Édition du 18 juin 2024

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Alimentation

Crise alimentaire Agriculture industrielle et changement climatique

Le modèle actuel industrialisé de production agricole et d’élevage contribue à l’approfondissement de la crise écologique mondiale et a un impact direct sur la genèse du changement climatique.

article tiré de NPA 29
http://npa29.unblog.fr/2019/07/27/crise-alimentaire-5-esther-vivas/

Comme le signale le rapport Stern [36], l’agriculture industrialisée est une source majeure de production de gaz à effet de serre, dépassant même les secteurs de l’énergie et des transports.

Si l’on prend en compte l’impact de la déforestation (qui génère 18 % des gaz à effet de serre) et l’impact du modèle actuel de l’agriculture et de l’élevage (qui produit 14 % de ces gaz), les deux ensemble sont responsables de 32 % des gaz à effet de serre.

Un chiffre qui peut être attribué au modèle de l’agriculture intensive et industrielle, responsable en premier lieu du changement climatique mondial, bien devant le secteur de l’énergie (24 %) et celui des transports (14 %).

Ces données mettent en évidence le fort impact du modèle agricole actuel dans la destruction de l’environnement et sa contribution à la crise écologique. Nous ne pouvons oublier les éléments caractéristiques de ce système de production alimentaire : intensif, industriel, éloigné des consommateurs, dépendant du pétrole…

Regardons le plus en détail :

Intensif, il réalise une surexploitation des sols et des ressources naturelles qui finit par engendrer les gaz à effet de serre par les forêts, les champs de culture et les pâturages. En opposant la productivité à la protection de l’environnement et la régénération de la terre, il rompt l’équilibre permettant aux sols de contribuer à la stabilité climatique en capturant et stockant le carbone. Ainsi l’activité agricole intensive finit par générer elle même du CO2 [37].

Industriel, car il s’agit d’un modèle de production mécanisé, utilisant les produits agrochimiques, la monoculture, etc. L’emploi de tracteurs géants pour labourer la terre et transformer les aliments contribue à la libération du CO2. Les engrais chimiques, inévitables dans ce modèle d’agriculture et d’élevage, produisent une grande quantité d’azote (NO2), une des sources majeures d’émission des gaz à effet de serre. Ces engrais synthétiques répandus sur la terre réagissent chimiquement en libérant le NO2. En outre, la destruction des forêts et des jungles pour les convertir en pâturages ou en monoculture affecte gravement la biodiversité et contribue à la libération massive du carbone.

Éloigné des consommateurs et dépendant du pétrole, car il s’agit d’une production délocalisée à la recherche de la main-d’oeuvre la moins coûteuse et des législations environnementales les moins exigeantes. Les aliments que nous consommons parcourent des milliers de kilomètres avant d’arriver sur notre table avec l’impact sur l’environnement résultant des combustibles fossiles employés par les transports.

On estime qu’à l’heure actuelle la plus grande partie des aliments voyagent entre 2 500 et 4 000 kilomètres avant d’être consommés, soit 25 % de plus qu’en 1980. Nous nous trouvons dans une situation insoutenable : par exemple l’énergie employée pour envoyer quelques laitues d’Almería aux Pays-Bas est trois fois supérieure à celle utilisée pour leur culture [38].
Selon une étude britannique, un repas dominical typique en Grande-Bretagne, réalisé aves des fraises de Californie, les brocolis du Guatemala, les airelles de Nouvelle-Zélande, le boeuf australien, les pommes de terre importées d’Italie, les haricots thaïlandais et les carottes d’Afrique du Sud génère 650 fois plus d’émissions de carbone, du fait de leur transport, que si le même repas était réalisé avec des aliments produits localement [39]. Une pratique d’autant plus irrationnelle que bien des produits alimentaires importés sont produits localement.

Mais les aliments voyageurs ne se limitent pas à accroître la pollution de l’environnement, ils provoquent également une uniformisation et une standardisation de la production.

Par exemple, s’il y a encore quelques années dans certaines régions européennes existaient des centaines de variétés de pommes, aujourd’hui dans un supermarché on ne trouvera plus qu’une dizaine de variétés tout au cours de l’année.

Cela a conduit à négliger la culture des variétés locales au profit de celles dont la demande provenant de la grande distribution est plus forte en raison de leur couleur, de leur taille, etc. [40]. Une situation que l’on retrouve dans le cas de bien d’autres aliments, comme le maïs, les tomates, les pommes de terre…, où l’approche commerciale et productiviste a prévalu sur l’écologie et la soutenabilité.

Ce modèle d’alimentation « kilométrique et voyageuse », tout comme l’emploi démesuré de l’agrochimie et des dérivés du pétrole, entraîne une forte dépendance des combustibles fossiles. En conséquence, dans la mesure où le modèle productif de l’agriculture et de l’élevage est fortement dépendant du pétrole, la crise alimentaire et la crise énergétique sont étroitement liées et les causes qui ont conduit à la première sont aussi responsables de la seconde.

Esther Vivas, journaliste et sociologue, membre de la direction de Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste, État espagnol), est militante de la IVe Internationale

https://www.preavis.org/

Esther Vivas

Auteur de "En campagne contre la dette” (Syllepse, 2008), co-coordinatrice des livres en espagnole "Supermarchés, non merci" et "Où va le commerce équitable ?" et membre de la rédaction de la revue Viento Sur (www.vientosur.info).

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