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Le peuple Haïtien vit historiquement les conséquences désastreuses des multiples interventions depuis l’invasion européenne sur cette terre en 1492. À titre illustratif : le génocide des Tainos induisant la venue des captifs et captives de l’Afrique, la dette de l’indépendance imposée par la France en 1825, l’occupation américaine 1915-1934 et le vol de la réserve d’or de la Banque Nationale, réserve d’or jamais restituée depuis l’occupation américaine 1915-1934, la dépossession de la paysannerie ainsi qu’une migration forcée et orchestrée, la déstructuration des institutions étatiques, le remplacement de l’armée nationale par une gendarmerie apatride… Les raisons inavouées de ces envahissements ont toujours été occultées derrière des soi-disant velléités de venir aider Haïti, d’apporter la civilisation ou de rétablir la paix.
Aujourd’hui, le Core Group sous la houlette des États-Unis d’Amérique du Nord et du Canada, souhaite répondre à une demande inconstitutionnelle, illégale d’un gouvernement illégitime, décrié par le peuple Haïtien, demande qui consiste à faire venir des forces étrangères militaires pour contrer l’insécurité et résoudre la crise humanitaire. Il va sans dire qu’Haïti fait face actuellement à une des pires crises affectant toutes les sphères de la société. Mais cette crise n’est pas nouvelle et est la conséquence de politiques imposées au peuple Haïtien par le biais de laquais locaux tant des secteurs politiques que du secteur privé des affaires. Les politiques d’ajustement structurel déstructurant l’économie Haïtienne en sont des exemples. Pour preuve, la récente et criminelle mesure du gouvernement d’Ariel Henry d’augmenter de 128% le prix du carburant à la demande du FMI, soutenue par le Core Group, contre un peuple déjà en détresse.
Pendant plus de 20 ans, les Forces armées canadiennes (FAC) et des forces policières comme la GRC (Gendarmerie royale du Canada) ont fait partie des Casques bleus des différentes missions de l’ONU en Haïti, de la MINUHA 1993 à la BINUH 2019. (MINUHA 1993, MANUH 1996, MITNUH 1997, MIPONUH 1997-2000, MINUSTAH 2004, MINUJUSTH 2017-2019, BINUH 2019). Cette dernière force de stabilisation au pays jusqu’en 2022 avait pour mandat « appui à bonne gouvernance, stabilité, professionnalisation de la police, réduction de la violence communautaire et de la violence des gangs ». Toutes ces missions forces dites de stabilisation et de maintien de la paix ont été non concluantes, car ne donnant aucun résultat en termes de leurs propres objectifs et de surcroît n’ont apporté que souffrance pour la population tout en accroissant sa vulnérabilité : viols, enfants sans père, prostitution. Ceux qui ont perpétré ces crimes n’ont jamais été interpellés, voire jugés.
Nous nous questionnons sur le désir soudain de vouloir juguler cette crise résultante de la politique appliquée en Haïti par les pays du Core Group, dont le Canada, politique qui ne tient pas compte des revendications des masses Haïtiennes et qui témoigne d’une indifférence conjuguée avec un silence mortifère face à toutes sortes d’exactions que ce peuple subit. Rien n’a été dit sur les massacres, les centaines de kidnappings ruinant la classe moyenne, paupérisant davantage les classes populaires, semant le deuil et le désespoir dans les familles ; rien n’a été dit sur les répressions systématiques et sauvages de la police nationale des manifestant.e.s, police pourtant formée aux bons soins des forces canadiennes. Rien n’a été dit sur les initiatives de fédérer et de donner un statut légal à ces mêmes gangs qu’aujourd’hui on veut combattre. Rien n’a été dit non plus sur l’arrivée massive d’armes et de munitions en provenance des États-Unis d’Amérique du Nord approvisionnant les gangs criminels sous commandement non-officiel en Haïti. Rien n’a été dit ne se dit sur les traitements que fait subir l’État dominicain aux immigrant.e.s haïtien.ne.s et sur les conditions infrahumaines de leurs déportations massives. Et on pourrait continuer…
Fort de ces constats, la CHCDH (Coalition Haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti) en adéquation avec les desiderata du peuple Haïtien, demande au gouvernement canadien :
• De surseoir sur toute forme d’intervention en Haïti qui risque de provoquer un génocide dans les quartiers populaires sous contrôle de gangs lourdement armés ;
• D’arrêter d’appuyer le gouvernement illégitime, inconstitutionnel et illégal d’Ariel Henry, indifférent à la souffrance de son peuple, (un gouvernement imposé aux Haïtien.ne.s par un gazouillis de l’Ambassade Américaine porte étendard des pays du Core Group) et d’entendre le cri de la population dans les rues réclamant sa destitution ;
• D’arrêter le soutien indirect aux gangs par le biais de gouvernements fantoches dont celui d’Ariel Henry qui les finance et les protège (par le biais d’enregistrement au Ministère des Affaires sociales avec la bénédiction de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies, Madame Hélène Lalime) ;
• De soutenir une solution Haïtienne à la crise ignorée systématiquement, notamment l’Accord de Montana regroupant les forces vives de la nation, résultat d’un consensus large (secteurs paysan, ouvrier, femme, jeunes, organisation de base, partis politiques de gauche comme de droite) et prônant une transition de rupture (avec la corruption, les formes de gouvernance surannées, la gabegie administrative, l’impunité) ;
• D’apporter une coopération respectueuse de la dignité, de la constitution et de la souveraineté d’Haïti, basée sur les besoins réels exprimés par les actrices et acteurs locaux
• Une assistance technique à la police nationale et la formation sur le respect des droits de la personne
• Un soutien au système juridique pour rendre justice à la population par rapport aux différents massacres et à la dilapidation des fonds petrocaribe
• Un soutien aux demandes de réparation des familles de plus de 10 000 morts du choléra et des 800 000 personnes infectées, tragédie nationale pour laquelle la MINUSTAH a été reconnue responsable.
Chantal Ismé, pour la CHCDH
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