Selon la déclaration pour le droit de manifester déposée à la Ville de Québec, les « nouveaux règlements municipaux restrictifs [] tendent à transformer l’expression contestataire en acte illicite ». Ces règlements, qui incluent l’obligation de dévoiler l’itinéraire, imposent des contraintes excessives et inutiles au droit de manifester. « Rappelons que l’objectif de ces modifications règlementaires n’est pas de sanctionner ceux et celles qui [] commettent des actes de vandalisme ou menacent la sécurité des personnes, mais bien de redéfinir de façon restrictive les règles du jeu en matière de contestation en donnant aux forces de l’ordre la possibilité de sévir de façon discriminatoire contre les individus et certains groupes. De toute évidence, la Ville [] lance ainsi un message politique clair : manifester à Québec n’est plus un droit, mais un privilège ».
Le nombre important de signatures recueillies démontre que des milliers de personnes sont préoccupées par ces règlements. Selon Marie-Ève Duchesne, du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, « Les impacts de ces règlements sont évidents pour nos membres, nos organisations, dans notre travail de mobilisation. Plusieurs personnes constatent maintenant qu’elles peuvent être arrêtées arbitrairement et certaines vont même jusqu’à craindre de participer à une manifestation alors qu’il s’agit d’un droit ».
En point de presse devant l’Hôtel de Ville, Éloïse Gaudreau du Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur a illustré l’arbitraire de ce règlement par l’exemple d’une présence policière lors d’une séance de signature de pétitions : « La police est intervenue alors que nous ne bloquions aucune rue, que nous n’empêchions la circulation sur aucun trottoir. Les policiers cherchaient avec agressivité la personne responsable et était très mécontente que nous n’en ayons pas. Ils nous ont ensuite sommé de quitter. C’est une première ! Nous n’avons jamais eu à obtenir d’autorisation ou de fournir d’itinéraire pour une séance de signature de pétition. C’est clairement un débordement lié aux règlements sur la Paix et le bon ordre ». Pour sa part, Stuart Edwards, citoyen de la Ville de Québec, a évoqué sa propre arrestation en mars dernier alors qu’il répondait à l’ordre de dispersion de la police de Québec.
« En adoptant ces règlements, la ville de Québec laisse entendre que les manifestations représentent une menace » a déclaré Sébastien Harvey de la Ligue des droits et libertés, section de Québec, également membre de la Coalition. « Selon notre expérience, les manifestations ont toujours été très paisibles à Québec. Il nous reste à démontrer cette affirmation avec des chiffres et c’est ce que nous comptons faire suite à une demande d’accès à l’information » ajoute-t-il. Selon la Coalition, les stratégies d’intervention de la police de Québec visent non pas à sanctionner des actes reprochables puisqu’il n’y en a pas vraiment – mais plutôt à décourager la mobilisation. « C’est ce qu’on appelle la "neutralisation stratégique" et c’est ce que démontre pour Montréal le rapport de la LDL sur le droit de manifester publié la semaine dernière » rappelle Sébastien Harvey. En effet, ce rapport expose que « 83% des constats d’infraction remis en vertu de P-6 entre 2012 et 2014 se sont soldés par des arrêts de procédure, des retraits d’accusation ou des acquittements ». Il n’y a manifestement pas de délits à la base de ces contraventions.
La Coalition pour le droit de manifester dénonce cette règlementation abusive et son application discriminatoire et demande le retrait des articles 19.2, 19.4 et 19.5 du Règlement sur la paix et le bon ordre (R.V.Q. 1091), mais aussi l’arrêt de l’utilisation du Code de la sécurité routière pour pénaliser les manifestant.e.s. Elle multipliera ses interventions au cours de l’automne et de l’hiver prochain afin de documenter les violations et exiger le respect des droits démocratiques des citoyens et des citoyennes de Québec par les autorités.
La Coalition pour le droit de manifester à Québec regroupe plusieurs acteurs sociaux régionaux et nationaux : La Ligue des droits et libertés- section Québec, le Regroupement en éducation populaire et en action communautaire de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC 03-12), le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Le Front régional d’action à Québec de l’ASSÉ (FRAQ-ASSÉ), le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur et le Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec (ROSE du Nord).