Le document révèle que contrairement à ce que le négociateur du Québec, Pierre-Marc Johnson, a toujours dit, les marchés publics d’Hydro-Québec ne seront pas exclus des dispositions de l’accord. Plus de 35% des appels d’offre de la société d’État, c’est-à-dire les contrats qu’elle confie à des sous-traitants ou à des fournisseurs pour pouvoir réaliser sa mission, seront ouverts aux entreprises européennes. Cela équivaut à 390 millions de dollars chaque année pour les achats de biens seulement. « Hydro-Québec est un levier central pour notre économie. Non seulement génère-t-elle des revenus importants pour l’État québécois, mais elle contribue au développement économique régional et local, de même qu’au maintien et à la création d’emplois de qualité en favorisant les entreprises d’ici. Le gouvernement Marois abandonne ainsi sa capacité d’orienter les investissements et d’obtenir des retombées pour l’économie du Québec. C’est une concession énorme et inacceptable », a affirmé Pierre-Yves Serinet, porte-parole du RQIC.
Ceci est d’autant plus préoccupant que l’UE a aussi réalisé des gains en ce qui concerne la protection des investissements privés. En effet, la lecture du document révèle que la définition européenne de traitement juste et équitable et d’expropriation indirecte sera retenue, ce qui ouvre la porte à une augmentation des poursuites investisseurs-État. « Le Canada accepte désormais d’octroyer des droits excessifs aux entreprises de l’UE qui n’hésiteront pas à le poursuivre, lorsqu’elles jugeront que des politiques d’intérêt public adoptées de façon légitime par le gouvernement fédéral, une province ou une municipalité restreignent leurs profits », signale M. Serinet. Pourtant, en octobre dernier, le ministre Jean-François Lisée assurait que le Québec était aux côtés du Canada pour réduire la portée de ces dispositions qui limitent la capacité de gouverner des États. « Or, quand Pierre-Marc Johnson affirme que “le dîner est prêt”, comme il le disait récemment au Devoir, devons-nous conclure que le Québec a lancé la serviette et appuie cette concession du Canada ? Si l’AÉCG est ratifié en l’état, le peuple québécois doit se préparer à avoir une sérieuse indigestion », avertit le porte-parole du RQIC.
En ce qui concerne les monopoles et les sociétés d’État, les inquiétudes sont grandissantes car on apprend que « l’objectif général est atteint et permet d’assurer qu’on ne puisse contourner les obligations de l’AÉCG ni refuser l’accès aux marchés quand les autorités publiques agissent par l’entremise d’entités privées », peut-on lire dans le document. « Est-ce à dire qu’un service confié à une entreprise privée est un service privatisé et qu’il sera impossible de le re-municipaliser sous peine de sanctions exorbitantes, même s’il demeurait sous autorité publique ? », s’interroge M. Serinet. « Il est urgent que le gouvernement du Québec mette cartes sur table dans ce domaine et expose clairement l’impact de l’AÉCG sur la SAQ, Hydro-Québec, les sociétés publiques de transport, les services de distribution de l’eau, entre autres. »
Il y a bien d’autres gains pour l’UE et bien d’autres pertes pour le Canada, mais l’une des plus inquiétantes du point de vue du respect du champ de compétences des provinces est la clause portant sur l’étendue des obligations des parties signataires de l’AÉCG. Le document fait état d’un résultat à la hauteur des ambitions de l’UE : « le Canada prend la pleine et entière responsabilité des mesures que pourraient adopter les provinces et convient de prendre "toutes les mesures nécessaires" pour assurer le respect de l’AÉCG ». « Qu’un gouvernement souverainiste accepte qu’Ottawa, par l’entremise de l’AÉCG, puisse venir jouer dans les platebandes du Québec dépasse tout simplement notre entendement », s’indigne le porte-parole du RQIC.
Le RQIC exige donc que le gouvernement du Québec, particulièrement le ministre Lisée, remplisse ses promesses de faire preuve de transparence avec la société civile et permette la tenue d’un débat public informé sur l’AÉCG. « Le gouvernement du Québec doit aussi nous assurer qu’il se réserve le droit de rejeter l’accord s’il n’est pas profitable aux intérêts des Québécoises et des Québécois », a conclu le porte-parole du RQIC.
Extraits du document confidentiel en pièce jointe