L’audience du Centre-du-Québec, organisée en collaboration avec l’Association des locataires des Bois-Francs, visait à vérifier le respect du droit au logement dans une région où les ménages locataires, qui représentent près du tiers de la population, ont un revenu inférieur à la moyenne québécoise. En 2006, leur revenu médian était de 25 985 $ contre 29 416 $ à l’échelle du Québec. À Victoriaville, il était de 24 876 $. Cette situation s’explique fort probablement par la composition même de ces ménages. Ceux qui ont une femme comme principal soutien financier comptent pour 52 % des locataires du Centre-du-Québec, ce pourcentage montant à 55 % à Victoriaville. Pour leur part, les personnes seules en représentent 53 % et les familles monoparentales 14 %, ce qui est dans les deux cas supérieur à la moyenne québécoise.
Même si les loyers sont généralement inférieurs à ceux en vigueur à l’échelle du Québec, 9 545 ménages locataires devaient, en 2006, consacrer plus que la norme de 30 % de leur revenu pour se loger dans la région, dont 3 570 plus de 50 %. Selon Amélie Hinse, coordonnatrice de l’Association des locataires des Bois-Francs, « consacrer un pourcentage trop élevé de ses revenus pour se loger, comme le fait le tiers des ménages locataires de la région et 35 % de ceux de Victoriaville même, ça signifie couper dans ses autres besoins essentiels, ce qui met en péril le respect d’autres droits, comme ceux à l’alimentation, au vêtement ou à la santé ».
Mme Hinse ajoute que la situation ne s’est pas améliorée depuis le recensement de 2006, puisque les loyers ont entretemps augmenté de 14 % à Victoriaville et Drummondville. Elle ajoute que « ce ne sont pas seulement les loyers qui ont augmenté de 14 % dans la région, mais aussi les causes de non-paiement de loyer soumises au bureau de Drummondville de la Régie du logement qui sont passés de 609 en 2006-2007 à 696 en 2010-2011 ». En rappelant que de telles causes entraînent la plupart du temps l’éviction des locataires, elle souligne que ce sont deux éléments essentiels du droit au logement qui sont mis en danger, soit le respect de la capacité de payer des locataires et la sécurité d’occupation de leur habitat.
Le rôle des gouvernements
Jean-Claude Laporte, organisateur au FRAPRU, a pour sa part tenu à rappeler que les gouvernements ont un rôle essentiel à jouer pour s’assurer du respect et de la mise en œuvre du droit au logement. L’un des moyens de le faire est, à son avis, le financement d’un plus grand nombre de logements sociaux subventionnés qui échappent à la logique du profit et permettent aux locataires, en particulier celles et ceux à plus faible revenu, d’avoir accès à des logements de qualité, respectant leur capacité de payer.
M. Laporte s’indigne cependant du « nombre ridicule » de logements sociaux financés annuellement : « Les gouvernements reconnaissent que 261 000 ménages locataires québécois ont des besoins pressants en matière de logement, mais en 2012-2013, ils ne financement conjointement que 2 500 logements sociaux dans le cadre du programme québécois AccèsLogis. Ce que ça signifie concrètement, c’est qu’on ne répond même pas à 1 % des besoins ! ».
Tout en souhaitant que le nouveau gouvernement péquiste respectera au moins son engagement d’augmenter le nombre de nouveaux logements sociaux à 3 000 par année au cours des cinq prochaines années, le FRAPRU estime que la mise en œuvre du droit au logement exige des investissements beaucoup plus substantiels.
Le FRAPRU s’inquiète, par ailleurs, de la fin graduelle des subventions à long terme que le gouvernement fédéral accorde aux logements sociaux déjà existants. Jean-Claude Laporte s’en scandalise : « Non seulement le gouvernement conservateur de Stephen Harper n’investit-il que des sommes ridicules - les plus basses des dix dernières années - dans l’aide à de nouveaux ménages, mais il fait la sourde oreille aux demandes de prolongation des subventions que le fédéral accorde depuis 25, 35 et, dans certains cas, 50 ans, aux logements sociaux existants. Or, la fin de ces subventions, qui a déjà commencé et qui va s’accélérer prochainement, pourrait avoir des effets néfastes, notamment sur l’accessibilité financière de ces logements ». Dans la région du Centre-du-Québec, près de 2 600 logements de type HLM pourraient être affectés d’une façon ou d’une autre, tout comme 300 logements coopératifs et un nombre probablement similaire de logements gérés par des Organismes sans but lucratif (OSBL).
Les commissaires qui ont siégé à Victoriaville étaient Jean Trudelle, qui était jusqu’en juin dernier président de la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec (FNEEQ-CSN), Yannick-S Mondion, militant impliqué sur les enjeux d’itinérance et d’hébergement jeunesse, et Sylvain Lafrenière conseiller budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) du Nord.