En tant que simple citoyen vivant en zone potentiellement contaminée par un accident nucléaire, ces gens d’affaires me rassuraient, après tout, nous avons les mêmes intérêts. Bien sûr, par mêmes intérêts, je veux dire la santé et la sécurité de tous et de chacun aussi bien que les intérêts financiers de certains.
Mais voilà, déception, force est de constater que lorsqu’il est question de sécurité nucléaire, de nécessité énergétique et de rentabilité nationale, ces gens semblent perdre tout sens critique. Un vendeur d’autos leur dirait : Ce véhicule risque de manquer de freins, mais vous pouvez l’acheter en toute sécurité, le risque est minime, ces gens refuseraient de l’acheter. Un agent immobilier leur dirait : Il y a un risque que le toit de cette maison vous tombe sur la tête, mais achetez-la sans crainte, le risque est minime, ils ne l’achèteraient pas. On leur dit : Il y a un risque minime d’accident nucléaire majeur, et ils sont prêts à le prendre, sans critique, sans questionnement sur les anomalies du CANDU, sur les irrégularités dans la procédure d’approbation de la réfection, sur les risques sismiques et terroristes, sur le cul-de-sac des déchets radioactifs relégués aux générations futures. Hydro-Québec et la CCSN ont dit que tout est correct, donc tout est correct, comme un enfant qui se dit que c’est correct puisque papa l’a dit.
C’est ainsi que le PDG de la firme d’ingénierie Johnston-Vermette écrivait dans Le Nouvelliste du 3 février : « La faisabilité financière est bien maîtrisée », tout en ayant l’honnêteté d’admettre qu’il « ne peut se prononcer avec précision » et qu’il se fonde sur les données d’HQ au BAPE de…2004, il y a 8 ans et avant Fukushima. Il ajoute que « toutes les questions ont été répondues », donc c’est sécuritaire. Étrange alors que les citoyennes Diane Lanouette (de Champlain, Nouvelliste du 15 février) et Hélène Lamothe (de Trois-Rivières, Nouvelliste du 27 janvier) en soient encore à chercher réponse à leurs questionnements sur le plan d’intervention d’urgence nucléaire : comment pourra-t-on les rejoindre et les secourir en cas d’accident nucléaire majeur à G-2 ?
Face aux enjeux économiques locaux et régionaux et à l’inéluctabilité du déclassement de G-2, on refile la facture à l’ensemble des Québécois et on balaie le problème dans la cour de la prochaine génération, plutôt que de mettre tout en œuvre pour la sauvegarde réelle de l’économie régionale dans un continuum de développement durable inter-générationnel socialement viable.
Mais dormons en paix, braves gens, sur la page centrale du Nouvelliste du 17 février, 55 courageuses personnes pro-nucléaires se feront sans doute aussi liquidateurs volontaires de première ligne en cas de catastrophe à Gentilly-2 ! La publication de leur engagement solidaire serait appréciée de tous. De plus, ils devraient solliciter le même engagement public des dirigeants des Chambres de Commerce et des élus pro-nucléaires. Le cas échéant, nous n’oublierons pas leur courage et leur sacrifice !
Mais bien sûr, ce scénario ne peut se produire au Québec, les accidents nucléaires, c’est seulement pour les Russes, les Américains, les Japonais, les Français, et j’en passe. Au Québec, les viaducs ne nous tombent jamais sur la tête, les trains ne déraillent jamais. Au Québec, dormir avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ne nous dérange pas, ce n’est pas dangereux…puisque papa l’a dit.
