Antonio Antunes da Cunha Neto é professeur de géographie, et membre de la Commission Internationale du MES/PSOL.
Lorsque le 19 juillet 1979, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) expulse Anastasio Somoza, la plupart des pays d’Amérique du Sud restaient soumis à des dictatures militaires - Brésil, Argentine, Chili, Paraguay, etc. Nous vivions alors une époque de résistance et la sinistre « Ecole des Amériques » qui formait des tortionnaires et des meurtriers tournait á plein régime, tandis que le département d’État collectionnait les victoires contre la bureaucratie soviétique en pleine guerre froide.
A cette occasion, la victoire du sandinisme a marqué la revanche de tous les peuples d’Amérique latine contre les gouvernements fantoches de l’impérialisme américain et les intérêts des oligarchies régionales. Des militants de la gauche révolutionnaire de tout le continent se sont enrôlés dans des brigades pour soutenir la révolution sandiniste, la deuxième révolution triomphante en Amérique Latine !
Comme dans un scénario de film série B, Daniel Ortega - qui assume le gouvernement soutenu par le peuple nicaraguayen et la gauche mondiale - devient son adversaire le plus brutal et enterre l’héritage de Sandino et du mouvement sandiniste, devient l’un des dictateurs les plus brutaux et inhumains de ce début de siècle ; il persécute et emprisonne les opposants et d’anciens camarades. Pressé par les effets de la crise économique et par la nécessité de maintenir ses accords avec les oligarchies locales et le gouvernement nord-américain, Daniel Ortega a imposé en 2018 une réforme sévère du système de retraite et le malaise qui était déjà grand s’est traduit par de fortes mobilisations des retraités qui se sont rapidement transformées en un soulèvement de masse qui a commencé à remettre en cause le gouvernement et ses méthodes. Au sein du FSLN, purges et persécutions se sont multipliées.
Les mobilisations, brutalement réprimées, avaient laissé l’espoir que les élections présidentielles prévues en 2021 marqueraient la fin à la brutalité étatique. Espoirs déçus. Quelques mois avant les élections, Ortega/Murillo lancent une nouvelle chasse aux sorcières qui n’épargne même pas les anciens compagnons d’armes. Comme lors des procès de Moscou, Ortega et Murillo ont accusé, reconnu coupable et condamné à la prison plusieurs des commandants les plus importants, figures héroïques de la révolution sandiniste (Dora Maria Mercedes, commandante deux, emprisonnée pendant plus d’un an en prison, sans avoir le droit de voir la lumière du jour ; Hugo Torres, commandant un, mort en prison sans avoir droit à des soins médicaux ; Mónica Baltodano forcée à l’exil ; Zoilamérica Ortega Murillo, victime de violences sexuelles, a vécu en exil pour éviter d’être arrêtée après avoir dénoncé les abus commis par son beau-père). Les arrestations ont frappé les candidats de l’opposition (tous les candidats ayant une viabilité électorale ont été arrêtés), et à partir de là, toute personne exprimant des critiques à l’égard du gouvernement a été arrêtée.
Une fois l’opposition réduite au silence ou emprisonnée, Daniel Ortega et Rosario Murillo ont mené la plus grande farce électorale du pays depuis la défaite de la dictature d’Anastasio Somoza. Au Brésil le PT et le PCdoB ont malheureusement encensé cette farce. Au Chili la déclaration favorable du PC chilien a été désavouée par Gabriel Boric, élu depuis à la présidence.
Malheureusement, une partie importante de la soi-disant gauche démocratique, le « campisme », reste silencieuse devant les atrocités commises par la dictature Ortega/Murillo, un silence complice qui va du sommet du PT au gouvernement bolivien en passant par le très autoritaire Nicolás Maduro, qui comme Ortega enterre l’héritage de la révolution bolivarienne.
Daniel Ortega n’est pas un dictateur de plus, il n’est pas un gouvernement néolibéral de plus, de nature autoritaire, qui est arrivé au pouvoir en raison d’un vide politique ou d’une expérience frustrée avec un gouvernement du camp dit progressiste. Daniela Ortega et Rosario Murillo sont arrivées au gouvernement et ont pris le pouvoir au Nicaragua avec le soutien de l’aile gauche nicaraguayenne qui a lutté contre Somoza, de l’aile gauche latino-américaine qui a vaincu les dictatures et les coups d’État, mais surtout Daniel Ortega est arrivé au pouvoir au nom de l’aile gauche et de l’héritage de la révolution sandiniste, ses crimes vont bien au-delà des centaines de jeunes assassinés par l’appareil d’État, ou des persécutions de ses compagnons d’armes. Avec leurs politiques de collaboration avec le gouvernement des États-Unis (ils ont signé l’Accord de Libre Echange, collaborent avec la DEA et sont le principal obstacle à la vague migratoire qui parcourt le continent), parmi d’autres politiques qui attaquent les droits du peuple nicaraguayen, Ortega et Murillo enterrent l’héritage de la révolution sandiniste et tachent de sang l’étendard libérateur de la gauche révolutionnaire.
Heureusement, toute la gauche mondiale n’est pas de connivence ou n’ignore pas le cours autoritaire d’Ortega et les violations et atrocités commises par son gouvernement. Les déclarations de Gabriel Boric et les prises de position publiques de Gustavo Petrus ne sont que l’expression du fait que nous ne sommes pas seuls dans la lutte pour un avenir de liberté.
Les 6, 7 et 8 juillet, une délégation d’internationalistes de plusieurs pays, avec en première ligne des parlementaires de la gauche latino-américaine et des représentants des organisations de défense des droits de l’homme, sera à San José, au Costa Rica, pays voisin du Nicaragua, pour dénoncer la dictature d’Ortega/Murillo. Le MES/PSOL (Mouvement de la Gauche Socialiste/Brésil) fera partie de cette caravane et avec la CSR (Coordination Socialiste Révolutionnaire/Mexique) ainsi que le MAS (Mouvement Alternative Socialiste/Panama) et le MTC (Mouvement des Travailleurs et des Paysans/Costa Rica) représentera la Quatrième Internationale.
Outre la solidarité avec les milliers de Nicaraguayens exilés au Costa Rica, notre mission consiste à rencontrer l’ex-guérillera sandiniste Mónica Baltodano, avec laquelle nous avons travaillé ces derniers mois pour dénoncer les atrocités de la dictature Ortega/Murillo, à articuler avec les législateurs du Frente Amplio (Front large) du Costa Rica de nouvelles initiatives pour soutenir la résistance nicaraguayenne et enfin, réaliser à la frontière avec le Nicaragua une manifestation contre les violations des droits de l’homme et les persécutions du régime de la famille Ortega/Murillo.
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