Les sables bitumineux sont ce que l’on appelle une source de pétrole non conventionnel. Car contrairement au pétrole dit classique, qui afflue naturellement, sous forme liquide, à la surface lors de l’extraction, ces résidus de pétrole contenus dans les roches superficielles prennent la forme d’un bitume très visqueux et lourd, aggloméré avec du sable ou du schiste.
Conséquence : leur exploitation s’avère difficile et coûteuse. Si elle a été rendue possible depuis quelques années par l’augmentation des cours du pétrole, elle nécessite néanmoins des techniques d’extraction complexes et polluantes. Les associations vertes, qui en ont fait l’une de leurs bêtes noires, leur reprochent ainsi l’engloutissement de vastes quantités d’eau, la destruction d’hectares de forêts et la pollution méthodique des sols et nappes phréatiques.
En Alberta, au Canada, principal producteur de ce pétrole avec le Venezuela, un rapport officiel publié mardi confirme ces griefs : selon l’audit, la pollution atmosphérique issue des sables bitumineux a plus que doublé au cours de la dernière décennie, conduisant à de fréquentes pluies acides qui menacent les lacs et les forêts alentour. Par ailleurs, ces projets comptent parmi les plus importantes sources d’émissions de gaz à effet de serre du pays.
Car c’est là le principal méfait de ces sables bitumineux : leur extraction émet davantage de gaz à effet de serre que les forages de pétrole traditionnels. Du côté des associations écologistes, on parle d’émissions cinq fois supérieures. Bruxelles, elle, minore l’écart, mais épingle malgré tout les formes non conventionnelles de pétrole. Ainsi, selon sa classification des différents carburants fossiles, l’extraction d’huile de sable bitumineux émet 107 grammes d’équivalent CO2 par megajoule, l’huile de schiste 131 g et le charbon transformé en fuel liquide 172 g, soit bien plus que les 87,5 g attribués au brut classique. Des mauvaises performances incompatibles avec l’objectif européen de 2009 de réduction de 6 % des émissions de CO2 provenant des carburants utilisés par les transports.
Dans sa proposition de directive, la commissaire en charge du climat, Connie Hedegaard, a alors décidé de fixer des normes environnementales et de qualité minimales pour ces carburants, bannissant de facto les plus polluants d’entre eux. Au final, sont dans le collimateur de la commission les importateurs de pétrole extrait de sables bitumineux ou de schistes et les quelques producteurs européens de cette variété d’or noir.
Si l’importation de sables bitumineux est aujourd’hui très faible en Europe, ces nouvelles restrictions pourraient néanmoins faire capoter les futures exportations du Canada et du Venezuela, qui devraient tripler d’ici 2020. Elles pourraient également influer sur d’autres marchés, y compris les Etats-Unis, qui débattent actuellement des avantages et inconvénients de cette nouvelle source abondante d’énergie.
Reste à savoir, maintenant, si la proposition de directive sera adoptée par les États membres lors d’une réunion qui se tiendra dans un mois, prélude à une approbation finale par le Parlement européen. Dans l’immédiat, le texte n’a pas fait l’unanimité parmi les 27 commissaires, soumis aux lourdes pressions du Canada et de l’industrie du pétrole. Ottawa a ainsi averti qu’un tel bannissement augmenterait des prix de l’énergie déjà tendus en Europe, alors que les sables bitumineux représentent les plus grandes réserves au monde de pétrole après l’Arabie saoudite.