dimanche 20 septembre 2020, par Courrier International
Ni les averses de la mousson, ni la présence de 8 550 policiers “ne les ont arrêtés”, note le New York Times. Samedi 19 septembre, au moins 20 000 personnes, selon la police – 100 000 selon les organisateurs - se sont retrouvées devant le campus de l’université Thammasat à Bangkok pour ce que The Nation a appelé un “méga rassemblement pro-démocratie”.
De son côté, la Nikkei Asian Review y a vu “de loin” le plus grand rassemblement depuis le coup d’État de 2014. Dans un endroit hautement symbolique qui plus est : une manifestation étudiante avait été réprimée dans le sang ici même en 1976, faisant officiellement 46 morts et sans doute le double en réalité, indique The Thaiger.
Les manifestants portaient presque tous des masques et des volontaires distribuaient du gel hydroalcoolique, constate le New York Times qui décrit une ambiance plus “tendue” qu’il y a un mois, lors d’un rassemblement alors plus proche d’une “fête de rue faite pour Instagram”.
“Le niveau de participation était attendu pour prendre la température de l’activisme politique et donner une indication de l’ampleur du soutien en faveur des réformes”, rappelle de son côté la Nikkei Asian Review.
Les manifestants, jeunes pour la plupart, remarque le Bangkok Post, demandent officiellement depuis le mois d’août la révision de la constitution de 2017 et la démission du gouvernement sous influence militaire de Prayuth Chan-ocha, en place depuis 2014 et vainqueur d’élections contestées l’an dernier.
“Une série de scandales politiques ajoutés à la crise économique causée par le Covid-19 a attisé le mécontentement de l’opinion publique face au gouvernement et suscité la sympathie pour les manifestations étudiantes”, souligne la BBC. Exemple avec Thanyathorn Pipitthanakajornchai, 55 ans, interrogée par la Nikkei Asian Review. Pour la première fois dans la rue, elle reproche au Premier ministre “de blâmer tout le monde sauf lui-même” et estime que le Covid ne suffit pas à justifier l’état économique du pays.
La réforme de la monarchie, un tabou
La Thaïlande devrait connaître une récession de 8,1 % cette année, observe le Straits Times. Prayuth Chan-ocha n’a toujours pas remplacé son ancien ministre des finances. “La récession et le chômage de masse qui s’annoncent ont conduit à examiner intensément la façon dont est dépensé l’argent du contribuable”, poursuit le quotidien singapourien.
Ce qui implique une réflexion sur la monarchie, question taboue dans le pays. Et pourtant, une partie des manifestants a également demandé le mois dernier des réformes dans ce domaine. “Un sujet qui a provoqué de fortes réactions chez des éléments plus conservateurs de la société”, relève le Bangkok Post. “Nous nous battons pour ajuster la monarchie, pas pour l’abolir”, a déclaré samedi à la foule Panupong Jadnok, l’un des leaders du mouvement.
Le cortège a pris dans l’après-midi la direction de l’immense place Sunam Luang face au palais royal. En Thaïlande, le crime de lèse-majesté peut valoir jusqu’à quinze ans de prison, rappelle le Washington Post, qui a malgré tout remarqué à la manifestation de samedi des pancartes moquant les vêtements et les voyages en Allemagne du monarque Maha Vajiralongkorn, monté sur le trône en 2016 à la mort de son père, bien plus apprécié que lui.
“Ce qui est en jeu dans ces manifestations n’est pas l’identité du futur leader de la Thaïlande”, confie au New York Times Duanghathai Buranajaroenkij, chercheur à l’université de Mahidol à Bangkok. “Ce qui en jeu, c’est la valeur que nous devons accorder à la démocratie et à la dignité humaine de tous les Thaïlandais”.
Dimanche matin, les manifestants ont installé sur la place Sunam Luang une plaque disant : “à cet endroit, le peuple a exprimé sa volonté : que ce pays appartient au peuple et n’est pas la propriété du monarque”.
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