du territoire occupé, aggravée par la pose de mines le long de ce mur (le Maroc n’a pas ratifié la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel).
Le même jour, le ministère français des Affaires Étrangères, déclare :
« La France suit avec attention les évènements de Guerguerate. Elle a exprimé publiquement [lors de la visite de Le Drian au Maroc le 9-10 novembre] sa préoccupation quant au blocage de ce point de passage et rappelle l’importance de la liberté de circulation des biens et des personnes dans la zone. Elle prend acte des mesures prises par le Maroc. La France salue l’attachement du Maroc au cessez-le-feu. Celui-ci doit être préservé, de même que le processus politique doit être relancé dans le cadre des Nations unies. »
Cette déclaration privilégie la circulation commerciale au détriment du droit des sahraouis à auto-déterminer librement leurs avenirs. La mise en avant rhétorique de « l’attachement du Maroc au cessez-le-feu » permet de dissimuler la responsabilité directe du Maroc dans la reprise du conflit armé.
Du côté de l’ONU on note une absence de pression envers le Maroc concernant l’ouverture de cette brèche, l’extension du mur militaire dans la zone tampon, et sa responsabilité directe dans l’effondrement du cessez-le-feu.
Depuis 2015 les blocages civils sont très fréquents tout au long de l’année.
Régulièrement, l’ONU tient pour responsable le Front Polisario des blocages « sur le trafic civil et commercial », sans mentionner que cette ouverture sur le mur militaire est un fait accompli qui viole le cessez-le-feu et ouvre des problématiques supplémentaires. Ce discours illustre un parti pris onusien sur cette zone frontalière de Guerguerat, et donne un aperçu sur l’impasse diplomatique des sahraouis aujourd’hui.
Après 10 jours de combats, l’ONU reste assez silencieuse et en retrait.
La population sahraouie dans le territoire occupé est la première victime du conflit armée, coincée dans des villes quadrillées par la police et les forces auxiliaires.
Violences, exactions, arrestations arbitraires, rapts, disparitions forcées, torture, raids des forces spéciales sur les maisons des journalistes, blocus autour des maisons des militants, obstruction à la sortie du territoire, menaces de mort, intimidations... Mineurs, personnes âgées, filles ou garçons - la violence policière fait des victimes sans distinction et fait revivre le spectre des disparitions forcées des années 1976-92.
Les violations des droits humains s’enchaînent avec une grande impunité étant donné le blocus médiatique sur le territoire, l’immobilisme et le silence de la communauté internationale qui prévalent.
Cette mission de l’ONU étant la seule à n’avoir aucun mandat de surveillance des droits humains (car veto de la France au conseil de sécurité), le personnel de la MINURSO de Laayoune est ainsi retranché par mesure de sécurité dans sa base, pour observer un cessez-le-feu qui a déjà volé en éclats.
La Charte des Nations Unies et les principes éthiques les plus élémentaires ont été piétinés pendant 29 ans et résultent en partie de l’influence de la France et des USA sur les résolutions du conseil de sécurité, et de leurs complicités respectives et intéressées avec le Maroc (ventes d’armes, coopération militaire, antiterrorisme, commerce, etc).
Étant donné l’impunité du Maroc et la paralysie de l’ONU depuis trois décennies, les sahraouis pointent du doigt les responsabilités qui ont mené à leur vulnérabilité persistante et appellent les médias à s’emparer enfin de leurs problématiques malgré le blocus médiatique imposé sur le territoire occupé par le Maroc (voir le dossier RSF « Le Sahara occidental, un désert pour les journalistes »).
Sur les réseaux sociaux, vidéos, alertes et appels des sahraouis s’enchaînent pour l’intervention en urgence de la Croix Rouge internationale (CICR) afin d’imposer le respect de la Quatrième Convention de Genève sur la protection des civils en temps de guerre. Invariablement, « Paix, justice et liberté » sont réclamés par les sahraouis. Un futur cessez-le-feu est indispensable, mais comment accorder sa confiance à l’ONU qui s’est discrédité aux yeux des habitants ? Et comment régler ce conflit sans retour au statu quo ?
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Documentaires photos sur l’occupation marocaine au Sahara Occidental :
https://lorzelli.cargo.site/
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