L’Humanité, 1er avril 2022
Par Thomas Lemahieu
« La coalition européenne Media Freedom Rapid Response ( MFRR ) dénonce "une détérioration de la liberté de la presse" depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre Kyriakos Mitsotakis. » (Louisa Gouliamaki / AFP).
C’est un rapport dévastateur pour le gouvernement Nouvelle Démocratie ( droite ), accusé d’ « avoir exacerbé la crise systémique frappant la liberté de la presse en Grèce ». Selon la coalition européenne Media Freedom Rapid Response ( MFRR ), qui travaille notamment avec la Fédération européenne des journalistes ( FEJ ) et Reporters sans frontières ( RSF ), le premier ministre Kyriakos Mitsotakis, au pouvoir à Athènes depuis juillet 2019, cherche à « contrôler le message » et à « faire taire les voix critiques ». « Cela intervient dans un marché médiatique polarisé et fragmenté politiquement, dénoncent les auteurs du document paru il y a quelques jours. Les publications comme les journalistes individuels qui sont du point de vue idéologique du côté de l’opposition ou qui se tiennent simplement sur une position neutre sont ciblés par le gouvernement qui leur réserve un traitement différencié mettant à mal leurs activités professionnelles. Cela s’accompagne d’une grande opacité autour des budgets publicitaires étatiques et, en l’occurrence, de leur distribution opérée sur la base de la ligne politique des médias. »
*Des journalistes d’investigation attaqués pour « concours à une conspiration »*
Dans son rapport, MFRR pointe l’enquête bâclée après l’assassinat de Giorgos Karaïvaz, un journaliste célèbre pour ses révélations sur le milieu du crime organisé. L’organisme ajoute les restrictions à la liberté de l’information affectant les journalistes couvrant la gestion de la crise migratoire dans les îles de la mer Égée, mais également dans le cadre des manifestations de rue dans tout le pays. Le document, qui dénonce également des « procédures bâillons », s’attarde sur les cas emblématiques de Kostas Vaxevanis et de Gianna Papadakou. Ces deux journalistes d’investigation ont participé à la mise en lumière des plus grands scandales de corruption ( Novartis ) et d’évasion fiscale ( liste Lagarde ) au cours de la dernière décennie et sont à présent poursuivis pour « concours à une conspiration », en partenariat avec des magistrats, contre plusieurs ministres et personnalités liés à la droite au pouvoir ( lire l’Humanité du 8 février ). D’après Pavol Szalai, l’un des spécialistes des Balkans à RSF interrogé par Euractiv, « la situation en Grèce est en train de devenir similaire à celle de la Hongrie ».
« Le rapport souligne comment la Grèce est devenue un pays problématique sur les questions liées à la liberté de la presse et à la démocratie », a immédiatement réagi Alexis Tsipras, l’ancien premier ministre et dirigeant de Syriza. À droite, les proches de Mitsotakis ont choisi de faire le dos rond et se paient même le luxe de tenter une contre-offensive. « C’est dommage qu’un parti grec adopte et utilise un rapport qui porte atteinte à la fois à la presse grecque et à ses responsables, et aux institutions de notre pays, rétorque le porte-parole du gouvernement Yiannis Economou dans un communiqué. La Grèce est un pays européen régi par l’État de droit, et l’indépendance de la presse y est garantie par la Constitution. Le pluralisme et la liberté d’expression et de critique sont une pratique quotidienne. »
* https://www.humanite.fr/monde/grece/le-gouvernement-mitsotakis-accuse-de-baillonner-les-medias-744450 <https://www.humanite.fr/monde/grece...>
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