... Nous devons répéter qu’il existe aujourd’hui au Québec une seule alternative au règne des 1%, une seule alternative à la main mise sur notre société, sur les institutions de notre société, une seule alternative au contrôle antidémocratique qu’exerce sur nos institutions, sur nos municipalités parfois, sur notre gouvernement central à bien des égards, une petite élite qui n’a pas été élue, à une petite élite qui jouit d’énormément de privilèges, une petite élite qui, de plus en plus, épouse la culture de l’élite dominante à l’échelle planétaire, l’élite financière et industrielle qui prive des millions d’êtres humains, qui vont bientôt priver, juste en Grèce , dix millions de Grecs du tiers de leur salaire, de centaines d’entreprises, du meilleur de leur fond de pension qui va être soldé, parce que cette poignée de privilégiés, cette élite financière a maintenant comme pratique, une pratique tout à fait illégale, qui consiste à puiser sans gêne dans les deniers publics pour financer ses profits, dans les deniers publics pour financer ses pertes, dans les deniers publics pour réparer leurs faillites.
Avec le Plan nord, le patronat voyou a pris le contrôle du gouvernement québécois
Malheureusement, une partie du patronat, du patronat voyou, a pris le contrôle, pour l’essentiel, de la plupart des orientations du gouvernement québécois. Je donnerai quelques exemples juste pour synthétiser un peu le tableau.
Bien sûr, la première chose qui vient à l’idée, c’est le saccage et la spoliation de nos richesses naturelles. La première chose qui nous vient à l’idée et le jour même de l’annonce du Plan nord, nous avons élaboré tout un dossier pour expliquer en quoi le plan Nord était inacceptable sur le plan environnemental, inacceptable sur le plan économique, inacceptable sur le plan fiscal, inacceptable sur le plan démocratique en raison du fait qu’on passait par-dessus des communautés. On faisait mieux encore, on érigeait certaines communautés contre d’autres communautés. Et ces dernières semaines, vous avez entendu parler de tous les problèmes suscités par le mode de négociation de gré à gré, communauté par communauté. On ne parle pas de nations. On parle d’une communauté d’une nation contre une autre communauté de la même nation.
Aujourd’hui, même Jacques Parizeau, même Yvon Allaire, un ancien libéral et un spécialiste des HEC, viennent nous dire que c’est du vol. Quand Jacques Parizeau vient nous dire qu’on se fait avoir. Cela veut dire qu’on se fait voler.
Qui a décidé de ce plan de développement économique ? Ce n’est pas le ministre des Ressources naturelles, député de Roberval, M. Simard. Ce n’est même pas l’ancien ministre des Mines, Pierre Corbeil, qui entre 2003 et 2007, était ministre des Mines et quand il a été remercié par les électeurs d’Abitibi Est aux élections de 2007 où il a perdu son siège aux mains d’un péquiste, à peine un mois après avoir perdu son siège, on l’a retrouvé comme lobbyiste de l’industrie minière à l’Assemblée nationale. Et maintenant qu’il est de retour depuis 2008, que fait Monsieur Pierre Corbeil ? Il a été jusqu’à tout récemment ministre des Affaires autochtones. Parce que le plan Nord impliquait d’intenses et d’habiles négociations pour semer la zizanie et diviser les nations autochtones à l’entour de l’exploitation des ressources naturelles. Mais Monsieur Pierre Corbeil, c’est un dentiste. Ce n’est pas un spécialiste du secteur minier. Qui tire les ficelles derrière ça ? C’est l’élite économique et financière du Conseil du patronat, de la Fédération des chambres de commerce devant lesquelles les élites politiques défilent depuis les 20 et 25 dernières années. À chaque fois que j’entends un premier ministre qui doit aller faire un discours et présenter son plan sur telle ou telle chose, où le voit-on atterrir ? On le voit atterrir devant une chambre de commerce, que ce soit la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ou la Chambre de commerce Québec. Le ministre des Finances, qu’est-ce qu’il fait le soir même où il présente son budget à l’Assemblée nationale ? Il est reçu par la Chambre de commerce de Montréal ou de Québec.
On est donc au Québec, comme ailleurs dans le monde, dans une situation politique où les décisions économiques sont prises par une élite économique qui contrôle notre économie parce qu’aucun gouvernement de l’époque moderne qui se respecte et qui joue au minimum le rôle de gouvernement et qui exerce le minimum de souveraineté démocratique ne pourrait, en 2011, accepter d’opérer sur un modèle strictement colonial dans l’exploitation de nos ressources comme c’est le cas actuellement.
Deux exemples pour mesurer l’ampleur de la dévastation et de la spoliation de nos ressources
Je vais vous citer deux exemples pour vous donner une idée de l’ampleur de la dévastation et de la spoliation de nos ressources.
Vendredi dernier, dans le journal Le Devoir, il y a avait un article économique pour parler d’une des compagnies minières. Juste une mine de fer, pas très loin de Schefferville au Québec, représente comme valeur annuelle de production 4 milliards de dollars de valeur sur les marchés. Une seule mine de fer. Au Québec, on est un des producteurs les plus importants de fer dans toute l’Amérique. Imaginez toutes les dizaines de points d’exploitation de notre sous-sol qui doivent avoir des valeurs en termes d’exploitation excessivement importants. Le Québec est un des plus grands producteurs de nickel également.
Ensuite le Québec, contient un des plus grands gisements d’or en Amérique qui se compare à des grands gisements du Chili et du Pérou. Juste sur la faille de Cadillac qui va de la région Val d’or à l’est de l’Ontario, on compte exploiter 9 mines à ciel ouvert de type de Malartic. Et Malartic, c’est quoi comme valeur minière ? Malartic, c’est 12 millions d’onces d’or à 1 700 $ l’once. Cela fait près 20 milliards de dollars d’or brut à exploiter d’ici 10 à 15 ans. Si on fonctionne comme maintenant, on peut compter que de 4 à 5% de redevances effectives même si le taux de redevances a été élevé à 16%, car il y a toute une série de crédits d’impôt. De sorte que d’après les calculs que l’on a fait, on retire 4 à 5% de redevances, si on calcule les impôts des travailleurs, cela ne fait pas plus de 8 % de retombées pour les deniers publics.
Et les propriétaires de Malartic nous disent quand ils sont venus en commission parlementaire que 20 % de nos actionnaires sont des Québécois. Quand, on fouille et on pose la question, ce 20% ne contrôle que 8% des actions. (...)
Le peuple québécois va toucher des miettes avec toutes les conséquences désastreuses sur le plan environnemental que représente une exploitation de haut volume et d’exploitation accélérée comme le projette le plan Nord. Car le plan Nord est tout sauf un développement durable. Le plan Nord est tout sauf un développement étalé sur 50 ans, 100 ans, 150 ans comme le veut le principe de développement durable, lorsqu’appliqué à des ressources qui sont par définition épuisables.
Quand on regarde le Québec d’aujourd’hui, il y a une seule alternative pour faire en sorte que le pouvoir ne soit pas sous le contrôle de ce 1% des élites qui dictent la conduite des choses dans ce secteur comme dans tous les autres secteurs.
La première chose à faire c’est de prendre le virage vert
L’autre exemple que je voulais vous donner, c’est dans le domaine de la construction. La dernière question que l’on a posée à l’Assemblée nationale portait là-dessus. Quand, il y a 15 ans déjà, le Québec a fait le débat, qu’est-ce qu’on voulait développer comme sources d’énergie ? Ce sont les énergies renouvelables. La première chose à faire, c’est de prendre le virage vert, des énergies vertes, des sources d’énergies nouvelles et que dans la même foulée, ce que le Québec a le mieux à faire c’est d’épargner de l’énergie. Je vous parle du Plan d’efficacité énergétique qui est le résultat de consultations publiques en 1995 où on démontrait qu’on pouvait aller chercher plus de mégawatts en faisant de l’efficacité énergétique, en isolant mieux les maisons et nos établissements que tous les grands barrages que l’on s’apprête à construire sur la Romaine ou en dérivant la Rupert.
Quand on connaît le consensus à la fois social et scientifique d’il y a 15 ans, comment se fait-il qu’un gouvernement dont les hauts fonctionnaires doivent agir en fonction des meilleures données, des meilleures recommandations, des meilleures solutions qui sont à leur disposition, comment se fait-il qu’on décide malgré tout d’investir dans des investissements lourds, dans du béton, dans des mégabarrages avec toutes les conséquences environnementales ? Il n’y a qu’une réponse. C’est parce que prendre le virage que nous demandait le Plan d’efficacité énergétique ne donnera pas de contrats à Toni Accurso, ne donnerait pas de contrats à Franco Fava, n’entrerait pas dans le plan d’affaires de SNC-Lavalin. Ils sont dans un modèle d’affaires basé sur des grands projets d’infrastructures de plusieurs centaines de millions de dollars.
Alors que le Plan d’efficacité énergétique, c’était quoi ? Ce qui venait en premier lieu dans les recommandations de ce plan qui vient de 1995, c’était d’isoler tout le parc immobilier en commençant par les grands centres urbains et par les établissements publics. (...). Le virage vert aurait représenté des milliers de contrats sinon des dizaines de milliers de contrats et pas juste sur un chantier isolé concentré dans le temps, mais sur un chantier de 20 ans ou 25 ans partout dans les régions du Québec. Quoi de mieux pour renouveler notre parc immobilier que de le retaper et de le re-isoler. Cela aurait créé des emplois partout dans les régions au Québec et cela aurait occasionné une prospérité partagée dans le modèle capitaliste (on ne parle pas ici du modèle d’économie solidaire ou d’économie ayant dépassé le capitalisme).
Un gouvernement le moindrement respectueux du principe démocratique baserait ses choix sur un minimum de données, choix qui sont appuyés par les meilleurs consensus et les meilleures pratiques. Le gouvernement n’a pas fait ces choix-là. Pourquoi ? Parce qu’on est arrivé à un stade avancé de l’érosion de la qualité démocratique de nos pouvoirs, parce que la plupart de grandes décisions qui sont prises en matière de ressources naturelles, en matière de grands chantiers d’investissements publics sont toujours dictées par une petite élite sans consultation démocratique, par-dessus la volonté démocratique du peuple.
Mais il y a des sources d’espoir.
Mais, heureusement, tout n’est pas que raisons de colère. Je pense au livre de Françoise (David) qui a été lancé il y a deux semaines et qui connaît un formidable succès au Québec. Je vous le recommande. Il s’appelle De colère et d’espoir. Notre colère ne peut être que source de quelque chose que si elle débouche sur l’espoir. Bien sûr, on a des raisons d’être en colère : nos ressources naturelles, la corruption, l’incompétence, l’opacité, les décisions antidémocratiques prises au sommet, l’évasion fiscale. Le livre d’Alain Denault que nombre de vous connaissez pour le livre qu’il a écrit sur les compagnies minières en Afrique, mais il a aussi écrit un livre qui s’appelle Off shore. En s’appuyant sur les documents du G20, il démontre qu’il y a 88 milliards de dollars qui dorment dans les paradis fiscaux ou juridictions de complaisance. Est-ce qu’il y en a ici qui ont des comptes en Suisse ou aux Bahamas ? (Rires). Cela me rassure sur Québec solidaire. Ce qui nous permet d’en déduire qu’il va falloir travailler très fort pour financer ce parti-là. 88 milliards de dollars. Si l’on pense ce que cela aurait rapporté comme source de financement légitime de l’État, ce serait 27% de 88 milliards, cela fait à peu près 30 milliards de dollars. C’est quoi la dette du Québec ? C’est 125 milliards dollars. On vient d’effacer un quart de la dette du Québec d’un seul coup. 30 milliards de dollars.
C’est aussi le sort que va connaître le régime de pensions de nos retraité-e-s parce qu’il est abandonné par les États. C’est la condition de nos aînées. Nous et le PQ, on pose des questions pratiquement chaque mois sur la situation des personnes dans les Centres pour personnes âgées et le manque de soins à domicile. C’est la pauvreté tenace. Il y a certains secteurs de notre société que la pauvreté touche encore très durement : les personnes seules sont durement frappées par la pauvreté. Même les travailleurs précaires. Une pauvreté rampante, et des tarifs à la hausse partout, comme à Hydro Québec qui veut des hausses accélérées au cours des prochaines années, la franchise en santé, les frais de scolarité qui vont augmenter, et l’érosion des droits syndicaux.
Mais il y a des sources d’espoir. Il y a quand même un Québec qui est bien meilleur que tout ce qu’on vient de dire. Il y a quand même un Québec qui s’organise autrement, qui se conçoit de bien meilleure façon que ces orientations. Il y a en qui disent que le peuple québécois est trop mou, qu’il se laisse manger la laine sur le dos, qu’il se laisse marcher sur les pieds, qu’il n’a pas la capacité de s’indigner et de se révolter. Ce n’est pas vrai. C’est un discours qu’on tient sur nous pour essayer d’entamer notre détermination. On est au Québec dans une société où en l’espace de moins de six mois les gens de la vallée du St-Laurent ont mis à genoux un lobby parmi les lobbies les plus puissants en Amérique du Nord, le lobby des hydrocarbures. Un lobby qui a mis un président à la tête des États-Unis, un lobby qui a été capable de mettre un premier ministre à la tête du Canada. On peut dire qu’au Québec l’industrie des gaz de schiste est à genoux sinon à terre. L’action de Junex est rendue à 9 sous. Au Québec, l’industrie du gaz de schiste est en rattrapage. Pourquoi ? Parce que notre peuple a réussi à se mobiliser et que la colère des citoyens a porté.
Le résultat, c’est qu’ils ont été obligés d’aller chercher leur meilleur avocat, Lucien Bouchard, et même lui, quelqu’un l’a fait sortir hors de ses gonds. Encore aujourd’hui, lorsque je vais de place en place, en Gaspésie, à Montréal les gens me disent :" ce que vous avez dit à Lucien Bouchard, j’ai bien aimé ça". Pourquoi ? Ce n’est pas à cause de ce que j’ai dit. C’est à cause de la révolte de notre peuple contre cette exploitation injustifiée des gaz de schiste qui a fait que le combat sur le plan symbolique sur le plan du principe était gagné.
Cette victoire sur le plan parlementaire, dans le débat public, je crois que Québec solidaire le doit à la révolte citoyenne dans la vallée du St-Laurent. (...)
Enregistrement et retranscription pour Presse-toi à gauche ! : Bernard Rioux