tire de : [CADTM-INFO] BULLETIN ÉLECTRONIQUE - Vendredi 3 février 2017
Le système de la dette qui opère dorénavant au Nord comme au Sud est l’un des instruments clés de la dictature exercée par le capital sur les sociétés. Il joue un rôle directement politique pour imposer le maintien de l’ordre néolibéral. De concert avec les traités de libre-échange, il bloque la mise en œuvre par un gouvernement de politiques alternatives permettant de sortir de la crise sociale.
Les accords commerciaux n’incluent pas seulement l’organisation du commerce, mais tous les autres domaines économiques, sociaux et culturels, c’est-à-dire un démantèlement de tous les systèmes locaux qui pourraient entraver l’expansion des multinationales.
Les multinationales des grandes puissances impérialistes USA et UE réclament davantage d’ouverture des frontières des pays pour réduire leurs charges de production par la délocalisation, bénéficier des avantages des zones franches (flexibilité du travail, absence de syndicat, salaires bas), étendre la commercialisation des surplus de produits subventionnés, accaparer des entreprises et services publiques, accaparer des ressources, etc. Elles maintiennent les pays du Sud dans une situation de dépendance structurelle. C’est pourquoi on assiste à une frénésie des accords de libre-échange entre les grandes puissances (traité commercial pour une zone de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne TAFTA ou TTIP, l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne CETA, à l’échelle régionale (zone de libre échange en Amérique Latine ALCA, Association des Nations de l’Asie du Sud-Est ANASE, accords de partenariat économique APE en Afrique, ALECA en Afrique du Nord). Ces accords commerciaux coloniaux ont contribué à l’accentuation des déficits commerciaux globaux des pays du Sud et augmenté leur endettement. Les accords de libre-échange et le système de la dette constituent les deux faces de la domination impérialiste. La lutte contre le système de la dette doit être corrélée avec la lutte contre les accords de libre-échange.
III-8) Nouvelle spirale d’endettement en Afrique du Nord
Le sous-développement de la majorité des pays de la région arabe est lié au colonialisme qui a façonné le modèle de dépendance et le manque d’industrialisation. Ces pays sont restés des économies exportatrices de ressources minières, agricoles et de mer avec de faibles valeurs ajoutées et liées aux fluctuations du marché mondial. De nouveaux mécanismes d’hégémonie se sont installés après les indépendances au début des années 60. Ce sont principalement la dette et l’échange inégal.
Les recettes libérales n’ont pas permis le développement du secteur privé et l’investissement comparativement à d’autres pays du même niveau de développement au départ comme l’Inde ou l’Indonésie. C’est lié à la spécificité des pouvoirs politiques qui sont des castes militaro-sécuritaires dépendant de la sphère d’État avec des réseaux familiaux mafieux et des mécanismes de prédation. Les recettes néolibérales leur permettent des attributions népotistes de toutes sortes de licences et de monopoles. Ils collaborent avec le capital étranger pour piller et dominer les secteurs d’affaires juteux. Ils généralisent la corruption, mais aussi la répression de toute aspiration démocratique.
C’est ce qui a été à l’origine d’une vague déferlante de soulèvements populaires dans la région, à partir de décembre 2010 en Tunisie, dans un contexte de crise mondiale en 2008 et de guerres impérialistes. Les nouveaux régimes installés n’ont pas marqué de rupture par rapport aux dogmes néolibéraux, et la démocratie est bafouée par des régimes intégristes ou militaires. Les grandes puissances impérialistes et les institutions économiques mondiales coordonnent leurs efforts pour discréditer le processus révolutionnaire, camoufler leur responsabilité directe dans l’arriération et le pillage, garantir leurs intérêts néocolonialistes de domination politique, et garantir la mainmise des multinationales sur les richesses.
On assiste à une nouvelle montée d’endettement de la plupart des pays de la région (Égypte 120% du PIB
, Tunisie 104%, Maroc 88%) générant un service de la dette qui absorbe les budgets sociaux et transfert les richesses. D’où l’accentuation de la dépendance structurelle, financier, technologique, industriel, commercial et alimentaire. Les masses populaires payeront la crise par un accroissement de de la précarité et le chômage.
Mais le processus est toujours en cours, les résistances sociales et les luttes des peuples continuent. Les peuples sont libérés de leur peur de répression et développent un esprit revendicatif cristallisé dans la montée de nouvelles formes de luttes dans les rues et l’inefficacité de la répression.
JPEG - 99.3 koOmar Aziki SG d’Attac Cadtm Maroc (au milieu), près du docteur Omar Marueko président du parti Sadi au Mali (casquette rouge)
III-9) Le système microfinance : les pauvres financent les riches
Les politiques néolibérales mises en œuvre à la fin des années 70 et début des années 80 ont accru le rôle du secteur financier dans l’économie. Les pauvres victimes de ces politiques d’austérité sont désormais la cible des marchés financiers par le biais du secteur de la micro-finance. Et depuis les années 80 le secteur de la micro-finance a été visé par les banques. Le microcrédit est utilisé comme un outil au service de la bancarisation des pauvres. Il a pour objectif d’atteindre les populations qui sont hors circuits financiers. 2,7 milliards d’adultes au monde n’ont pas accès aux services financiers de base dont la majorité sont des pauvres, et surtout des femmes qui en constituent 67%.
Dans le cas du Maroc les associations de microcrédit (AMC) se déclinent sous la forme d’associations sans but lucratif (13 associations). Mais la nouvelle loi bancaire promulguée en 2015, permet l’élargissement du champ d’activités des institutions de micro-finance (IMF) pour investir dans d’autres produits financière (micro-assurance, transfert d’argent…). L’enquête d’ATTAC CADTM Maroc sur le microcrédit au Maroc (2015) fait sortir les mécanismes concrets d’arnaques des femmes pauvres par les AMC.
Les alternatives contre ces dettes illégitimes privées :
– La création d’un système de crédits public sans intérêt ou avec un intérêt plus bas destiné aux pauvres ;
– La création des emplois en augmentant les budgets d’investissement dans les secteurs publics ;
– L’arrêt de démantèlement des services publics (éducation, santé) ;
– La suspension du remboursement de la dette publique ;
– L’annulation des microcrédits illégitimes ;
– Renationalisation des entreprises publiques et des terres agricoles privatisées.
III-10) Expériences de lutte conte le microcrédit
Ici, la présentatrice a mis l’accent sur les dérives des institutions de micro-finance notamment les garanties exigées par celles-ci au moment de la constitution du dossier de la demande de prêt, les taux d’intérêt usuriers et le manque d’accompagnement technique et conseil auprès des adhérentes après l’octroi du prêt. Les différentes garanties que sont les biens mobiliers et immobiliers, l’assurance vie, les frais de dossier voire même une retenue sur le montant du prêt demandé jusqu’au complet paiement, empêchent la réalisation du projet auquel le prêt est destiné à financer. Ces pratiques rendent ces prêts illégitimes et illégaux.
Face à cette problématique, des luttes contre les dérives des institutions de micro-finance se sont mises en place notamment au Maroc et au Bénin. Des études dans le secteur ont été réalisées dans d’autres pays. Des alternatives sont proposées et mises en place qui sont principalement des groupes d’épargnes pour le changement (EPC) sous l’accompagnement de Oxfam Grande Bretagne et des tontines qui sont des auto-organisations des femmes elles-mêmes.
Pour s’en sortir, il faudra intensifier les luttes à travers le monde et de promouvoir davantage les groupes EPC et les tontines qui sont des systèmes autogérés et sans garanties.