La pression dans le but de libérer les délinquant-e-s plus tôt au sein de la communauté, les changements touchant les principaux programmes de réadaptation et les effectifs insuffisants constituent un risque pour les communautés et les travailleurs.
(OTTAWA) Aujourd’hui, avant que les député(e)s ne retournent sur la Colline, le Syndicat des employés-e-s de la sécurité et de la justice (SESJ) demande au gouvernement fédéral d’agir immédiatement face aux défis que doivent relever les employé-e-s de premières lignes dans leur travail au quotidien de surveiller adéquatement les délinquant-e-s et de les supporter dans leur processus de réinsertion sociale.
Défis dans le milieu correctionnel
Les incidents récents impliquant les délinquant-e-s, sous responsabilité fédérale, qui ont volontairement omis de réintégrer les centres correctionnels communautaires (CCC), où ils doivent résider sous la surveillance du Service correctionnel Canada (SCC), ont amené le SESJ à accroître la pression sur les élu-e-s afin qu’ils agissent sans tarder.
On parle de « liberté illégale », puisque ces incidents impliquent des délinquant-e-s à haut risque de récidive qui n’ont pas réintégré une maison de transition de compétence fédérale. Ces évènements sont survenus récemment au Centre correctionnel communauté Parrtown à Saint John, NB, ainsi qu’à Vancouver, à Montréal et à Halifax.
Il y a quelques jours à peine, on lançait un mandat pancanadien pour Kenneth Froude, un délinquant sexuel fédéral en liberté conditionnelle à Kingston en vertu d’une ordonnance de surveillance de longue durée.
Un rapport publié récemment par le SESJ a permis de constater que plus des deux tiers des agent-e-s de libération conditionnelle ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de protéger adéquatement la population en raison de la complexité des cas et des pressions attribuables à la charge de travail.
« Les préoccupations des employé-e-s correctionnels qui côtoient directement les délinquant-e-s fédéraux représentés par le SESJ se sont avérées constantes au Canada, » selon Stan Stapleton, président national du SESJ.
« Nos membres sont vraiment préoccupés par leur capacité de protéger la population vu le manque flagrant de ressources et l’ajout constant de nouvelles responsabilités. De plus, leur propre sécurité est souvent mise à risque, » d’ajouter M. Stapleton.
Une visite de sept villes que le SESJ a réalisée au Canada l’automne dernier lui a permis de tenir une série de tables rondes communautaires consacrées à la sécurité auxquelles participaient des employé-e-s correctionnels et des candidat-e-s fédéraux des cinq principaux partis.
Lors de ces tables rondes, des représentant-e-s du SESJ travaillant dans le milieu correctionnel ont évoqué :
• La pression constante exercée par le SCC pour libérer rapidement les délinquant-e-s au sein de la communauté malgré un manque de personnel chronique.
• Les effets continus des changements majeurs qu’on a apportés aux programmes et aux services de réadaptation avant 2015 dans le but de transmettre aux délinquant-e-s des compétences sociales et autres qui améliorent leur employabilité.
• Une augmentation du nombre de cas confiés aux agent-e-s de libération conditionnelle et une aggravation de la complexité de ces cas.
• Les exigences additionnelles en matière de rapports et sur le plan bureaucratique qui compromettent la réinsertion sociale des délinquants et le temps d’intervention passé directement auprès de cette clientèle.
• Le manque de mécanismes de protection et de sécurité de base pour les agent-e-s de libération conditionnelle lors des visites au sein de la communauté, rencontrant majoritairement seul-e-s les délinquants dans leur milieu de vie.
• Le nombre élevé d’employé-e-s en congé parce qu’ils sont épuisés ou aux prises avec un trouble de stress post-traumatique (TSPT) ou qui ont quitté carrément la profession et qui n’ont pas été remplacés.
« Dans le milieu correctionnel, peu importe notre rôle précis dans une prison fédérale ou dans la communauté, nous avons tous le devoir de réadapter les délinquant-e-s, » affirme Carol Osborne, vice-présidente régionale du SESJ pour les employé-e-s communautaires du SCC et la Commission des libérations conditionnelles (Est).
« Vous ne voudriez pas que ce secteur souffre d’un manque chronique de personnel au pays et priver les délinquant-e-s d’un soutien crucial. »
« En tant qu’employé-e-s de premières lignes qui assistent tous les jours de près à l’impact de ces défis sérieux, nous sonnons l’alarme dans l’espoir que des mesures adéquates soient rapidement mises en place avant que d’autres employé-e-s du SCC ne quittent la profession et que des membres du public ne courent un risque grave d’être blessés, » souligne Mme Osborne.
Demandes adressées au gouvernement fédéral
Le SESJ en appelle au nouveau gouvernement afin qu’il :
• rétablisse immédiatement le programme d’agent-e-s de liaison avec les services correctionnels communautaires qu’il a annulé en 2014 et qui ramènerait le soutien policier spécialisé pour aider les agent-e-s de libération conditionnelle en communauté à s’acquitter de leurs tâches en toute sécurité et à leur apporter le support nécessaire lorsque des délinquant-e-s contreviennent à leurs conditions et posent un risque pour la sécurité population (environ 2 millions de dollars pour embaucher jusqu’à 15 policières et policiers au pays) ;
• réduise immédiatement le nombre de cas attitrés aux agent-e-s de libération conditionnelle dans les centres communautaires correctionnels qui hébergent les délinquant-e-s présentant les risques et ayant les besoins les plus élevés (ratio réduit de 13 à 8), de manière à mieux gérer le risque qu’il représente pour la population ;
• réduise de 30 à moins de 25 le nombre de cas de délinquant-e-s confiés à chaque agent-e de libération conditionnelle travaillant en établissement afin d’assurer une transition sécuritaire et humaine aux détenu-e-s vers d’autres pénitenciers selon leur réel niveau de besoin et de risque ou pour les préparer à leur arrivée en communauté ;
• améliore la sécurité dans les 26 centres communautaires correctionnels pour assurer la sécurité des employé-e-s et du public ;
• entreprenne immédiatement un examen entièrement indépendant de l’efficacité d’un modèle de réadaptation universel qu’on offre maintenant aux délinquant-e-s, peu importe le crime qu’ils ont commis ;
• assure la production de rapports trimestriels transparents sur le nombre réel d’employé-e-s travaillant dans les différences sphères au SCC (notamment au niveau de l’offre alimentaire, du personnel de soutien et administratif ainsi que ceux attitrés à la surveillance et la réinsertion sociale des délinquant-e-s) ; de même que sur le nombre réel de délinquant-e-s que l’on retrouve dans chacun des établissements fédéraux et sous la surveillance des bureaux de libération conditionnelle.
• offre un accès à des soins spécialisés en cas de traumatisme aux employé-e-s correctionnels qui sont grandement exposés à des incidents traumatisants, à des déclarations de victimes, à des détails graphiques de crimes violents ;
« Le message que nous entendons haut et fort de nos membres qui travaillent au sein du SCC auprès des délinquant-e-s fédéraux, est le fait que nous vivons présentement une crise, » affirme Stapleton.
Alors que plus de 40 pour cent des délinquant-e-s sous la responsabilité du SCC sont présentement sous surveillance en communauté, un nombre en constante augmentation depuis les dernières années, à peine 6 pour cent du budget total est consacré aux services correctionnels communautaires.
« Nous reconnaissons l’investissement inégalé qu’a fait le dernier gouvernement libéral afin d’améliorer l’isolement préventif (isolement cellulaire) dans les institutions fédérales. Nous sommes maintenant impatients de travailler étroitement avec le nouveau ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, l’hon. Bill Blair, afin de trouver des solutions à ces enjeux complexes, » dit Stapleton.
Le SESJ représente plus de 16 000 employé-e-s de la fonction publique fédérale qui évoluent au sein de différents ministères et organismes fédéraux dans le domaine de la sécurité ou de la justice. La majeure partie des membres du SESJ sont des employé-e-s du SCC dans les établissements à sécurité minimale, moyenne et maximale du fédéral, ainsi que dans les bureaux d’agents de libération conditionnelle à la grandeur du Canada. Le deuxième groupe en importance de membres du SESJ est constitué d’employé-e-s de la GRC.
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