Les grandes lignes du scénario de la crise climatique anticipée sont connues : perte de capacité agricole due aux maladies des plantes et aux sécheresses, inondations, gels et autres événements climatiques extrêmes. Perte de ressources marines due à l’acidification des océans. Crise de l’eau potable, crise économique globale, exodes massifs de populations, émeutes de la faim, épidémies, vagues de chaleur mortelles, guerres pour l’accès à l’eau et au territoire. Les signes avant-coureurs de ce chaos sont déjà perceptibles aujourd’hui. Les nouvelles affluent chaque semaine dans les médias : blé attaqué par la rouille ; bananes atteintes de jaunisse ; café, cacao, pomme de terre infestés par des ravageurs [2] ; mortalités massives de poissons [3] ; effondrement des élevages d’huîtres et de moules [4] ; pertes de récoltes en Californie ; incendies majeurs et canicules frôlant les 50 °C en Australie ; etc.
Selon les climatologues, pour réduire notre production de gaz à effet de serre (GES) et éviter le désastre, 80 % des hydrocarbures qui restent sur la planète doivent demeurer dans le sol. Il ne nous reste qu’une dizaine d’années pour agir ! Mais les gouvernements québécois et canadien, comme des somnambules, se lancent dans un délire de projets pétroliers et gaziers « extrêmes ». Seulement au Québec, nous voilà aux prises avec les projets de pipelines d’Enbridge et de TransCanada, le port pétrolier à Cacouna, le pétrole à Anticosti, le shale d’Utica dans la vallée du Saint-Laurent, les forages à Gaspé et à Ristigouche, le gisement Old Harry dans le golfe du Saint-Laurent, pour ne nommer que les plus connus. Le nouvel évangile est celui de l’autonomie énergétique, de la sécurité et de l’exploitation « bien faite ». Le gaz de schiste est présenté comme un exemple d’hydrocarbure plus propre.
Pourtant, des rapports d’experts, de plus en plus nombreux, démontrent que les émanations de méthane issues de la fracturation, sous toutes ses formes, rendent cette filière énergétique aussi, sinon plus, polluante que le charbon [5]. Et c’est sans mentionner les autres sources de toxicité de cette industrie et l’absence d’acceptabilité sociale.
Les apôtres de l’industrie des hydrocarbures ne reculent devant aucun mensonge, aucune désinformation pour faire croire à la population inquiète que c’est là notre unique chance de salut. Pourtant, s’il est un enfer à l’horizon, il est bien davantage dans la poursuite du business as usual, avec les coûts sociaux et environnementaux démesurés que devront assumer les communautés aux prises avec les ravages du climat et la dévastation de leur territoire. Il est grand temps d’arrêter de croire aux promesses de l’industrie pétrolière et gazière et de ses alliés politiques. Dans le grand théâtre de la spoliation des ressources vitales de notre écosystème terrestre, dont l’eau, l’air, le sol et le climat, ouvrons les fenêtres, faisons du bruit. Il faut réveiller les somnambules.
Louise Morand
L’Assomption, le 19 juin 2014
Comité vigilance hydrocarbures de l’Assomption