Selon eux, le type de BAPE qui a été mis en branle, selon l’article 6.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement, n’est pas celui qui s’applique dans le cas du projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada. « Un BAPE « générique » s’applique à une question générale, se fait entièrement aux frais des contribuables et mène à une simple position du gouvernement. Si le ministre maintenait ce BAPE, cela lui servirait simplement à étoffer la position qu’il présentera aux audiences de l’Office national de l’énergie », explique Jacques Tétreault du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ).
La demande d’injonction annoncée mardi matin par David Heurtel, confirme au contraire que le genre de BAPE applicable à un projet comme Énergie Est est un BAPE « spécifique » relevant de l’article 31.1 de la Loi : il vise un projet particulier, il se fait au moins en partie aux frais du promoteur et mène à une décision du gouvernement : celle d’émettre, ou non, un certificat d’autorisation. Il est déclenché à la suite du dépôt d’un avis de projet par le promoteur, ce que TransCanada a toujours refusé de faire jusqu’ici. « La demande d’injonction du ministre vise justement à forcer TransCanada à déposer cet avis de projet. Dans ce contexte, il serait illogique de poursuivre le BAPE « générique » qui a été enclenché », précise Odette Lussier de STOP Oléoduc Montmagny-L’Islet.
Selon les groupes signataires, le BAPE au mandat tronqué ne devrait pas commencer avant que les tribunaux aient éclairci les enjeux légitimes soulevés par la demande d’injonction du gouvernement et par le recours en jugement déclaratoire que le CQDE, Équiterre, la Fondation Coule Pas Chez Nous et Nature Québec ont déposé le 18 février à l’encontre de TransCanada Pipelines Ltée et Oléoduc Énergie Est Ltée à la Cour supérieure à Montréal. Le CQDE a très explicitement énoncé les motifs du recours dans son rappel historique du dossier juridique du projet Énergie Est. « Le refus de TransCanada de reconnaître les compétences du Québec menace non seulement notre environnement, mais aussi la capacité du Québec de continuer à appliquer ses lois », soutient Roger Rashi de Alternatives.
Un processus archaïque et anti-démocratique
En plus de reposer sur des bases juridiques contestées, la démarche dont le début est prévu pour le 7 mars prochain présente des lacunes importantes sur le plan de la démocratie, selon les groupes. En effet, contrairement à la mission du BAPE décrite sur son site Web, la démarche annoncée par le BAPE n’offre pas un forum d’information, d’enquête et de consultation « public et neutre ». Les signataires dénoncent tout particulièrement le manque d’accessibilité aux consultations. « Il est insensé que les citoyens ne puissent pas participer en ligne et qu’on leur demande de se rendre disponibles pendant 9 jours ouvrables à quatre lieux bien précis du Québec, souvent à grande distance de leur domicile », dénonce Carole Dupuis, du RVHQ.
« On peut aussi s’interroger sur la neutralité du forum d’information quand les experts indépendants invités à titre de présentateurs se comptent sur les doigts de la main et quand plusieurs sujets sensibles semblent avoir été omis », souligne Alain Brunel de l’AQLPA. Par exemple, pour tenter de comprendre si le projet est justifié, les citoyens devront se fier aux seuls dires de TransCanada. L’École Polytechnique de Montréal, qui a publié une étude sur les rivières à risque élevé en lien avec le projet Énergie Est, ne figure pas à l’horaire. Jacques Harvey, à qui plusieurs MRC ont confié des mandats sur la question des risques de déversement, ne fait pas partie des présentateurs que les citoyens auront l’occasion d’entendre. Aucun spécialiste ne semble avoir été mis à contribution pour décrire les risques de déversement dans le Lac Saint-Pierre ou plus à l’est, sur les rives nord et sud du fleuve. Il y a aussi un manque flagrant d’expertise sur l’approvisionnement en eau potable et les impacts sur la santé. Selon Martine Chatelain de Eau Secours !, « Il aurait été instructif et nécessaire d’entendre des experts indépendants se prononcer sur les risques de marée noire en amont d’un déversement dans les zones où il y a des marées ou de contamination des puits souterrains d’eau potable dans les zones avoisinant le tracé. »
Pour toutes ces raisons, les groupes signataires demandent l’annulation du mandat du BAPE dans la forme prévue actuellement et demandent que la loi québécoise soit respectée.
ORGANISATIONS SIGNATAIRES
Action Environnement Basses Laurentides
Alerte Pétrole RiveSud
Alternatives
Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE)
Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)
Ciel et Terre
Citoyens au Courant
Coalition Vigilance Oléoduc (CoVO)
Comité des Citoyens et Citoyennes pour la Protection de l’Environnement Maskoutain
Eau Secours ! la coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau
Montréal pour tous
Pétroliques anonymes
Projet ÉCOSPHÈRE
Regroupement citoyen contre les bitumineux et pour le développement durable
Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ)
Saint-Antoine-de-Tilly – Milieu de vie
Sierra Club Québec
STOP Oléoduc Bellechasse-Lévis
STOP Oléoduc Capitale-Nationale
STOP Oléoduc Montmagny-L’Islet
STOP Oléoduc Portneuf Saint-Augustin
STOP Oléoduc Île d’Orléans
Pétroliques anonymes Rivière-du-Loup
Mobilisation Environnement Ahuntsic-Cartierville