Les projecteurs sont toujours portés sur Rafah. Après la destruction partielle à l’explosif de la clôture frontalière, mercredi, la ruée vers la partie égyptienne de la ville, à cheval entre le territoire palestinien et l’Égypte, s’est poursuivie hier. Confrontés à une pénurie de produits de base à Gaza en raison du blocus israélien imposé le 17 janvier en représailles aux tirs de roquettes palestiniens, la plupart des Palestiniens font des provisions en Égypte, à des prix largement inférieurs à ceux pratiqués à Gaza. Selon une estimation de l’agence de l’ONU d’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), au moins 700 000 habitants de Gaza sont passés mercredi et jeudi en Égypte. De nombreux magasins dans la partie égyptienne de Rafah et d’El Arich se sont totalement vidés de leurs stocks, ont affirmé des témoins. Des commerçants ont fait plusieurs navettes, achetant des marchandises en Égypte.
Gaza est une prison à ciel ouvert
Selon un sondage, diffusé jeudi par la radio publique, près des deux tiers des Israéliens (63,7 %) se déclarent favorables à un durcissement des sanctions imposées aux Palestiniens de Gaza, contre 22,1 % qui prônent un allégement. Selon le premier ministre israélien, Ehud Olmert, « il n’y a aucune raison de permettre aux Palestiniens de mener une vie normale alors que les enfants de Sdérot pleurent et mouillent leur lit de peur ».
À la différence près que les territoires palestiniens sont toujours occupés, que la bande de Gaza est une prison à ciel ouvert et que les négociations en cours ne prennent pas en compte la construction du mur « de séparation ». Le président égyptien Hosni Moubarak, qui a ordonné à la police de laisser passer la foule, a accusé implicitement jeudi le mouvement islamiste Hamas, qui contrôle Gaza, de tenter d’impliquer l’Égypte dans les différends interpalestiniens. « Nous refusons toute tentative de forcer l’Égypte à s’immiscer dans leurs différends, ainsi que les tentatives de fomenter des crises avec les forces de l’ordre égyptiennes à Rafah », a expliqué le président égyptien. Israël a rejeté sur l’Égypte la responsabilité de gérer la situation, le ministre de la Défense Ehud Barak affirmant que « les Égyptiens connaissent parfaitement leurs obligations et ils les rempliront en fonction des accords » conclus avec son pays.
Tout le monde se contente du statu-quo
En réalité Israël, les États-Unis et peut-être l’Union européenne se satisfont de la situation. L’électricité est revenue à Gaza, ses habitants vont et viennent par milliers à la frontière égyptienne et le chef du Hamas en exil jure que les tirs de roquettes se poursuivront.
Israël est tombé dans le piège du Hamas, estime Danny Ayalon, ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis. « C’est un échec retentissant et une catastrophe en termes d’image. De plus, nous avons perdu notre pouvoir de dissuasion pour la prochaine fois. »
Alors que l’opinion publique internationale dénonce l’attitude d’Israël, Mouine Rabbani, de l’International Crisis Group, vend la mèche : « De facto, les Palestiniens de Gaza dépendent de plus en plus de l’Égypte pour leurs besoins et c’est ce que nous voulons. » Peu importe, semble dire Ehud Barak, ministre israélien de la Défense, reçu mercredi par Nicolas Sarkozy. Selon le porte-parole de l’Élysée, le chef de l’État a redit qu’il était « profondément attaché à la sécurité d’Israël ». S’il y a eu des critiques concernant la punition collective appliquée aux habitants de Gaza, elles ont été feutrées. Très feutrées.
Le journaliste de l’Humanité écrivait la veille :
Asphyxiés depuis des jours par Israël, soumis aux bombardements quotidiens, des dizaines de milliers de Palestiniens de la bande de Gaza ont pénétré en Égypte par des brèches ouvertes à l’explosif dans le mur de métal de six mètres de haut séparant les deux territoires.
Si, la veille, les autorités égyptiennes ont tenté d’enrayer ce flux, hier (23 janvier), la police anti-émeute de Moubarak, envoyée en renfort à la frontière, a laissé entrer librement les milliers de Gazaouis venus se ravitailler (mais a arrêté plusieurs centaines de manifestants au Caire). Certains conduisaient des charrettes et transportaient des valises pour rapporter des produits de consommation courants et du carburant qu’ils comptaient acheter en Egypte. De nombreux Palestiniens entrés en Égypte ont trouvé un moyen de transport pour rejoindre la ville côtière d’El Arich, à une quarantaine de kilomètres de Rafah. D’autres se sont bornés à rester dans la partie égyptienne de Rafah, où ils ont acheté de l’essence, des cigarettes, de l’huile d’olive et d’autres vivres qui manquent dans la bande de Gaza. « J’ai acheté tout ce dont j’ai besoin pour la maison pendant des mois. J’ai acheté de la nourriture, des cigarettes et même deux gallons de diesel pour ma voiture », a expliqué l’un d’eux. « Les boulangeries ne fonctionnent pas et c’est difficile d’obtenir les choses dont nous avons besoin », a témoigné une mère de famille. « Je suis venue acheter du lait pour mes enfants et des médicaments pour le diabète. » En Cisjordanie, le porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas a fait assumer la responsabilité à Israël. « C’est la conséquence du blocus imposé à Gaza », a-t-il dit.
Cynique, le ministre israélien des Affaires étrangères a expliqué : « Nous attendons que les Égyptiens résolvent le problème », se gardant de toute critique à l’encontre des autorités du Caire, accusées pourtant il y a peu de laxisme au sujet des trafics d’armes à la frontière de Gaza. Si, face aux pressions internationales,Israël a allégé mardi son blocus en autorisant une livraison de carburant destinée à la principale centrale électrique du territoire, tout montre qu’il n’est pas prêt à céder un pouce de plus. D’ailleurs, la municipalité israélienne de Jérusalem a annoncé avoir obtenu les autorisations nécessaires pour la construction de près de 2 500 logements dans les quartiers de colonisation de Jérusalem-Est annexés. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy recevait le ministre israélien de la Défense
Le premier ministre du Hamas à Gaza a appelé mercredi à la tenue d’une réunion d’urgence avec ses rivaux du Fatah et avec le gouvernement égyptien pour trouver une solution aux problèmes frontaliers dans la bande de Gaza, ce qui pourrait vouloir dire que le Hamas serait prêt à céder une part du contrôle de ces passages à Mahmoud Abbas. « Nous ne voulons pas être les seuls à contrôler ces affaires », a déclaré Ismaïl Haniyeh, qui s’exprimait depuis son bureau, à Gaza, en direct sur la télévision du Hamas.
Par ailleurs, le Hamas, le jihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG), basés à Damas, ont ouvert mercredi une « conférence nationale » dans la capitale syrienne avec l’ambition affichée de surmonter la division des Palestiniens en pleine crise du blocus imposé à Gaza. « C’est la réunion des droits et de la résistance », a lancé le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, dans un discours devant un parterre de personnalités palestiniennes. Mais cette réunion se déroule sans les trois partis historiques, le Fatah du président Mahmoud Abbas et les Fronts démocratique et populaire de libération de la Palestine (FDLP et FPLP). « Nous sommes devant une tromperie israélienne. Faire livrer du fioul et de la nourriture n’est pas l’objectif. Nous voulons la levée du blocus », a affirmé Mechaal. « Le blocus est une tragédie, un crime immoral. J’appelle à la poursuite de la colère populaire contre les sionistes et les Américains jusqu’à la levée du blocus », a-t-il martelé. « Le combat ne se terminera que par la libération de la Palestine, toute la Palestine », a-t-il ajouté.
Source : http://www.france-palestine.org/article7976.html
Publié par l’Humanité, le samedi 26 janvier 2008
http://www.humanite.fr/2008-01-25_International_
A-Gaza-les-habitants-tentent-de-survivre
http://www.humanite.fr/2008-01-24_International_
Image : Detruire-les-mursRamallah, 22 janvier, les cris de la résistance. (AP/M. Muheisen)