« Les documents divulgués aujourd’hui confirment nos préoccupations : l’AÉCG est un véritable cheval de Troie », a affirmé Claude Vaillancourt, porte-parole du RQIC et président d’Attac-Québec, se référant au cheval de bois de 5 mètres que les groupes sociaux ont présenté aux portes du Parlement du Québec le 8 décembre 2011. Les gouvernements du Canada et du Québec envisagent de livrer d’importants domaines de compétences provinciales et municipales à la dynamique du "libre marché" et aux intérêts des grands investisseurs privés européens. « Cela représente des services publics majeurs et pave la voie à la privatisation. Nous exigeons la suspension des négociations et la tenue immédiate d’un débat public large », a ajouté M. Vaillancourt.
L’eau compte parmi les biens publics que les gouvernements n’entendent pas protéger dans ces pourparlers historiques. « C’est profondément choquant, quand on pense que le négociateur en chef du Québec, Pierre- Marc Johnson, a affirmé catégoriquement en commission parlementaire que la gestion de l’eau potable était exclue. Les offres présentent par le biais d’une liste d’exclusions, les domaines qui ne seront pas soumis à l’accord. L’eau n’apparaît nulle part. C’est inadmissible ! », s’est indigné Denis Bolduc, secrétaire général au Québec du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-Qc). « L’AÉCG va laisser la porte grande ouverte à l’entrée des grandes multinationales comme Veolia sur ce qui deviendra un marché de l’eau, soumettant ce bien commun à la logique du profit aux dépens de la satisfaction de nos besoins fondamentaux », a ajouté Marie-France Primeau, porte-parole de la coalition Eau Secours !
Selon une note d’intervention de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), ces nouveaux textes laissent bien voir pourquoi les propos du négociateur en chef du Québec, Pierre-Marc Johnson, n’ont pas réussi à rassurer les membres de la Commission des institutions lors de sa comparution le 8 décembre dernier à l’Assemblée nationale. Selon les analyses du chercheur Alexandre Maltais, le Québec sortira perdant de ces négociations sur plusieurs points. Il est de plus en plus évident que le gouvernement cèdera à la pression des Européens en ce qui a trait à l’ouverture des marchés publics, ce qui pourrait faciliter l’accès des compagnies étrangères aux contrats publics dans divers secteurs de services. La culture semble avoir fait l’objet de tractations, tandis que pour la gestion de l’offre en agriculture, Johnson a été incapable de fournir la garantie que cette politique n’est pas menacée, et il n’est pas rassurant qu’il s’en remette à la bonne volonté du gouvernement Harper.
Le texte des offres indique que certains monopoles publics auraient été protégés mais l’incertitude plane quant à plusieurs sociétés d’État, comme dans le secteur de l’électricité. Les contrats publics d’Hydro-Québec sont un important levier de développement mais Québec pourrait les sacrifier en fin de parcours afin de conclure l’entente, comme l’a candidement laissé entendre le premier ministre Jean Charest dans une entrevue au journal Le Devoir le 13 décembre dernier. « Il est clair que le gouvernement Charest veut attirer les investissements étrangers pour mener à bien son Plan Nord. Toutefois, nous mettons en doute les bienfaits d’une entente avec l’Europe qui réduirait le pouvoir de l’État du Québec d’encadrer de tels investissements et limiterait sa capacité d’intervenir pour maximiser et orienter les retombées économiques et sociales des projets liés au Plan Nord ou à tout autre secteur de développement économique », a affirmé Robert Laplante, directeur général de l’IREC. « Calquant les mesures de protection des investissements étrangers sur celles du chapitre 11 de l’ALÉNA, force est de constater que ce modèle d’accord évacue la défense des intérêts supérieurs du Québec pour la promotion d’une idéologie économique », a ajouté M. Laplante.
Les municipalités québécoises vont être directement touchées par l’AÉCG et elles pourraient perdre leur marge de manœuvre pour mettre de l’avant des politiques environnementales novatrices et des mesures actives d’emplois et de développement local. « Nous saluons la résolution adoptée à l’unanimité avant hier par les membres du Conseil municipal de Montréal, qui permettra de soustraire la plus grande ville du Québec de toute mesure de l’AÉCG qui restreindrait la capacité des éluEs de gouverner pour le bien-être de leurs concitoyenNEs », a tenu à souligner M. Bolduc. « Nous encourageons l’ensemble des villes du Québec à emboîter le pas sans tarder afin de préserver leurs pleins pouvoirs dans les domaines qui relèvent de leur champ de compétence », a-t-il conclu.
La fuite d’aujourd’hui se produit au moment où des rumeurs circulent qu’une délégation de négociateurs européens se réunira à huis clos avec leurs homologues canadiens à Ottawa, du 30 janvier au 3 février 2012, pour une dixième et probablement ultime ronde globale de pourparlers. L’empressement de nos gouvernements à conclure un accord sans débat public est un véritable déni de démocratie.