Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

La FTQ au pilori

La publication d’informations le 9 décembre dernier, selon lesquelles un représentant de la mafia montréalaise Doménic Arcuri aurait tenté de soudoyer le président de la FTQ Michel Arsenault lors d’une rencontre à son bureau en 2008, ressemblait à une nouvelle recyclée qui arrivait à point nommé afin de planter le clou aux termes d’une campagne anti FTQ dans le cadre des débats sur le placement syndical dans la construction.

Michel Arsenault a reconnu avoir rencontré des représentants de la compagnie Carboneutre dont Doménic Arcuri afin d’étudier la possibilité d’investissement du Fonds de solidarité dans leur compagnie, mais sans savoir de qui il s’agissait vraiment et a nié avoir été l’objet de tentative de pot de vin.

Radio-Canada affirme maintenant que Jean Lavallée, ancien directeur de la FTQ construction et Louis Bolduc, directeur québécois des TUAC (travailleurs unis de l’alimentation et du commerce) auraient voyagé aux frais de Tony Accurso en 2007 dans une Station hôtelière santé en Allemagne. Michel Arsenault aurait accepté quant à lui un objet d’une valeur estimée à $12 000 provenant du même personnage durant le temps des fêtes en 2008. La FTQ a répliqué que le Fonds de solidarité avait resserré son code d’éthique il y a trois ans et nie que le président de la FTQ ait reçu un tel cadeau.

Il est vrai que les faits rapportés remontent à trois, voire même quatre ans. Ils se situent dans la même période où Jocelyn Dupuis et Jean Lavallée avaient fait l’objet de reportages incriminant au sujet de conflits d’intérêt et dans la même période où Michel Arsenault avait séjourné sur le luxueux bateau de Tony Accurso. Ce ne sont pas de nouveaux faits récents qui dans ce cas ajouteraient du poids aux révélations faites à l’époque. Ce sont d’autres faits, mais qui relèvent de la même histoire. Les journalistes ont compris qu’ils pouvaient encore presser le citron.

Cependant, le fait que les journalistes puissent encore tirer profit d’événements vieux de trois ans démontre à quel point le président de la FTQ ainsi que son entourage n’ont pas su faire oublier cette histoire. Le séjour de Michel Arsenault sur le bateau de Tony Accurso est tellement ancré dans l’imaginaire que ses déclarations à l’effet qu’il n’aurait pas accepté de cadeau demeurent peu crédibles. Cette situation démontre surtout l’incapacité du président de la FTQ d’apparaître comme défenseur des travailleurs et des travailleuses, des mouvements sociaux, étudiants, féministes contre l’offensive gouvernementale et patronale. Si tel était le cas la campagne médiatique n’aurait certainement pas autant de prise. Il ne suffit pas de crier au complot, il faut remplir son rôle de dirigeant, aider les troupes à passer à l’offensive et faire en sorte que la FTQ possède un rayonnement en dehors de sa propre structure. Pourtant la FTQ a adopté de bonnes positions dans plusieurs domaines, moratoire sur les gaz de schyste, la certification de résidences pour personnes âgées, opposition aux réformes de l’assurance-emploi. Elle a même pris position pour la gratuité scolaire lors de son dernier congrès.

Mais cela ne se traduit pas sur le terrain des luttes, on ne sent pas qu’il y a véritablement un coup de barre qui pourrait faire sortir la direction de la FTQ de cette image néfaste de collusion et de concertation. Au mieux on sent une certaine réserve avec des gens comme Accurso, mais elle semble dépendre davantage de la présence des médias que d’une véritable conviction de changement.

Cette situation est nuisible pour l’ensemble des syndiqué-e-s de la FTQ et ne rend pas justice aux luttes qui sont menées par ses syndicats affiliés qui sont aux prises quotidiennement avec des mises à pied, des coupures de postes, des lois spéciales, la réduction des fonds de pension, et l’augmentation du travail précaire. Nous avons besoin de cimenter les luttes syndicales aux luttes sociales, de développer des fronts unis afin de faire face ensemble aux offensives des patrons et du gouvernement.C’est le rôle que la direction de la FTQ devrait jouer.

Seule l’implication de la centrale dans la riposte et la construction d’un mouvement de lutte pourra faire changer la situation aux yeux de la population. C’est le défi auquel sont confrontés les militants et militantes de la FTQ.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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