« Si l’on se fie à la dernière année, beaucoup de travail devra être abattu en 2012 pour améliorer le sort des Québécoises et des Québécois. Je leur souhaite aujourd’hui santé, bonheur et succès, comme il est d’usage, mais je suis convaincu qu’il faudra agir jour après jour pour préserver notre système public de santé, pour maintenir et créer des emplois de qualité, pour assurer une formation adéquate tout au long de la vie et pour pouvoir vivre une retraite à l’abri des soucis.
« Ces souhaits, je les adresse tout particulièrement aux travailleuses et aux travailleurs, aux sans-emploi, aux mis à pied et aux plus démunis, qui en ont arraché avec la débâcle du secteur manufacturier et de la foresterie, qui ont réussi tant bien que mal à surmonter les effets de la crise financière et pour qui l’avenir n’est pas toujours porteur d’espoir. Je les adresse bien évidemment à nos membres, plus de 600 000, qui œuvrent dans tous les secteurs d’activité économique, au public comme au privé. Je sais qu’ils seront tous présents lorsque viendra le temps de relever les défis à venir. »
C’est ainsi que le président de la FTQ, Michel Arsenault, a amorcé le bilan et les perspectives que trace la centrale syndicale pour 2011 et 2012.
Une retraite à l’abri des soucis
Pour la FTQ, le dossier de la retraite est devenu un enjeu incontournable qui devrait marquer l’année 2012. Il y a plus d’un an, la centrale lançait sa campagne Pour une retraite à l’abri des soucis. Appuyée au départ par une dizaine d’associations représentant des personnes retraitées, des personnes handicapées, des étudiants et des femmes, la campagne est maintenant supportée par 75 associations. Le président de la FTQ explique :
« Le problème, c’est qu’une partie importante de la population ne bénéficie pas de régime de retraite et risque de vivre carrément dans la pauvreté, le moment venu de la retraite. La solution réside dans une action collective, à l’échelle du Québec, pour faire en sorte que tout le monde, syndiqué et non syndiqué, puisse bénéficier d’une retraite décente. Nous pensons que l’amélioration du Régime de rentes du Québec (RRQ) est le moyen à privilégier pour y arriver, en assurant à tous 50 % du salaire moyen, par exemple.
« Malheureusement, au fédéral comme au provincial, on continue de défendre la mise sur pied d’un régime volontaire d’épargne-retraite, sans obligation pour les employeurs d’y cotiser. Or, c’est une vue de l’esprit de penser que tout le monde a les moyens de se bâtir, individuellement, un " bas de laine " en vue de la retraite.
« Le temps presse, il faut mettre sur pied un comité de travail patronal-syndical-gouvernemental fonctionnel, qui aurait pour mandat de se pencher sur l’avenir des régimes de retraite et de proposer des solutions », a soutenu Michel Arsenault.
Le Plan Nord
La FTQ a toujours été favorable à l’exploitation et à la transformation des ressources naturelles du Québec. Mais pas n’importe comment. C’est pourquoi la centrale a réagi avec prudence à l’annonce du Plan Nord, exigeant qu’on prenne le temps nécessaire pour étudier l’ensemble des tenants et aboutissants du projet avant d’aller de l’avant. Les membres de la FTQ sont d’ailleurs conviés en mai prochain à un colloque où les participantes et les participants seront appelés à réfléchir à un modèle de développement des ressources naturelles et énergétiques et à définir un plan d’action syndical.
« Nous l’avons dit à plusieurs reprises, explique Michel Arsenault, le Plan Nord devra se faire dans le respect des populations du territoire et de l’environnement. Il doit profiter à l’ensemble de la population du Québec, sous forme de retombées économiques, d’entrées fiscales et de développement durable. Nous nous inquiétons de voir que la deuxième et la troisième transformation de nos ressources semblent laissées de côté alors que les grandes entreprises projettent d’exporter la matière première et de la transformer ailleurs sur la planète. Nous sommes aussi soucieux des retombées sociales, du développement urbain, de la disponibilité des services publics, de la création d’emplois pour la population régionale. Bref, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement et celui-ci se doit de faire la démonstration que le Plan Nord profitera vraiment à l’ensemble du Québec et de sa population. »
Michel Arsenault déplore le fait que les syndicats n’ont pas été invités à la table des partenaires mise sur pied par le gouvernement afin de mobiliser les nombreux acteurs directement interpellés par le Plan Nord.
Les services publics
Pour la FTQ, l’État perd graduellement, mais sûrement, sa mission sociale de gardien et de défenseur des biens et des services publics pour se limiter à celui de simple gestionnaire de fonds obsédé par l’équilibre budgétaire. Depuis la crise financière déclenchée en 2008-2009 par les spéculateurs de tout acabit, la FTQ a demandé au gouvernement du Québec de reporter le retour à l’équilibre budgétaire au-delà de 2013-2014, mais elle n’a pas été entendue. Le gouvernement a plutôt procédé à des coupes de 800 millions de dollars en santé et en éducation, geste insensé, aux conséquences négatives que l’on connaît sur les services offerts à la population. La FTQ espère ardemment que le prochain budget répondra aux priorités exprimées par la population du Québec et qu’il accordera les ressources nécessaires au maintien et à l’amélioration des services publics.
En premier lieu, la santé. Depuis les quatre dernières années, la FTQ a initié et participé à toutes les campagnes menées en défense du système public de santé, contre sa privatisation croissante et pour un accès universel et gratuit. L’année 2012 sera elle aussi marquée du sceau de cette bataille.
Le secrétaire général de la FTQ, Daniel Boyer, explique : « Il faut placer les besoins de la population et des patients au centre des préoccupations. Beaucoup plus qu’une réorganisation des établissements de santé, une véritable réforme doit viser une réorganisation des soins et des services basée sur la réalité locale et régionale ainsi que sur une véritable concertation entre les différents intervenants. À notre dernier congrès, nous avons lancé l’idée de la tenue des États généraux de la santé, réunissant l’ensemble de la société civile. Cette idée doit continuer à faire son chemin.
« Le combat dépasse les frontières du Québec, puisqu’il faut constater que le gouvernement Harper entend diminuer de centaines de millions de dollars ses transferts aux provinces en matière de santé et qu’au même moment, il donne en cadeaux plus de 4 milliards de dollars par année aux grandes entreprises, par le biais de baisse d’impôts. C’est scandaleux ! »
Même son de cloche du côté de l’éducation. La FTQ s’est toujours prononcée pour une école publique et universelle. « Les ancêtres de la FTQ, poursuit Daniel Boyer, ont été des premiers combats pour l’accès sans entrave à l’éducation, à tous les niveaux. Nous continuons ce combat et c’est la raison pour laquelle nous appuyons la lutte étudiante contre la hausse des frais de scolarité et pour un libre accès à tous les niveaux. Notre combat, c’est aussi celui qui vise à assurer la formation nécessaire à toutes les étapes de la vie. De la même manière qu’il faut enrayer le décrochage scolaire, il faut des programmes continus de recyclage et de formation professionnelle et il faut que les employeurs préconisent le partage du savoir-faire entre les plus vieux et les plus jeunes. C’est là un moyen privilégié pour permettre aux plus âgés de rester au travail tout en assurant la transmission des connaissances. »
Secteur de la construction
On pourra dire que l’automne 2011 a mobilisé les énergies de la FTQ et de la FTQ-Construction dans l’épineux dossier du placement de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.
La Loi éliminant le placement syndical dans l’industrie de la construction a été adoptée à l’unanimité.
« Cela dit, avant de parler de " moment historique ", il faudra que le ministère du Travail et la Commission de la construction du Québec livrent la marchandise, explique Michel Arsenault. Adopter une loi, c’est une chose ; la mettre en pratique en est une autre. Nous sommes convaincus, pour notre part, que l’entreprise, dans sa facture actuelle, est vouée à l’échec.
« Qui a déjà vu, dans une société démocratique, une loi interdisant aux employeurs et aux syndicats de se parler d’un sujet qui les concerne conjointement ? C’est pourtant ce que la Loi éliminant le placement syndical a pour effet, en empêchant un rapport direct entre employeurs et syndicats dans le placement de la main-d’œuvre. Le dialogue syndical-patronal est à la base même des relations de travail. Vouloir l’empêcher va à l’encontre des droits démocratiques. C’est pourquoi nous déposerons une plainte au Bureau international du Travail. »
Le président de la FTQ conclut en rappelant qu’en Amérique du Nord principalement, mais aussi ailleurs, les associations de métiers ont toujours eu un rôle à jouer dans le placement de leurs membres, ces derniers n’ayant pas d’employeur fixe et régulier.
Un dernier souhait
De nombreux dossiers seront également à l’agenda de la FTQ dans la prochaine année. Qu’on pense au dossier de l’environnement, à la question linguistique, à la condition féminine, aux droits du travail, à la santé et de la sécurité au travail ou au renouvellement des conventions collectives. Il en est un, cependant, qui préoccupe les deux dirigeants de la FTQ : celui de l’écart grandissant entre les revenus des riches et ceux des pauvres, partout dans le monde, certes, mais particulièrement au Canada, comme viennent de le rendre public un récent rapport de l’OCDE ainsi qu’une étude du Centre canadien des politiques alternatives.
« Penser au fait que les 100 Canadiens les plus fortunés ont un revenu annuel 189 fois plus élevé que la moyenne canadienne donne des frissons. En une seule journée, le plus fortuné, le président de Magna International, gagne près de 170 000 dollars, contre 44 366 $ dans toute une année pour le Canadien moyen. Et selon le rapport de l’OCDE, le Canada est maintenant dans le peloton de tête en ce qui a trait au recul de la fiscalité et des programmes sociaux, moyens pourtant privilégiés pour réduire les inégalités. Le rapport pointe également du doigt la déréglementation, les mécanismes de fixation des salaires et la dégradation du pouvoir de négociation des syndicats.
« Cela nous ramène à notre rôle fondamental : défendre les intérêts des travailleurs et des travailleuses et surtout, lutter pour améliorer leur sort et assurer une meilleure distribution de la richesse », ont-ils conclu.