État de la situation
Pour les requérants, les problèmes rencontrés sont multiples :
• Problème de disponibilité : Dans un grand nombre de villes, les logements vacants sont quasi inexistants alors qu’Airbnb accapare près de 30 000 logements au Québec [1] La SCHL indique que le besoin de logements abordables au Québec d’ici 2023 est de 620 000. [2]
• Problème de coût : Une carte interactive produite par Laurianne Croteau, Catherine Bombardier et Cédric Gagnon permet de constater que le loyer moyen est en forte hausse. [3]
• Problème d’accessibilité : Les logements adaptés pour les personnes ayant un handicap (physique, santé mentale, …) sont quasi inexistants.
• Problème de discrimination : Pour des motifs de race, d’âge, de composition des ménages, de genre, de citoyenneté, de revenu, d’absence d’emploi, les requérants sont refusés comme locataires. Nous constatons de multiples visages du « pas dans ma cour ». Ainsi, on déloge un campement d’itinérants mais il n’y a de place pour les reloger. On appuie la construction de logements sociaux mais pas ceux ayant une densité plus grande que celle du voisinage immédiat.
• Problème de réno-éviction : Ce phénomène grandissant est facilité par le financement à la rénovation et multiples exemptions consenties aux propriétaires : « Le logement est considéré aujourd’hui comme n’importe quel autre bien de consommation qui s’achète et se revend. » Hélène Bélanger1
• Problème de reconversion de résidences pour personnes agées en logements locatifs, (Résidence Mont Carmel, Résidence Caroline , Résidence privée pour aînée La Seigneurie de Salaberry, Villa Sainte-Foy laissant les aînés sans alternatives adéquates pour se loger.
• Problème de fermetures de ressources (RPA, foyers pour personnes handicapées ou en perte d’autonomie, maisons refuges pour femmes battues, …) aux prises avec des exigences règlementaires couteuses impossible à financer, les usagers ayant de faibles revenus.
Pour les promoteurs de logements sociaux communautaires
• Problème d’acquisition de terrain : Nous assistons à une hausse faramineuse de leur coût, estimé à leur valeur marchande et non pas à la valeur estimée de l’évaluation foncière municipale.
• Problème d’accès à un entrepreneur : Trouver un entrepreneur général, capable de construire un bâtiment socio communautaire abordable répondant aux exigences climatiques à l’intérieur du financement public consenti est quasi impossible.
• Problème d’accès à un financement adéquat répondant aux normes : Le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) octroie en 2023 tout comme en 2022, le financement de 1000 logements abordables pour l’ensemble du Québec, un nombre nettement insuffisant. Les institutions financières (Desjardins, Fonds de Solidarité FTQ, Fondaction CSN), chacune accréditée en 2022 pour la construction de 1000 logements abordables à la location ou à l’achat, n’a pas été reconduit en 2023. Le gouvernement Legault n’a pas adopté de mesure pérenne pour palier à l’abandon du programme Accès Logis.
• Problème de coût des matériaux : Il y a une augmentation spectaculaire du prix des principaux matériaux de construction, comme le béton et l’acier de construction, respectivement en hausse de 55 % et de 53 % depuis le premier trimestre de 2020 tout comme celui du bois d’œuvre en 2021. [4]
• Problème de main d’œuvre insuffisante : Statistique Canada indique qu’en juin 2023 il manque plus de 12 000 travailleurs dans les chantiers. [5]
• Problème d’accès rapide aux autorisations municipales (permis, règlements, …). Bien que reconnu par les municipalités, les solutions tardent.
Pour les villes
• Problème de revenus limités : La taxe foncière, principale source de revenu, est nettement insuffisante pour répondre aux besoins de logements sociaux communautaires actuels. Les administrations municipales sont dépendantes des engagements financiers tant de Québec que d’Ottawa.
• Problème administratif d’accès rapidement aux autorisations pour construire : Il y a de multiples paliers distincts à satisfaire avant de pouvoir construire, d’où les importants délais dans les mises en chantier.
Déconnexion des gouvernements fédéral et provincial de l’ampleur du problème
Tant à Ottawa qu’à Québec, l’approche privilégiée favorise tant les marchés financiers, que ceux des hydrocarbures et manufacturiers de niche au détriment de réponses adéquates à la crise du logement.
Présentement, au Québec il y a un déficit de logements sociaux criant pour lequel il n’y a aucune mesure récurrente.
« Quand il était financé adéquatement, le programme AccèsLogis du gouvernement du Québec construisait en moyenne 1900 unités de logement social et abordable par an entre 2005 et 2012. Pour 2023-2024, Québec finance seulement 1500 nouvelles unités, alors que les besoins sont plus importants que jamais ». [6]
Le financement accordé au logement est non différencié qu’il soit de haute gamme, abordable ou au social. De plus , au Québec, les entrepreneurs peuvent avoir des remboursements de TPS et de TVQ [7]. C’est probablement pour cette raison que Québec n’a pas emboîté le pas à l’abolition de TPS du fédéral, ce crédit étant déjà en vigueur.
Le projet de Loi 31, de son côté, abolit la cession de bail au bénéfice des propriétaires, principaux bénéficiaires des contraintes imposées par le Tribunal administratif du logement. Du même souffle, le gouvernement Legault rejette un registre des loyers pour contrer les hausses excessives des loyers.
Il n’y a pas de proposition gouvernementale capable d’endiguer à court, moyen et long terme la crise du logement qui sévit.
Au Canada, de 1994 à 2017, le gouvernement a désinvesti dans le logement social. Malgré La Stratégie nationale sur le logement adoptée en 2017, un plan de 40 milliards de dollars visant à assurer que tous les Canadiens disposent d’un logement abordable qui réponde à leurs besoins, les résultats sont négatifs.Le rapport du Conseil national du logement d’avril 2023, en témoigne.
« La perte de logements dits abordables a dépassé le rythme de construction de nouvelles unités. … Pour les personnes pauvres ou en situation d’itinérance, même les habitations soi-disant abordables ne le sont pas réellement, leurs revenus étant insuffisants pour se loger adéquatement. » [8]
Une bonification de 20 milliards additionnels vient d’être annoncée par la Ministre des Finances permettant « aux promoteurs d’accéder à des prêts à un taux d’intérêt inférieur d’un à deux points de pourcentage à celui d’un prêt hypothécaire conventionnel. »
Toutefois, rien qui ne garantisse que des chantiers de construction de logements sociaux voient le jour. Nous ne pouvons que constater l’absence de mesures récurrentes tant fédérales que provinciales. Pourtant, plusieurs mesures pérennes ont été proposées. Nous en privilégions trois qui sont structurantes et permettraient à court, moyen et long terme de répondre au besoin de logement sociaux communautaires au Québec :
• La création d’un fonds national pour pallier la pénurie de logements sociaux au Québec : Ce fonds permettrait à moyen et à long terme d’offrir aux municipalités l’occasion d’acheter des terrains, de monter des nouveaux bâtiments et même de rénover ou d’acheter des bâtiments existants pour les transformer en logements sociaux et abordables, estime le Maire de Québec. [9]
• La création « de fiducie foncière communautaire (FFC). Les FFC sont des organismes sans but lucratif créés pour acquérir et détenir des terrains pour une collectivité. Les terrains sont détenus en fiducie pour aider à donner l’accès à un usage communautaire, comme des logements abordables. [10].
• La formule de Vienne, une réussite de l’abordabilité résidentielle caractérisée par : « Le financement stable et prévisible aux organismes notamment au moyen des outils de la fiscalité, des mesures réglementaires et urbanistiques visant à obtenir ou réserver des terrains à bon prix pour le logement social et abordable, la construction de projets de qualité et écologiques où il fait bon vivre, pour ne nommer que ceux-là. [11]
Ainsi, un fonds national de construction de logements payé par les employeurs assurerait un financement pérenne, un incontournable pour que la crise du logement se résorbe. Il est de la responsabilité sociale des entreprises, principales utilisatrices des services et infrastructures publiques (eau, électricité, transport routier, …) de défrayer ces coûts au bénéfice de logements sociaux communautaires de qualité pour tous. Les fiducies foncières d’utilité sociale pour la réalisation de logements « hors marché » sont des intrants complémentaires un fonds national de construction du logement. Elles garantissent par la propriété collective du terrain que celui-ci ne pourra être utilisé que pour les fins sociales définies dans sa mission. Un financement adéquat des organismes communautaires permettra de consolider les équipes existantes et de planifier la réalisation de projets de logements sociaux communautaires abordables à long terme.
La réalisation de logements sociaux communautaires abordables est nécessaire et possible. Des décisions urgentes, engageantes et pérennes doivent être prises tant à Québec qu’à Ottawa pour que droit au logement s’exerce pleinement.
Ghislaine Raymond
1er octobre 2023
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