Depuis plus de 40 ans, les géants du pétrole et du gaz transportent leur panier à pique-nique en Alberta et en Saskatchewan pour faire bonne chair. Ils sont américains, anglais, hollandais, français, norvégiens ou chinois de souche. Mais leur famille s’est considérablement élargie au fil du temps par des alliances souvent incestueuses et le pouvoir entremetteur d’Internet. On peut sans exagérer affirmer que des membres de presque toutes les nations unies sont aujourd’hui réunis autour de la grande table de la forêt boréale canadienne, faisant raser tout ce qui pousse et injecter le sous-sol de liquides empoisonnés, tout en rêvant pour eux-mêmes de nature vierge et propre à habiter.
Avec le rejet du projet Énergie Est par la CMM, une pluie de crachats est tombée sur le Québec. On a dit que nous étions mauvais Canadiens, usurpateurs de la rente pétrolière, ingrats [1].
On a cherché à discréditer le processus d’examen et de consultation des 82 municipalités de la CMM en le réduisant à la personnalité du maire de Montréal. On a répété que « les faits » et « la science » démontrent que l’industrie des sables bitumineux et la compagnie TransCanada font des miracles. On nous a accusés d’être incapables de voir à long terme, pas plus loin que le bout de notre volonté d’un avenir viable pour nos enfants [2].
Il ne fait aucun doute que nous n’en sommes encore qu’aux premières hostilités de la part de ceux et celles qui voient leur rente pétrolière menacée. Déjà une pétition s’organise pour exiger du gouvernement canadien que le Québec soit privé des transferts de la péréquation [3]. Il y aura encore une vague déferlante de propagande dans tous les médias pour faire croire à la population que le développement du pétrole des sables bitumineux peut se faire de façon propre et sécuritaire, que cette ressource nous apportera la richesse et qu’elle est un moyen pour effectuer la transition énergétique.
Même si la bataille contre Énergie Est et pour la transition énergétique et le contrôle du climat est loin d’être terminée, quelque chose est encourageant dans la réaction des alliés politiques des pétrolières au rapport de la CMM. C’est que la bête a été piquée. Elle sort de son mépris hautain et commence à s’agiter. Les sages paroles de Gandhi résonnent comme un baume face à ces gesticulations de riches sociopathes : « D’abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent et enfin, vous gagnez » [4]. Pour que cette phrase reste vraie pour nous, il faudra toutefois travailler sans relâche, bander nos muscles et continuer de tirer ensemble dans la bonne direction.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de L’Assomption
Le 30 janvier 2016