Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Les entreprises et leur dépendance à l’État

Les dernières réformes annoncées de l’assurance-emploi et de l’aide sociale ont un trait commun, soit la volonté de l’État de resserrer ses dépenses en visant les gens avec un statut des plus précaires. Sous prétexte de lutte au déficit, les gouvernements à Ottawa et à Québec s’en prennent aux mauvaises cibles. Pourquoi ne pas plutôt revoir une partie des subventions consenties aux entreprises ? N’y a-t-il pas là une stratégie de contrôle des finances beaucoup plus responsable aux plans social et fiscal qu’une bête attaque envers ceux qui, déjà, sont parmi les moins favorisés ?

Tiré du site de l’IRIS.

Québec : paradis de la subvention

En nous basant sur une étude publiée en décembre 2009 par le Fraser Institute, on constate rapidement qu’il existe un écart important entre le niveau des subventions octroyées aux entreprises au Québec et la réalité prévalant ailleurs au Canada. Cette étude, qui s’attarde aux données de 2007, révèle que le Québec est le champion canadien de la subvention aux entreprises.

Au Canada, en 2007, 19,4 milliards $ ont été distribués en subvention, soit 5,6 milliards $ émanant du fédéral, 11,2 milliards $ en provenance des gouvernements provinciaux et 2,6 milliards $ issus des différents niveaux de gouvernements locaux. En effectuant une comparaison interprovinciale, le Québec se distingue clairement du lot autant pour les montants totaux en jeu que pour la moyenne que cela représente une fois ces sommes réparties sur l’ensemble de la population.

Sources : Mark Milke, Corporate welfare breaks the $200 billion mark, Fraser Institute, 2009 ; Statistique Canada, CANSIM, tableau 051-0001.

Il s’agit là de montants qui fluctuent énormément d’une année à l’autre. Cependant, il est clair que le niveau de subventions offert aux entreprises privées est bien plus élevé qu’ailleurs et que dans un contexte de coupures budgétaires et de contrôle des dépenses, il serait pertinent de rediriger une partie de ces sommes vers le financement des services à la population.
À titre d’exemple, se positionner sur le montant de subventions par habitant qui prévaut en Ontario équivaudrait à une épargne de 4,7 milliards $ pour le gouvernement québécois. Une telle mesure n’est certes pas atteignable en fonction même du tissu industriel de la province, mais disons qu’il y a là une marge intéressante pour un gouvernement avide d’économies.

Une question de logique

Bien entendu, une évaluation précise des sommes pouvant être économisées à l’aide de coupes dans les programmes de subventions reste à faire. Pour cela, il faudrait évaluer, programme par programme et projet par projet, l’ensemble des subventions versées aux entreprises afin de déterminer lesquelles sont justifiées et lesquelles doivent être abrogées.

Si l’on se fie à l’écart observé entre le Québec et l’Ontario, on constate que nous sommes près de 5 fois plus généreux envers les entreprises. Il ne s’agit pas, comme le font souvent les analystes de la droite, de bêtement chercher à rejoindre une quelconque moyenne canadienne ou de se conformer, tout aussi bêtement, à ce qui se passe du côté ouest de la rivière des Outaouais.

Toutefois, les écarts actuels peuvent minimalement nous amener à interroger la stratégie industrielle privilégiée par le gouvernement québécois. Si l’on désire conserver les niveaux actuels de soutien, pourquoi ne pas prioriser les entreprises qui œuvrent dans le domaine des énergies renouvelables, dans le secteur coopératif, l’agriculture biologique et de proximité ou tout autre domaine proche de l’économie sociale ? Une stratégie conséquente de subventions aux entreprises pourrait également tâcher de pénaliser les comportements d’affaires répréhensibles en rendant obligatoire le remboursement des sommes versées en cas de délocalisation de la production, de fermeture ou de mise à pied massive.

Philippe Hurteau

Chercheur à l’IRIS

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