Édition du 17 décembre 2024

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WikiLeaks

Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, vit à moitié caché

Gêné par la mise en ligne de documents confidentiels sur WikiLeaks, le Pentagone veut entendre Assange, qui reste sur ses gardes.

Il avait déjà le nom et la tête d’angelot d’un héros de roman d’espionnage, il en goûte désormais le mode de vie. L’Australien Julian Assange, ex-hacker, fondateur du site d’information WikiLeaks qui encourage les fuites de documents confidentiels, vit dans l’ombre depuis plusieurs semaines.

Assange affirme qu’il n’a pas peur, mais il passe sa vie sur ses gardes. Car les services américains aimeraient bien l’entendre sur les informations qu’il a obtenues. Particulièrement cette vidéo montrant un hélicoptère américain, en 2008 à Badgad, en train de tuer des civils et deux journalistes de Reuters, ainsi qu’une autre, qui n’a pas encore été diffusée, et qui serait pire encore.

Sélections de scoops WikiLeaks

► Un document que Microsoft a fourni à la police, listant les informations dont la firme disposait sur ses utilisateurs.

► La liste des membres du BNP, le parti britannique d’extrême droite, incluant des policiers.

► Un rapport très gênant pour la firme Trafigura sur le rejet de déchets toxiques -voire mortels- sur les côtes ivoiriennes.

► Les millions de messages SMS interceptés le 11 septembre 2001

► Des documents sur du blanchiment d’argent impliquant la banque Julius Bär

► Des échanges de mails entre des chercheurs du Giec (le « climategate »).
Assange a décidé de disparaître du paysage lorsqu’un jeune soldat des services de renseignements militaires américains a été mis aux arrêts en Irak.

Basé à une soixantaine de kilomètres de Bagdad, cet analyste, Bradley Manning, 22 ans, venait de raconter par tchat à l’ancien hacker californien Adrian Lamo, 29 ans, rencontré récemment sur le Net, qu’il avait balancé au réseau WikiLeaks la fameuse vidéo et 260 000 télégrammes du département d’Etat américain. Il fallait que le monde sache « la vérité », expliquait-il à son nouvel ami.

Enfin, « ami » jusqu’à un certain point : Lamo, qui a déjà été condamné pour avoir hacké les ordinateurs du New York Times, a pris peur et a transmis ces conversations au FBI : « Ethiquement, j’étais coincé », a-t-il expliqué au quotidien américain.

« Je veux juste que ces trucs sortent »

Exemple d’une conversation, celle du 22 mai, deux jours après la rencontre des deux hommes :

(1 : 39 : 03 PM) Manning : je n’arrive pas à croire que je me confie à toi : ’(

(1 : 40 : 20 PM) Manning : j’ai été isolé si longtemps… Je voulais juste être sympa et avoir une vie normale… Mais les événements m’ont poussé à chercher des moyens de survivre… Je suis assez malin pour comprendre ce qui se passe, mais je ne peux rien faire… Personne ne fait attention à moi.

(1 : 40 : 43 PM) Manning : : ’(

(1 : 43 : 51 PM) Lamo : je suis de retour

(1 : 43 : 59 PM) Manning : je prends des médicaments comme un fou […]

(1 : 44 : 11 PM) Manning : tu as raté des trucs

(1 : 45 : 00 PM) Lamo : quel genre de scandale ?

(1 : 45 : 16 PM) Manning : des centaines

(1 : 45 : 40 PM) Lamo : par exemple ? Je suis curieux de nature.

(1 : 46 : 01 PM) Manning : Je sais pas.. il y en a tant… je n’ai plus les docs originaux.

(1 : 46 : 18 PM) Manning : uhmm… Le Saint-Siège et sa position sur les scandales sexuels du Vatican ?

(1 : 46 : 26 PM) Lamo : tu inventes […]

(1 : 49 : 40 PM) Manning : celui là était un test : un télégramme classifié de l’ambassade US à Reykjavik sur Icesave [une banque islandaise en ligne, ndlr] daté du 13 Janvier 2010

(1 : 50 : 30 PM) Manning : résultat, l’ambassadeur a été rappelé aux US et viré.

(1 : 51 : 02 PM) Manning : c’était juste un seul télégramme..

(1 : 51 : 14 PM) Lamo : il y a des trucs qui n’ont pas encore été publiés ?

(1 : 51 : 25 PM) Manning : je dois demander à Assange […]

(1 : 51 : 54 PM) Lamo : pourquoi tu lui réponds ?

(1 : 52 : 29 PM) Manning : non… Je veux juste que ces trucs sortent… Je ne veux pas en faire partie.

Fin mai, Manning a été arrêté pour « diffusion d’informations classifiées » et transféré vers une base militaire au Koweit. Depuis, les avocats de Julian Assange s’inquiètent. Ils ont conseillé à ce dernier de ne plus voyager aux Etats-Unis.

WikiLeaks a recruté trois avocats pour défendre Manning, mais ces derniers n’ont pas été autorisés à joindre le jeune analyste. On lui aurait assigné un avocat militaire commis d’office.

Assange est sur ses gardes en permanence

Lundi dernier, les mèches argentées d’Assange sont réapparues pendant quelques heures à Bruxelles, à l’occasion d’une conférence sur la liberté de l’information, abritée par le Parlement européen.

Assange a eu le temps de déclarer au Guardian que s’il ne craignait pas pour sa sécurité, mais qu’il était sur ses gardes en permanence :

« Certains ont peur pour ma vie, pas moi. Nous devons éviter certains pays, éviter de voyager, jusqu’à ce que nous sachions qui est dans le collimateur. »
Assange s’apprêterait à diffuser une nouvelle vidéo plus choquante, le temps de la décrypter : une attaque aérienne, en Afghanistan qui a tué 97 civils, l’an dernier.

* Paru sur Rue89 | 23/06/2010 | 10H21 : 
http://www.rue89.com/2010/06/23/le-...

Notes

[1] Voir sur ESSF : View Is Bleaker Than Official Portrayal of War in Afghanistan

[2] Voir sur ESSF : Afghanistan war logs : Massive leak of secret files exposes truth of occupation

[3] Voir sur ESSF : Explosive Leaks Provide Image of War from Those Fighting It

[4] http://wardiary.wikileaks.org/

[5] Voir aussi : Les stups américains en renfort en Afghanistan

[6] A lire aussi, paru sur Rue89 et sur Eco89 : 
Afghanistan : Morin sanctionne un général pour avoir douté 
Pourquoi les Français oublient-ils la guerre en Afghanistan ?

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