Édition du 18 juin 2024

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Politique québécoise

Le salaire au mérite chez les enseignants : une idée vieille d’au moins… 150 ans !

Plutôt comique d’entendre le cofondateur du Réseau Liberté-Québec et chroniqueur de l’empire Quebecor, Éric Duhaime, m’accuser ce matin d’être un « syndicaliste des années 60 », un syndicaliste « dépassé par le progrès », sous prétexte que je m’oppose à l’idée de la paye au mérite pour les enseignants. Cela se passait dans le cadre de l’émission « Franchement Martineau », où nous avions été invités à débattre du sujet.

Quelle idée nouvelle ?

À entendre le chroniqueur de Quebecor, la paye au mérite serait une idée nouvelle et représenterait l’avenir, le progrès, alors que les syndicats qui s’y opposent refuseraient d’évoluer et seraient dépassés. Mais est-ce vraiment le cas ? La paye au mérite représente-t-elle vraiment un pas vers l’avenir ?… Ou ne serait-ce pas plutôt le contraire ?

Une vieille nouvelle idée de… 1862

En fait, des études sérieuses démontrent clairement que la paye au mérite est une vieille idée qui remonte au 19e siècle, mise en œuvre à plusieurs reprises et souvent abandonnée parce qu’elle s’est toujours révélée être un échec. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais plusieurs spécialistes, notamment les auteurs d’un livre récent sur le sujet : Alain Chaptal, ingénieur diplômé de l’École nationale supérieure des télécommunications de Paris et docteur à l’université Paris X en sciences de l’information et de la communication ; Thomas Lamarche, enseignant chercheur en sciences économiques à l’université Lille III ; et Romuald Normand, enseignant chercheur en sociologie à l’UMR Éducation et politiques de l’Institut national de recherche pédagogique (université Lyon III).

« Le salaire au mérite pour les enseignants est de façon générale un échec. »

Les chercheurs soutiennent que ces mêmes mécanismes, que des Éric Duhaime et François Legault veulent instaurer au Québec, ont « jadis conduit en trente ans le système britannique à la catastrophe lorsqu’il avait généralisé le “payment by results” à la suite du Revised Education Code de 1862. Le salaire au mérite est tout sauf une idée nouvelle ».

Voici donc leur conclusion : « Le salaire au mérite pour les enseignants est de façon générale un échec. Il détruit les collectifs de travail, conduit les enseignants à travailler pour la note et aboutit à une fraude de presque tous les acteurs du système sans aucune amélioration du système. » Ceux-ci précisent qu’il s’agit d’une idée faussement moderne, qui n’a jamais donné les résultats escomptés.

Plus précisément, Alain Chaptal écrit textuellement : « Il n’existe à ce jour aucune preuve scientifiquement recevable suggérant que ce type de mesure a un impact réel sur les résultats des élèves. »

Et ces chercheurs ne sont pas les seuls à penser ainsi. Une étude de la prestigieuse université Harvard réalisée entre 2007 et 2010 conclut, elle aussi, que la paye au mérite, ça ne marche pas.

Qui est le plus dépassé des deux ?

Je terminerai donc en répondant ceci à Éric Duhaime, qui m’accusait d’être un syndicaliste des années 60 : « Cela vaut encore certainement mieux que d’être un idéologue de droite aux idées dépassées de 1860 ».

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