Tiré de Courrier international.
Au Sénégal, ç’a été “la consternation” parmi les journalistes fin mars. À Mbacké, dans le centre-ouest du pays, deux de leurs confrères travaillant pour une télévision locale, Touba TV, ont “été bastonnés comme des malpropres par un policier”, rapporte Dakar Actu, alors qu’ils réalisaient un reportage sur le Covid-19. “Ils étaient bien en possession de leur autorisation de circuler” pendant le couvre-feu, précise le média. Couvre-feu, confinement, lois spéciales… un à un les pays africains ont mis en place des mesures exceptionnelles pour faire face à la propagation de l’épidémie de Covid-19.
Mais ces dispositifs ont été parfois l’occasion d’atteintes à la liberté de la presse.
Comment faire correctement son travail ?
En Ouganda, les journalistes se sont ainsi émus “de la dernière bastonnade par les forces de sécurité” dont ont été victimes certains d’entre eux “sous prétexte de réprimer ceux qui bravaient les mesures pour lutter contre le Covid-19”, rapporte le journal ougandais Daily Monitor. Le ministre de la Sécurité du pays a en effet précisé que le couvre-feu instauré à 19 heures s’appliquait à tout le monde. Dans ces conditions, “comment faire correctement son travail ?” s’interrogent les journalistes ougandais, soulignant qu’ils ne seront même plus en mesure de couvrir les allocutions officielles du président Museveni, “qui ont quasiment toujours lieu à 20 heures”.
Comme à Kinshasa, où l’obtention de laisser-passer pour les journalistes lors de l’instauration du confinement du quartier de la Gombe, le 5 avril, a été l’occasion d’une belle pagaille, ces mesures drastiques de lutte contre le virus donnent l’occasion aux autorités de limiter le travail de la presse et de trier les journalistes sur le volet. Au Liberia, l’accès à la présidence n’est plus autorisé qu’à une poignée de médias, tous favorables au pouvoir en place. Celui-ci profite de cette période pour resserrer son étau.
“Intimidé, harcelé, le journaliste ‘critique’ Charles Yates” a été interrogé plusieurs fois pendant “trois, quatre et cinq heures” par les services de renseignements du pays, révèle le quotidien libérien Front Page Africa. Sa faute ? S’être interrogé sur les réseaux sociaux sur la raison pour laquelle “une amie du président George Weah n’avait pas été placée en quarantaine quand elle était revenue d’Allemagne”, alors que c’est théoriquement la mesure mise en place.
Dispositifs drastiques et lois spéciales
Incertitudes, panique, la période est propice aux informations les plus farfelues, et parfois les plus dangereuses. Des remèdes faussement miracles aux origines douteuses du virus, en passant par les rumeurs xénophobes, les fake news se répandent comme un véritable fléau. Mais sous prétexte de lutte contre la désinformation, certains gouvernements sont tentés d’avoir la main lourde et de réprimer tous ceux qui vont à l’encontre de la version officielle.
Une inquiétude particulière est née en Afrique du Sud. Au lendemain de l’instauration d’un confinement, une journaliste de News 24 a été la cible de tirs de balles de caoutchouc de la part de la police, alors qu’elle documentait la répression brutale de la police à l’encontre des populations qui ne respectaient pas les mesures. Le gouvernement sud-africain a mis en place un dispositif drastique de confinement, qu’il a accompagné de lois exceptionnelles sur les fake news. “Quiconque publie des déclarations avec l’intention d’abuser une autre personne au sujet du Covid-19 est passible d’une amende, d’une peine de prison maximale de six mois ou les deux”, dit le texte.
“Comment faire la différence entre une rumeur et une opinion ? Comment différencier une information authentique d’une qui ne le serait pas, alors que mêmes les experts débattent entre eux et que leurs avis évoluent rapidement,” s’inquiète le Mail and Guardian, qui s’interroge sur les atteintes à la démocratie. “En voulant combattre les fake news, les gouvernements sont peut-être allés trop loin.”
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