Une nouvelle scène se déploie sous les yeux ahuris soit des spécialistes ou soit des profanes de ce qui est devenu un rendez-vous quinquennal, depuis le décret adopté par le gouvernement Charest en 2005, (les rondes de négociation de 2010, de 2015 et de 2020). Cette scène s’est mise en place le 27 avril dernier avec la présentation d’une proposition d’entente de principe globale du gouvernement faite aux salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic. Donc, depuis le 27 avril 2020 : Acte 4, scène 3.
Manifestement, nous ne sommes plus dans le champ des rumeurs. Il y a bel et bien eu entre lundi le 27 avril 2020 et le vendredi 8 mai 2020, comme nous l’avons écrit la semaine dernière, des échanges entre le Président du Conseil du Trésor avec certaines organisations syndicales autour d’une offre de règlement à soumettre aux membres et la présentation d’une contre-proposition syndicale pouvant déboucher sur une entente de principe convenue entre les parties négociantes.
https://www.pressegauche.org/La-negociation-dans-les-secteurs-public-et-parapublic-43419
https://www.pressegauche.org/Negociation-dans-les-secteurs-public-et-parapublic
L’offre gouvernementale est, selon les informations que nous avons obtenues « off the record », à quelques nuances près, identique à la proposition qui a été présentée le 12 décembre 2019. Première nuance : il ne s’agit plus d’un contrat de travail d’une durée de cinq ans, mais plutôt de trois ans. Deuxième nuance, un petit ajout est prévu pour toutes et tous, à la deuxième année du contrat. Cette offre, qui a été présentée verbalement, comporte les augmentations suivantes :
2019 : 1,75%
2020 : 1,75%
2021 : 1,5%
Le gouvernement du Québec envisage toujours de verser, en 2019, un montant forfaitaire de 1000$ pour les 350 000 salariéEs syndiquéEs qui ont atteint le sommet des échelons salariaux. Pour ce qui est de 2020, un nouveau montant forfaitaire (supérieur à 500$, mais inférieur à 700$ [facile à deviner si vous tranchez la poire en deux]) est prévu pour la totalité des 550 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic.
Il reste bien entendu à finaliser une entente autour des montants à accorder aux préposéEs aux bénéficiaires et à ficeler le tout à l’entente avec l’ensemble des employéEs de l’État. Quels sont les montants qui seront intégrés aux échelles des plus bas salariéEs du réseau de la santé et des services sociaux ? Là est la question, comme dirait l’Autre !
Conclusion
Nous ne sommes pas « devin ». Impossible pour nous de prévoir la suite des événements. Y aura-t-il ou non conclusion, à brève échéance, d’une entente de principe entre les parties négociantes ? En l’absence d’une entente négociée, le gouvernement décidera-t-il d’imposer unilatéralement ses vues en procédant à l’adoption d’un décret ? Nous n’en savons rien. Par contre, à ce moment-ci, nous avons au moins une certitude. La proposition gouvernementale d’offre finale, qui a été présentée verbalement aux négociatrices et aux négociateurs syndicaux, pose la question de la reconnaissance de la valeur du travail des 550 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic du Québec. Que vaut ce travail et à quelle hauteur mérite-t-il d’être rémunéré ? Le salaire des salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic, qui sont à 75% des femmes, doit-il être ou non pleinement protégé face à l’inflation ? Ce salaire doit-il être comparable à ce qui est versé pour des emplois équivalents dans des entreprises similaires ?
La présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic a pour effet de faire tomber certains masques. Le silence des porte-parole des partis politiques d’opposition nous en apprend beaucoup sur leur incapacité à défendre le un huitième de la main-d’œuvre salariée du Québec. À la veille d’un dénouement de la présente ronde de négociation, nous ne savons toujours pas quelle est la position des députéEs du Parti libéral du Québec, de Québec solidaire et du Parti québécois devant cette offre gouvernementale qui ne protège même pas, pour les trois prochaines années, le pouvoir d’achat des 550 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic. Offre gouvernementale qui d’ailleurs n’a pas pour effet de réduire les écarts observés par l’Institut de la statistique du Québec, année après année, entre les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic et leurs homologues des entreprises privées de 200 salariéEs et plus et des autres salariéEs des secteurs publics (gouvernement fédéral et employéEs municipaux). Celles et ceux qui s’abstiennent de prendre parti ici, nous en apprennent beaucoup sur les positions réelles qu’elles et qu’ils sont prêtEs à défendre.
Nous savons depuis longtemps que « le pouvoir corrompt » et que « le pouvoir absolu corrompt absolument ». Mais que savons-nous des personnes qui côtoient de près, depuis peu ou non, les dirigeantEs au pouvoir ? Que savons-nous de la contamination idéologique susceptible de se produire chez les personnes de l’opposition qui ont provisoirement l’écoute du premier ministre ou qui dialoguent fréquemment avec lui en cette période de la COVID-19 ? Se pourrait-il que cette soudaine proximité auditive ait pour effet d’affaisser leur esprit critique et de provoquer une chute de leur combativité légendaire ? Se pourrait-il que la contiguïté avec les dirigeantEs politiques ait pour effet de rendre aphones les députéEs qui se proclament progressistes ? Bien entendu, les députées de l’Assemblée nationale n’adhèrent pas unanimement à la politique de rémunération que le gouvernement caquiste met de l’avant pour les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic. Mais justement, quelle serait leur offre monétaire aux 550 000 salariéEs syndiquéEs ?
Mesdames et messieurs députéEs de l’opposition, il est passé minuit moins cinq ! Minuit moins une approche à la vitesse grand V ! Qu’avez-vous à dire sur la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic ? Nous ne vous demandons pas de faire de la politique partisane sur ce sujet. Nous vous invitons uniquement à préciser votre vision d’une politique salariale juste et équitable pour celles et ceux qui tiennent à bout de bras, depuis quarante années ou moins, l’administration publique et les réseaux de la santé et de l’éducation au Québec.
Et pendant ce temps, le Président du Conseil du Trésor, monsieur Christian Dubé, effeuille certains éléments de l’offre gouvernementale à ses salariéEs syndiquéEs via Twitter. Lui qui disait ne pas négocier en public. Paroles, paroles, paroles.
Yvan Perrier
11 mai 2020
yvan_perrier@hotmail.com
Remarque marginale : À lire de préférence jusqu’au bout…
En cette période d’état d’urgence sanitaire, le gouvernement se donne le droit d’imposer certaines mesures via des arrêtés ministériels. Le 26 avril dernier, la ministre de la Santé et des Services sociaux ordonnait ce qui suit :
« QUE toute réunion, séance ou assemblée qui a lieu en personne, y compris celle d’un organe délibérant, puisse se tenir à l’aide d’un moyen permettant à tous les membres de communiquer immédiatement entre eux ; lorsque la loi prévoit qu’une séance doit être publique, celle-ci doit être publicisée dès que possible par tout moyen permettant au public de connaître la teneur des discussions entre les participants et le résultat de la délibération des membres ;
QUE lorsqu’un vote secret est requis, celui-ci puisse être tenu par tout moyen de communication convenu par toutes les personnes ayant droit de vote ou, à défaut, par tout moyen permettant, à la fois, de recueillir les votes de façon à ce qu’ils puissent être vérifiés subséquemment et de préserver le caractère secret du vote ; »
Source : Arrêté numéro 2020-029 de la ministre de la Santé et des services sociaux en date du 26 avril 2020.
La vie démocratique syndicale entre dans une nouvelle ère, l’ère des délibérations à distance et des votes secrets virtuels. Bref, une ère d’atomisation à outrance où les paroles s’envolent en l’air…
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