Une main tendue "au peuple des modérés", l’autre sur le portefeuille. Avant le vote de censure décisif, mardi 14 décembre, à la Chambre des députés, Silvio Berlusconi, président du conseil et deuxième fortune d’Italie, mêle comme à son habitude la politique et les affaires pour sauver son poste, ne serait-ce que d’une poignée de voix.
A la tribune, il promet d’élargir son gouvernement aux centristes et aux amis de son ennemi Gianfranco Fini ; en coulisses, il négocie pour acheter les votes qui lui permettraient de repousser sa démission.
Deux députés, Antonio Razzi et Domenico Scilipoti, membres de l’Italie des valeurs (IDV), le parti antiberlusconien dirigé par l’ancien juge anticorruption Antonio Di Pietro, sont passés avec armes et bagages dans le camp de la majorité. Conviction ou intérêt ? M. Razzi avait déclaré il y a quelques semaines qu’un émissaire de la majorité lui avait proposé de prendre le crédit de 150 000 euros que M. Razzi paye pour son appartement de Pescara (Abruzzes).
De son côté, M. Scilipoti a des intérêts dans le domaine de la santé en Sicile. M. Di Pietro a déposé une plainte au parquet de Rome afin qu’une enquête soit ouverte sur les contreparties qu’auraient pu percevoir ces deux anciens parlementaires.
Un contrat de 120 000 euros par an
Le cas de Paolo Guzzanti (père de Sabina, la réalisatrice de Draquila) est également éclairant. Ancien membre du parti majoritaire, M. Guzzanti a claqué la porte. Depuis il a écrit un livre au vitriol dont le titre dit à lui seul l’estime dans laquelle il tient le président du conseil : La Putanocratie. Mais M. Guzzanti est également journaliste au quotidien Il Giornale (appartenant à la famille du premier ministre). Interdit d’écriture, il pourrait négocier son retour et la prolongation de son contrat (7 000 euros mensuels) en échange de son vote favorable.
Le quotidien de gauche La Repubblica a révélé comment en 2008 M. Berlusconi avait "acheté" des élus du centre gauche, afin de faire tomber le gouvernement de Romano Prodi, qui ne tenait qu’à quelques voix de majorité.
Le système consistait à leur offrir en fin de législature un contrat de consultant d’un montant de 120 000 euros par an (soit le salaire d’un parlementaire, parmi les plus élevés d’Europe) durant trois ou cinq ans.
Mais pour ce mercato d’hiver 2010, M. Berlusconi dispose d’un autre atout. Dix postes au gouvernement sont actuellement à pourvoir suite à la démission de ministres. Une offre qui pourrait se renforcer si le président du conseil tient sa promesse d’élargir le gouvernement.
Pour son salut, le Cavaliere peut aussi compter sur les femmes. Il ne s’agit pas cette fois de celles qu’il invite régulièrement à ses soirées dans son palais romain ou dans ses villas de Sardaigne ou d’ailleurs. Mais de trois députées, bien décidées à voter la censure, qui ne sont pas sûres d’y parvenir. La raison ? Elles sont toutes les trois enceintes (l’une d’elle pourrait accoucher aujourd’hui) et alitées. Et le règlement de l’Assemblée nationale interdit le vote par procuration.