Le schéma présenté par les gouvernements occidentaux est simple : l’Etat Islamique est une monstruosité que les forces vertueuses des armées de l’OTAN alliées aux régimes du Proche-Orient doivent écraser. Indéniablement, l’Etat Islamique est une entité sectaire menaçant de nombreux peuples de la région, créant une situation d’urgence, charriant des images d’horreur qui suscitent une indignation légitime en France et dans le monde. A l’ombre de cette guerre, menace en France une offensive sécuritaire et raciste. Le vote de la « loi contre le terrorisme », ce Patriot Act à la française, en est l’annonce, de même que la banalisation de la stigmatisation des musulmans, s’appuyant sur un socle déjà solide de discours et de dispositifs racistes.
Ce pourquoi il faut refuser de souscrire aux discours binaires de nos gouvernements. Leur motivation « humanitaire » est privée de crédibilité, ne serait-ce qu’en raison de leur rôle de complice silencieux, voire bruyant avec François Hollande dans un premier temps, du massacre de masse perpétré cet été par l’Etat d’Israël contre le peuple palestinien de Gaza. Surtout, la crise internationale provoquée par cette émergence de l’Etat Islamique n’est pas tombée du ciel. Elle signe la faillite des politiques menées au Proche-Orient de la part de l’impérialisme occidental et des régimes autoritaires de la région. Le danger est grand que la facture de cette faillite soit payée non pas par ses principaux responsables, mais par les peuples : directement au Proche-Orient, par le truchement du déchaînement anti-musulman et l’atteinte aux libertés publiques ailleurs.
Face à ces dangers, une compréhension des racines de cette crise est indispensable.
Il convient de souligner que l’émergence de l’Etat Islamique et sa progression résultent d’une combinaison de facteurs politiques. Le premier est l’échec du système politique mis en place suite à l’invasion de l’Irak, lequel a perpétué le confessionnalisme, manipulé par des politiciens corrompus et répressifs, dont l’ex-premier ministre Nouri Al-Maliki est devenu un symbole, et qui a relégué au second plan les arabes sunnites du pays, préparant ainsi le terrain à l’émergence de l’Etat Islamique. Le deuxième est la stratégie poursuivie par le dictateur syrien Bachar Al-Assad qui, confronté à la révolution syrienne, s’il a combattu sauvagement les forces populaires civiles, a épargné les forces les plus réactionnaires. Son objectif étant de créer le chaos dans les zones qu’il ne contrôlait pas, et de permettre à l’EI d’y constituer son « havre ». Le troisième est la bienveillance dont a bénéficié l’EI à différents moments, de la part de plusieurs régimes de la région. Il en est ainsi aujourd’hui de la part du président turc Recep Tayyip Erdogan, dont l’escalade autoritaire se poursuit par la répression violente des manifestations de solidarité avec les Kurdes en lutte contre l’EI en Syrie, qu’accompagne une complaisance coupable envers l’EI depuis son émergence et encore aujourd’hui.
Alors que par sa logique impérialiste la « coalition internationale » ne peut in fine qu‘entraîner la reproduction du cercle vicieux des convulsions au Proche-Orient, il faut développer une alternative internationaliste basée sur la solidarité des peuples.
Celle-ci peut être déclinée sous trois dimensions :
1) Répondre à l’urgence : alors que l’EI dispose depuis la prise de Mossoul de moyens importants en matériel et en « compétences », doit être apporté un soutien effectif, y compris la fourniture d’armes, aux forces progressistes en lutte contre les régimes oppresseurs. Il s’agit des composantes démocratiques de la résistance syrienne et de la mouvance PKK, lequel doit être rayé de la liste des « organisations terroristes » de l’Union Européenne.
2) Développer une solution politique permettant de sortir de cette crise destructrice pour les peuples de la région. Celle-ci implique : une intégration pleine et entière de la population arabe sunnite dans les institutions politiques en Irak ; la défaite de la dictature sanglante d’Al-Assad, qui ne représente d’aucune façon une option progressiste ou anti-impérialiste, en Syrie et dans la région ; le respect effectif des droits du peuple palestinien.
3) Reprendre le fil d’un antiracisme de masse, conséquent, aux côtés (et non à la place) de celles et ceux qui subissent le racisme, en particulier dans ce contexte de guerre, des musulman-es confronté-es à la multiplication des attaques à leur encontre.
La solidarité avec les peuples victimes de la guerre en cours doit se construire de manière urgente et concrète, en évitant le double écueil de l’incantation et du « consensus national » aligné sur l’intérêt des dominants. A toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la défense d’une perspective de transformation sociale de la mettre en œuvre !
Pour Ensemble ! Myriam Martin et Marie-Pierre Toubhans porte-paroles, Emre Öngün et Francis Sitel direction nationale. Tribune parue sur Médiapart.