« Au cours des prochaines années, environ 35 % des employés de l’État seront éligibles à la retraite, indique Louise Chabot, porte-parole du Secrétariat intersyndical des services publics (SISP). Nous assisterons au plus grand renouvellement de main-d’œuvre de l’histoire de nos services publics. Ce renouvellement s’effectue à une période où, en fonction du déclin démographique, la population active du Québec diminue. Tous les secteurs d’emploi, tant publics que privés, seront en concurrence les uns les autres pour attirer les travailleuses et les travailleurs dont ils ont besoin. Déjà, nous constatons d’importantes pénuries de main-d’œuvre dans nos réseaux et d’inquiétants taux de roulement. En fonction de la dégradation des conditions de travail du secteur public, qui voudra encore y travailler ? Sans personnel pour donner les services à la population, c’est l’avenir du secteur public québécois qui est en jeu. »
Pour les représentants du Front commun, il importe de combler le retard salarial qu’accusent les employés des services publics par rapport aux autres salariés québécois. « La démonstration n’est plus à faire, indique Daniel Boyer, président de la FTQ. En novembre dernier, l’ISQ statuait que le retard de la rémunération globale du secteur public était de 8,3 % envers les autres salariés, pour des emplois comparables. Cette injustice doit être corrigée. »
« Environ 75 % des employés des services publics sont des femmes, souligne la vice-présidente de la CSN, Francine Lévesque. Pourquoi devraient-elles faire les frais, à elles seules, des politiques d’austérité mises de l’avant par le gouvernement Couillard ? Pourquoi devraient-elles se sacrifier alors qu’elles ont fait le choix de contribuer au bien-être de nos concitoyens, dans le réseau de la santé, de l’éducation et des organismes gouvernementaux ? Pourquoi seraient-elles les seules personnes à voir leur pouvoir d’achat se détériorer année après année, alors que les gens travaillant dans le secteur privé et dans les fonctions publiques fédérale et municipale voient leurs augmentations salariales suivre la hausse du coût de la vie ? »
Les porte-parole du Front commun estiment que « des hausses annuelles moyennes de 4,5 % pour les trois prochaines années sont nécessaires afin de combler le retard salarial des employés du secteur public, de les protéger contre la hausse du coût de la vie et de s’assurer que le retard salarial envers les autres salariés ne se recrée pas en cours de convention. » C’est la proposition qui sera soumise à la consultation des assemblées générales des syndicats du Front commun.
Les porte-parole du Front commun déplorent que le mythe de la sécurité d’emploi persiste encore aujourd’hui. « Environ 35 % des salariés du secteur public ont des emplois à statut précaire et gagnent en moyenne moins de 25 000 $ par année. Voilà pourquoi nous soumettons à la consultation de nos membres l’introduction de clauses qui réduiraient la précarité d’emploi. De telles clauses mériteraient d’ailleurs d’être étendues à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs du Québec », de déclarer les porte-parole syndicaux.
S’attaquer au mal-financement des services publics
Les organisations du Front commun entendent également ouvrir le dialogue avec le gouvernement sur la question du mal-financement des services publics. « Chaque jour, nos membres sont à même de constater le gaspillage éhonté des finances publiques, soutient Louise Chabot. La sous-traitance, les partenariats public-privé et le recours aux agences de personnel coûtent beaucoup plus cher que de confier le travail aux salariés du secteur public. En plus de provoquer une immense perte d’expertise dans nos réseaux, le recours au secteur privé ouvre la voie à de trop nombreux cas de copinage, de collusion et de détournement de fonds. »
« Le président du Conseil du trésor veut aborder la question de la productivité ? Alors, parlons-en !, affirme Francine Lévesque. Mais il s’agit d’un enjeu de système : pas question que ce fardeau repose sur les seules épaules des travailleuses et des travailleurs. Comment se fait-il qu’au cours des dix dernières années, le nombre de cadres ait cru deux fois plus rapidement que le nombre de salarié-es dans le secteur de la santé et des services sociaux, et quatre fois plus rapidement en éducation ? Comment se fait-il qu’on multiplie les contrôles administratifs du travail que nous effectuons ? Il n’est pas normal qu’un employé des services publics doive consacrer jusqu’à 30 % de son temps de travail à remplir des rapports et des statistiques à l’attention de ses supérieurs. Qu’on laisse les employés de l’État faire ce pour quoi ils sont payés : donner des services à la population, plutôt que de nourrir un nombre croissant de gestionnaires. »
Les organisations syndicales du Front commun saluent la volonté du gouvernement de revoir le régime fiscal, une nécessité pour assurer la pérennité des services publics. « Depuis la publication du rapport Godbout-Montmarquette, les membres du gouvernement Couillard ne regardent que la colonne des dépenses, proteste Daniel Boyer. Il est grand temps qu’on s’attarde à la colonne des revenus ! Au cours des vingt dernières années, les modifications au régime fiscal privent aujourd’hui l’État québécois de plus de 4 milliards de dollars chaque année. Et plusieurs sources de revenus pourraient être explorées sans alourdir le fardeau fiscal de la classe moyenne et des plus démunis de notre société. Nos organisations respectives feront évidemment entendre leurs voix dans ce débat public qui est nécessaire pour le financement de nos services publics. »
À propos
Le Front commun regroupe le Secrétariat intersyndical des services publics (SISP, formé de la CSQ, du SFPQ et de l’APTS), la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Ensemble, ces organisations représentent plus de 400 000 travailleuses et travailleurs des réseaux de la santé et des services sociaux, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la fonction publique du Québec.