Un témoignage accablant contre les conséquences de la privatisation d’un service public !
Les politiques propices à la collusion sont claires. La réduction des effectifs du Ministère des Transports suite à la privatisation de ce secteur et à la généralisation de la sous-traitance, a vidé le ministère de son expertise de façon préjudiciable. Il n’a plus d’estimateurs spécialisés capables d’évaluer les grands travaux et cette situation permet que des abus de toutes sortes prolifèrent. Cette politique de privatisation, cet exode vers le privé de l’expertise, est telle qu’elle empêche une gestion des risques. En effet, au MTQ, les estimations sont confiées dans une proportion de 95 % à 100% au secteur privé. Et il laisse tomber cette formule révélatrice : le MTQ s’est abandonné au privé !
Cette situation a facilité l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la construction
Plusieurs entreprises, a déclaré monsieur Duchesneau, entretiennent des liens avec le crime organisé. Le crime organisé a infiltré à un tel niveau l’industrie de la construction qu’on peut affirmer qu’il est devenu un véritable acteur étatique. Ce processus s’est étendu sur des décennies et dans certains secteurs comme l’alsphate, quelques entreprises liées au crime organisé contrôlent l’ensemble de ce marché.
Le financement des partis politiques et la collusion vont de pair dans cette industrie
Des liens se sont tissés entre le monde politique et le monde du crime organisé. Une collaboration s’est établie entre criminels et corrompus. L’argent du crime organisé chemine peu à peu vers le monde politique.
Une situation inquiétante et trouble
Les enquêtes menées dans le secteur de la construction routière ont permis de tracer le portrait d’une situation inquiétante et trouble. Le crime organisé s’est invité comme partenaire pour faire régner sa loi sur l’économie réelle. Le paiement au noir, les fausses facturations, la manipulation des appels d’offres, la multiplication des extras, la raréfaction de l’offre de certains produits pour en faire monter les prix, les gonflements artificiels des estimations et des coûts sont des pratiques courantes.
Le moment de vérité sera avant tout politique...
Il n’est pas vrai, nous dit le responsable de l’Unité anticollusion, que c’est seulement en jetant en prison des bandits que nous pourrons dépasser cette situation. Nous avons besoin, ajoute-t-il, de mesures claires pour freiner la collusion et pour casser la complaisance et l’inertie qui caractérisent la situation. Cette déclaration constitue une rebuffade cinglante aux arguments que le premier ministre nous resserts à satiété depuis plusieurs mois. Il ne s’agit pas de se débarrasser de quelques pommes pourries. Il s’agit de démonter un système.
Jacques Duchesneau se déclare favorable à une commission d’enquête publique. Il propose qu’elle ait deux phases. La première phase se ferait à huis clos et la deuxième serait publique. Ses propositions sur l’articulation de ces deux phases ne semblent pas claires ni pour les député-e-s ni pour lui-même d’ailleurs. Mais il soutient l’enquête publique, car il n’est pas trop tard pour entraver le crime dans l’industrie. Ce n’est pas le rapport, dit-il en conclusion de son exposé, qui est dévastateur, mais la réalité qu’elle révèle.
Les député-e-s libéraux mènent un pénible combat d’arrière-garde pour justifier leur refus d’une enquête publique
Leurs questions et de leur intervention visaient à défendre la pertinence des enquêtes policières et des mesures prises par le gouvernement pour resserrer l’attribution des contrats. Jacques Duchesneau leur a rappelé que la collusion était un crime différent des affaires criminelles classiques et qu’elle devait être combattue par des enquêtes de nature spécifique permettant de tracer les réseaux de connivence qui sont parfois très complexes. Et ce sont ces réseaux qu’il faut démonter pour pouvoir en finir avec de telles pratiques.
Grâce aux partis d’opposition, une rencontre qui nous aide à y voir plus clair
Les questions et commentaires des député-e-s des partis d’opposition ont permis à Jacques Duchesneau d’éclairer la situation sur les formes de la collusion, sur le financement des partis politiques et la nécessité d’une enquête publique. L’invité a montré que son rapport n’est pas un ramassis d’allégations comme l’avaient affirmé des politiciens du PLQ, mais bien des faits fondés sur une enquête. Il a soutenu que le rapport était prudent et nuancé.
La discussion sur le financement des partis politiques a permis à Jacques Duchesneau de faire d’intéressants développements sur la mutation du crime organisé depuis quelques décennies. Le renforcement du crime organisé et la nécessité de blanchiment de l’argent tiré du crime ont conduit ce dernier investir dans le milieu des affaires. Et le crime organisé a importé ses méthodes dans ce milieu. C’est ainsi que la corruption des responsables politiques, particulièrement au niveau municipal, est au nombre des formes de collusion employées pour décrocher des contrats.
La possibilité d’avoir beaucoup de contrats est liée au fait d’avoir beaucoup d’amis politiques, a-t-il souligné. Comme Montréal est un gros marché où il se fait beaucoup de construction, ces méthodes s’y retrouvent. Mais plus on va vers les petites villes explique-t-il, plus les moyens de résister à la collusion sont faibles. C’est pourquoi on a vu apparaître le phénomène des « élections clé en main » où des entreprises organisent l’élection de responsables municipaux qui tombent ainsi sous l’influence des corrupteurs.
Comme le signalait la députée de Rosemont, cette rencontre a sans doute convaincu, encore une fois, la majorité de la population, qui, elle n’a pas d’intérêts obscurs à défendre, qu’une commission d’enquête publique est incontournable. Hier soir, le premier ministre du Québec n’a pas jugé bon de répondre aux propos du responsable de l’Unité anticollusion. S’entêtera-t-il encore à rejeter un consensus social très majoritaire ? Mais sans l’ombre d’un doute, on peut affirmer qu’il est plus isolé que jamais !