Dans une lettre adressée à 178 municipalités et MRC du Québec dont le contenu est repris dans une entrevue accordée au journal Le Soleil, le Grand chef de la Nation huronne-wendat, M. Konrad Sioui, « met en garde » les maires et préfets contre le « péril majeur » que constitue le projet de traité avec les Innus, et avertit même ceux-ci que cela pourrait être le prélude à une autre crise d’Oka. Et M. Sioui va encore plus loin : dans les correspondances et entrevues aux médias qu’il ne cesse de multiplier, il n’hésite pas à qualifier de « génocide » la prétendue menace de dépossession territoriale qui, selon lui, plane sur son peuple.
Que veut Konrad Sioui ?
Que cherche donc à obtenir le Grand chef Sioui en proférant de telles accusations ? Qu’est ce qui peut bien justifier le caractère alarmiste de ses lettres et de ses nombreuses déclarations aux médias ? Que souhaite-t-il obtenir dans sa tentative « d’alliance » avec les maires et les préfets ? MM. Gilbert Dominique et Martin Dufour, respectivement chef des Pekuakamiulnuatsh de Mashteuiatsh, et chef de la Première Nation des Innus Essipit, apportent des éclaircissements.
Des droits exclusifs
Concernant le Nionwentsïo, territoire revendiqué par les Hurons-Wendat, M. Sioui prétend que les communautés innues concernées veulent s’en emparer et refusent toute forme de dialogue avec Wendake. « C’est faux ! dit Gilbert Dominique. Le 5 mars 2015, je lui ai fait parvenir une lettre, réitérant notre offre d’engager un dialogue qui permettrait de déboucher sur un règlement complet et final conciliant les intérêts respectifs des Hurons et des Innus. Le Grand chef Sioui n’a jamais donné suite à cette demande. Depuis 1990, nous avons tenté à maintes reprises d’initier des discussions avec lui, mais en vain. En réalité, ce qu’il souhaite est de se voir accorder des droits exclusifs d’utilisation de ce territoire et de ses ressources, sans qu’aucune autre Première Nation ne puisse y participer. »
Rien de spécifique
Concernant l’affirmation du Grand chef Sioui à l’effet que la Couronne s’apprête à conclure un traité sur un territoire déjà visé par un autre traité autochtone, c’est inexact. « Même si un jugement de la Cour suprême, daté de 1990, reconnaît la validité d’un document connu sous le nom de Traité Murray, dit Martin Dufour, celui-ci n’est spécifique ni en ce qui concerne le territoire des Hurons-Wendat, ni en ce qui a trait à un usage exclusif de ce dernier. D’autre part, il est clairement établi sur le plan historique que les Innus occupaient depuis des temps immémoriaux le territoire que le Grand chef Sioui appelle le Nionwentsïo. Celui-ci s’étendrait du Saguenay à La Tuque, en incluant la presque totalité de la Réserve faunique des Laurentides. Il comprendrait tout le centre du Québec jusqu’à la frontière américaine et déborderait même sur le nord du Maine. En plus de vastes pans du Nitassinan des Innus de Mashteuiatsh, Essipit et Pessamit, il engloberait les territoires Atikamekw, Abénakis et Malécites. Et tout ça de façon exclusive ! »
Déloyal et déshonorable
« Contrairement à l’exclusivité que revendique le Grand chef Sioui, l’Entente de principe avec les Innus de Mashteuiatsh, Essipit et Nutashkuan, prévoit spécifiquement que les droits des autres groupes autochtones ne seront pas affectés sur le territoire concerné, dit Gilbert Dominique. Encore une fois, M. Sioui ne tient aucun compte d’un fait qu’il ne peut ignorer en prétendant que les Innus souhaitent s’approprier tous les droits d’usage des ressources et autres privilèges économiques. » La proposition faite par le Grand chef Sioui aux municipalités et aux MRC consiste à mettre en échec la démarche des Innus vers leur autonomie gouvernementale. Voulant se gagner leur sympathie, Konrad Sioui affirme dans ses lettres aux maires et aux préfets prendre à cœur la poursuite et la protection de ses bonnes relations avec ses voisins et alliés de longue date. Mais le coup bas qu’il propose d’asséner aux Innus, les maires et les préfets vont le reconnaître pour ce qu’il est : un acte déloyal et déshonorable.
Le Regroupement Petapan
Le Regroupement Petapan représente les Premières Nations innues de Mashteuiatsh, Essipit et Nutashkuan dans le processus de négociation territoriale globale en cours avec les gouvernements du Canada et du Québec pour la signature d’un traité. Ces trois Premières Nations vivent au nord du fleuve St-Laurent : Essipit et Nutashkuan se trouvent sur la Côte-Nord alors que Mashteuiatsh est au Lac-Saint-Jean. La population totale de ces trois communautés s’élève à un peu plus de 8 000 Innu(e)s
La démarche entreprise par le Regroupement Petapan, à la demande des chefs des trois Premières Nations mentionnées précédemment, vise deux buts principaux : la confirmation et le respect de nos droits et la prise en charge de notre avenir collectif. Ce traité, que nous voulons honorable, concerne l’avenir de nos Premières Nations. Ce dernier nous permettra de réaliser notre projet de société et déterminera la nouvelle relation que nous souhaitons entretenir avec les nations canadienne et québécoise