L’implantation de projets miniers s’accompagne fréquemment d’une dégradation de l’environnement, de tensions sociales et de violence.
Selon un rapport sur la responsabilité du Canada dans l’impact des activités minières en Amérique latine présenté en avril dernier à la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) par un groupe de travail regroupant plusieurs organisations latino-américaines (Chili, Colombie, Honduras, Mexique, Pérou, etc.), des projets miniers canadiens auraient été associés, dans les dernières années, à l’assassinat d’au moins 23 personnes et à des blessures graves infligées à 25 personnes en Amérique latine. Dans la quasi-totalité de ces cas, les crimes demeurent impunis, sans que l’on ait fait la lumière sur leurs motifs ou leurs responsables.
Le groupe de travail sur le secteur minier et les droits humains en Amérique latine (Grupo de Trabajo sobre Minería y Derechos Humanos en América Latina), qui a obtenu à la CIDH une audience sur la responsabilité des États hôtes et d’origine des investissements, a identifié le Canada comme un État emblématique pour l’appui qu’il fournit à ses entreprises minières. 22 projets miniers canadiens dans 9 pays d’Amérique latine ont été analysés dans leur rapport.
Dans la région, entre 50 et 70 % des investissements miniers sont faits par des entreprises canadiennes. Au niveau mondial, près de 75 % des entreprises minières ont leur siège social au Canada. Ce dernier est donc un acteur majeur de l’industrie, mais ses lois ne comprennent pas de mesures pour exiger des entreprises extractives - qui reçoivent d’ailleurs un appui gouvernemental - qu’elles respectent les droits humains.
Comme l’expliquent Alain Deneault et William Sacher dans Le Monde diplomatique, c’est à la Bourse de Toronto que se constitue une bonne part du capital du secteur minier mondial, notamment le capital-risque destiné à financer les nouveaux projets d’exploration. Les entreprises minières canadiennes reçoivent de l’État des contributions directes à leurs activités, par exemple des prêts et garanties d’Exportation et Développement Canada, des avantages fiscaux ou encore un appui diplomatique. On note aussi un alignement croissant de l’aide internationale canadienne vers la promotion des intérêts commerciaux du pays, décrit par Stephen Brown dans un billet du blogue Un seul monde.
Du côté diplomatique, les ambassades canadiennes font une promotion active des projets extractifs. En octobre 2013, Mines Alerte (MiningWatch Canada) répertoriait divers exemples de pressions exercées par les ambassades pour favoriser les intérêts d’entreprises minières canadiennes. Les ambassades peuvent par exemple faciliter des rencontres de haut niveau pour les entreprises, prendre position en faveur d’un projet minier ou faire du lobbying en faveur d’une réforme des lois minières.
Au Honduras, l’ambassade du Canada et l’ancienne Agence canadienne de développement international (ACDI) ont exercé une influence importante quant à l’adoption d’une nouvelle loi minière en janvier 2013. Celle-ci contraste vivement avec le projet de loi défendu par la société civile avant le coup d’État de juin 2009, qui allait être débattu au Congrès lorsqu’est survenu le renversement du président Zelaya. Le nouveau code minier met fin au moratoire de 2004 sur les nouveaux projets et se montre globalement favorable aux investissements étrangers.
Le Honduras a le plus haut taux d’homicides dans le monde. De 2010 à 2013, on a recensé plus de 200 assassinats politiques, et des risques très élevés pour les défenseurs des droits humains et les journalistes. Considérant cette crise politique que connaît le Honduras depuis 2009, l’influence du Canada pour l’adoption de lois favorables aux entreprises minières canadiennes apparaît particulièrement malvenue.
Le rapport présenté à la CIDH signale que « les ambassades du Canada, si elles ont joué un rôle fondamental dans le développement des activités minières, ne se sont pas engagées dans la réponse aux dénonciations de violations des droits humains dans les pays où elles sont implantées ». Les organisations latino-américaines ayant participé à la démarche recommandent à la CIDH de reconnaître que les États d’origine des investissements ont eux aussi - et non seulement les États où opèrent les compagnies - des obligations pour protéger les droits humains. Des mécanismes permettant de conditionner le soutien aux entreprises extractives offert par le Canada au respect des droits humains sont nécessaires.
C’est dans ce contexte que sera donné cette semaine, à Montréal, le coup d’envoi d’une session du Tribunal permanent des peuples (TPP) sur l’industrie minière canadienne. Le TPP, fondé en Italie en 1979, est un tribunal d’opinion qui s’appuie sur la Déclaration universelle des droits des peuples (Alger, 1976) et sur les instruments de droit international pour dénoncer des situations de violations des droits collectifs et lutter contre l’impunité. Le TPP a accueilli la requête qui lui a été présentée à l’initiative d’une quarantaine d’organisations du Québec et du Canada. La première audience du Tribunal, portant sur l’Amérique latine, aura lieu à Montréal du 29 mai au 1er juin. Les responsabilités respectives d’entreprises minières canadiennes et de l’État canadien dans les violations des droits y seront analysées.