Édition du 15 octobre 2024

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Environnement

Mirage des anodes inertes. Elysis quand tu nous tiens !

Elysis, un mot quasiment magique. Quand Fitzgibbon en parlait, il lévitait presque. Pour ceux et celles qui ne sont pas au courant, Elysis désigne un nouveau procédé de production de l’aluminium actuellement en recherche et développement au Saguenay lac St-Jean. Ce procédé en est un dit « d’anode inerte » et son principal mérite serait de ne pas dégager de gaz à effet de serre (GES). Il faut dire que les GES dégagés par les anodes de carbone (la technologie actuelle) entraînent un lourd bilan environnemental qui fait du secteur de l’aluminium au Québec le principal émetteur de GES en industrie.

Germain Dallaire

C’est presqu’un euphémisme, les gouvernements fantasment à plein sur cette technologie. En 2018, à l’amorce des travaux de recherche au Saguenay, les deux ordres de gouvernement investissent 160 millions$, Alcoa et Rio Tinto 55 millions et Apple 13 millions. À ce moment-là, l’application industrielle était prévue pour 2024. En juin dernier, Rio Tinto annonçait la construction pour 2027 d’une usine de démonstration composée de 10 petites cuves permettant de produire annuellement 2500 tonnes métriques. Rio Tinto investira 375 millions et le gouvernement du Québec 140 millions. Compte tenu des promesses de 2018, on est encore dans la recherche et développement. Rio Tinto achète du temps.

Lors de l’annonce de juin, le fédéral était aux abonnés absents. Peut-être garde-t-il ses annonces pour la campagne électorale à venir ou peut-être que le ministre Champagne commence à trouver que c’est cher payé en argent public pour des résultats relativement modestes qui laissent place encore à beaucoup d’incertitude. Toujours est-il que j’ai obtenu copie par une source désirant garder l’anonymat d’une lettre caviardée dont on peut cependant voir qu’elle est rédigée par un député et adressée à un ministre (sûrement François Philippe Champagne). Dans cette lettre, le député met en garde le ministre en insistant sur le fait que toutes les prétentions concernant la mise en œuvre de cette technologie sont basées uniquement sur les dires de la multinationale puisqu’aucun représentant gouvernemental n’est impliqué dans les travaux de recherche et développement de cette technologie. Tout se passe dans plus grand secret. La parole de la multinationale est parole d’évangile. Pour pallier à ce problème, l’auteur de la lettre favorise l’implication du conseil national de recherche du Canada. Au contraire de l’épais brouillard sur les perspectives d’aboutissement de cette technologie, les investissements publics sont eux, importants et bien concrets. L’auteur de la lettre va même jusqu’à évaluer comme nul pour les 25 prochaines années l’impact dÉlysis sur les GES. Autant dire l’éternité.

Pour appuyer son appel a la prudence, le député se réfère au témoignage en avril dernier devant un comité des communes de Jérôme Pécresse, chef de la direction aluminium chez Rio Tinto. Il caractérise ce témoignage comme un « tableau précautionneux ». En effet, il faut prendre le temps de lire ce témoignage. Questionné par le député bloquiste Mario Simard quant à un échéancier, M. Pécresse commence en disant qu’il ne sait pas ce que signifie un échéancier et enchaîne sur un long monologue disant pour l’essentiel que la recherche et développement est un processus par définition indéfini et incertain mais qu’il a confiance d’aboutir. Voilà pour ce que le député qualifie dans sa lettre de « témoignage précautionneux ».

Il faut savoir que, comme le dit la lettre, « depuis 50 ans, plusieurs ont exploré sans succès cette nouvelle voie" (anodes inertes). On parle de Reynolds, Péchiney, Alusuisse, Trimet, Moltech, des chercheurs du MIT et des laboratoires nationaux américains et canadiens (INRS). Pour un, Alcoa a investi plusieurs dizaines de millions de dollars au début du millénaire. À l’époque, la multinationale parlait d’une mise en service pour 2002… Aujourd’hui, Alcoa est partenaire avec Rio Tinto. Tirez-en votre conclusion.

Un peu d’étymologie : Élysis est un mot inventé, c’est un nom propre comme pour une personne qu’on pourrait imaginer de sexe féminin. Un objet de désir quoi ! Spontanément, le mot peut évoquer l’Élysée qui est le domicile du président français. En mythologie grecque, Élysée signifie un lieu délicieux qui faisait partie des Enfers et était le séjour des âmes des héros et des hommes vertueux. Autre piste, le prénom Élyse qui chez les grecs signifie « Des îles bénies ». Encore là, tirez-en votre conclusion.

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