Grands responsables de la situation qui « dégénère » à l’instant, le premier ministre Jean Charest et le parti libéral ne font pourtant pas preuve d’originalité dans l’arène des pouvoirs occidentaux en place. Non loin d’ici, le parti conservateur du Canada cherche à entériner son projet de loi mammouth au galop. Régressive à l’excès, cette « révision » de 431 pages vise à modifier 60 lois d’un bloc. En passant par les questions environnementales, les pensions de vieillesse, les lois en immigration, la procréation assistée, le rôle des services secrets jusqu’aux coupures dans la recherche fondamentale, ces politiques font état d’une situation de rationalisation utilitaire à outrance et d’un désinvestissement social de l’État au profit d’une individualisation des problèmes sociaux.
Au sujet de la coupure dans la recherche fondamentale, l’Institut de Recherche et d’Information Socio-économiques a récemment déclaré que : « L’idée est assez simple, mais brutale : retirer le financement fédéral à la recherche fondamentale au profit de la recherche appliquée directement commercialisable. Sous prétexte de stimulation économique et de participation à la croissance, le ministre, d’un seul coup de crayon, met fin au financement public de la pensée scientifique indépendante. »
La marchandisation de l’éducation entamée sous une rhétorique de l’économie du savoir et du sous-investissement est signe d’une véritable dérive de la mission d’éducation citoyenne accessible que s’étaient données les institutions d’enseignement supérieur au Québec. En utilisant un arsenal argumentaire noyauté autour du sophisme économiciste, on nous exhorte de payer notre « juste part ». L’impératif du court-terme renforce l’élitisme actuel, le clivage entre les classes sociales et les inégalités grandissantes. Si un peuple éduqué représente une menace critique pour le pouvoir en place, la paupérisation des masses devient une solution viable politiquement et fiscalement, quitte à employer la force en cas de soulèvements populaires.
Pour certains, les étudiants en grève sont allés trop loin en débordant de la question de la stricte hausse des frais de scolarité. En soumettant la société à un questionnement profond sur les fondements de la démocratie représentative, les politiques tarifaires, les baisses d’impôts aux entreprises et porteurs de capitaux, le principe d’utilisateur-payeur, l’effritement du mince tissu social que nous possédons, l’insuffisante progressivité des paliers d’imposition et le virage à droite que représente la marchandisation des services publics, les étudiants ne font pourtant pas, eux non plus, dans l’exception. Ce sont les cas de l’Argentine, de la Grèce et de l’Espagne qui font, entre autres, figures d’exemple pour les critiques actuels de l’idéologie néolibérale.
En bref, le mouvement étudiant et la jeunesse représentent aujourd’hui le plus grand moteur de transformation sociale au Québec. En ayant démontré ses liens avec les travailleurs, les groupes communautaires et les exclus sociaux ainsi qu’en ne se limitant pas à un strict débat comptable, c’est une véritable remise en cause du fonctionnement politique et économique actuel qui est question, et cela au profit d’une société plus juste et égalitaire. En cette période d’anomie sociale et d’apathie politique, c’est un appel à la solidarité qui est lancé. Allons-nous manqué le train ?
Jean-Pascal L. Hallée – Étudiant.