Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Le régime fiscal des entreprises au bénéfice des entreprises financières

Nous avons l’habitude de décrire le régime fiscal des sociétés comme étant au bord de la rupture, comme si toute hausse ou demande supplémentaire de participation des entreprises au financement des services publics relevaient de l’hérésie. Paradoxalement, une étude réalisée par la firme KPMG à l’automne 2012 tend plutôt à confirmer une thèse inverse selon laquelle la situation fiscale des entreprises serait loin d’être si désavantageuse…

Tiré du site de l’IRIS.

Ce billet de blogue ne propose pas de grandes mesures pour revoir la participation fiscale des entreprises (d’autres billets à venir s’en chargeront), mais présente rapidement les composantes du régime fiscal des sociétés tout en relevant certaines incohérences qui confirment les avantages consentis aux entreprises financières.

Présentation générale

En regardant le dernier budget du Québec (voir p. C9 et C11), on constate que la contribution directe des entreprises s’élève à 10,7 milliards $, soit 22 % des revenus autonomes du gouvernement ou 15,4 % de l’ensemble des revenus de l’État. Principalement, ces revenus proviennent de deux sources. D’abord l’impôt sur le revenu des sociétés, qui s’élève à 11,9 %, un des plus bas en Amérique du Nord, rapporte 4,3 milliards $ au trésor public, bien que dans les faits le taux moyen que paient effectivement les entreprises se situe à 8,8 %. L’écart entre le taux officiel et le taux réel d’imposition des entreprises s’élève donc à 1,5 milliards $.

L’autre source principale de revenu est le Fonds des services de santé, une taxe sur la masse salariale qui rapporte à l’État 6,4 milliards $. Bien entendu, pour avoir un portrait complet de l’effort fiscal qui est demandé aux entreprises, il faudrait ajouter à ces deux composantes les taxes à la consommation payées par les entreprises, les contributions sociales ou encore différents tarifs (par exemple les tarifs d’hydroélectricité). Notons aussi que la taxe sur le capital, qui fut pleinement abolie en ces dernières années, laisse également un trou qui, à ce jour, n’est toujours pas comblé.

Un biais en faveur des entreprises financières

Une chose mérite d’être relevée dans ce rapide tour d’horizon, c’est le biais en faveur des entreprises financières qui se trouve au cœur de notre régime fiscal. Selon les statistiques fiscales de 2006 (les dernières disponibles), 48,2 % des entreprises non-financières ne payaient pas d’impôt, contre 54,5 % des entreprises financières. Notons que les entreprises financières s’accaparent 57, 7% des bénéfices net réalisés au Québec, bien qu’elles n’aient qu’à assumer que 27 % des prélèvements fiscaux totaux.
Le taux d’imposition effectif des entreprises financières est un autre élément qui révèle le biais en leur faveur.

Alors que le taux moyen d’imposition des entreprises s’élève à 8,2 %, on constate qu’il demeure relativement stable, peu importe leur taille, chez les entreprises non-financières. Or, chez les entreprises financières, cette logique est toute autre. À mesure que la taille des entreprises financières croît, leur niveau d’imposition diminue, passant de 12,1 % pour les entreprises de petite taille, à 11,3 % pour celles de taille moyenne et 5,6 % pour celle de grande taille. De plus, le taux moyen d’imposition des entreprises financières, qui est de 7,2 %, est le plus bas dans l’ensemble des secteurs d’activité économique. Bref, au regard de l’impôt, mieux vaut être une banque ou une compagnie d’assurances qu’une entreprise manufacturière (qui elle doit composer avec un taux effectif d’imposition de 9,7 %).

Nous verrons, dans une série de billets à venir, quelques pistes de solution afin de voir à ce que les entreprises en général, mais les entreprises financières en particulier, participent adéquatement au financement de l’État.

Philippe Hurteau

Chercheur à l’IRIS

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