La déclaration appuyée de Brian Topp selon laquelle il était un fier social-démocrate a fait grincer des dents ceux d’entre nous qui ont passé des décennies à la gauche du parti. Le NPD n’est-il pas un parti social-démocrate ? L’histoire du NPD n’est-elle pas celle de la lutte entre une gauche socialiste et démocratique - la mieux représentée par la Waffle, et par une série de groupes progressistes, le dernier en date étant la Nouvelle Initiative Politique - avec l’establishment social-démocrate ? Ce dernier se retrouve-t-il maintenant dans l’opposition devant pousser le parti vers la gauche ? Si cela est vrai, cela est déprimant et, mais délicieusement ironique.
Ce qui est laissé de côté dans cette histoire, c’est qu’il y a une nouvelle force dans le parti que je considère comme étant la nouvelle gauche et qui a d’abord été représentée par la campagne de Nathan Cullen. La rhétorique de Cullen était très proche de la politique de la Nouvelle Initiative Politique. Il parle des luttes sociales et de l’alliance entre les Premières Nations et les groupes environnementaux. Il parle avec son cœur sans ce désir de frapper qui a infecté presque tout le monde. Il a le cœur d’un démocrate. Cette gauche est moins sectaire. Beaucoup d’entre eux ont soutenu le vote stratégique lors des élections précédentes et cette fois l’alliance électorale stratégique avec les libéraux. Je ne suis pas d’accord avec eux à ce sujet, mais cette gauche constitue sans aucun doute la force la plus progressiste au sein du parti en ce moment et la plus proche des mouvements sociaux qui ont envahi les rues et les parcs en Amérique du nord.
La force de la campagne de Cullen prend sa source tant dans la puissance de ce mouvement de la jeunesse représentée par le soutien Lead Now à sa proposition d’une alliance électorale, que dans sa personnalité gagnante et son charisme. Personne n’a mentionné que Lead Now a permis que 5 500 personnes se joignent au NPD pour soutenir ce qu’elles appellent « la coopération ». Il y avait des moments où le mouvement des femmes a eu ce genre de pouvoir au sein du parti, ce qui s’est traduit notamment par la victoire d’Audrey McLaughlin en tant que dirigeante. La défaite injuste Peggy Nash au début du scrutin a montré que ce mouvement est beaucoup moins influent aujourd’hui.
Il est dommage que Peggy Nash ou Paul Dewar n’ait pas saisi la chance de s’allier avec un tel groupe ou que Brian Topp voyant qu’il ne pouvait gagner, n’ait accordé son soutien à Cullen qui aurait pu gagner. Mais je pense que l’establishment du parti représenté par Topp, à quelques exceptions importantes, comme Libby Davies, est davantage préoccupé par la politique de Cullen que par celle Mulcair.
Une autre histoire moussée par la campagne Mulcair, par Chantal Hébert et Gerry Caplan, c’est qu’une défaite de M. Mulcair aurait été considérée comme une gifle en plein visage du Québec. Après tout, les sondages ont montré que les Québécois ont massivement soutenu Mulcair en tant que chef du NPD et qu’il a eu un soutien majoritaire au sein du caucus du Québec du parti et un grand nombre de soutiens et de contributions financières provenant de l’extérieur du parti.
C’est plus compliqué. Il peut être vrai que la réaction initiale à ce vote sera positive et que la plupart des médias au Québec ont soutenu Mulcair, mais il y a aussi de vives critiques contre lui. Ce que les gens du NPD ne semblent pas comprendre, c’est que le déplacement massif du Bloc québécois vers le NPD à la dernière élection était moins un soutien au fédéralisme que le passage des secteurs les plus progressistes à la perspective qu’il était possible de vaincre Harper. Si le NPD se déplace vers la droite du Bloc avec Mulcair, il risque de perdre beaucoup de ce soutien. Depuis personne, y compris Chantal Hébert, ne sait ce que les électeurs du Québec feront aux prochaines élections fédérales, soutenir Mulcair ou s’opposer à lui pour cette raison n’a pas de sens. Il est positif que les membres du NPD aient démontré qu’ils avaient compris l’importance des gains faits au Québec en donnant leur soutien qu’à des candidatEs qui parlent le français couramment.
La troisième histoire est ce qu’on a appelé une campagne de rumeurs contre Mulcair. Cette campagne de rumeurs a été transformée en un véritable cri par Ed Broadbent. Personne ne peut s’entendre avec ce gars-là. Il est un tyran qui rejettera toute opposition. Un peu comme un certain premier ministre que nous connaissons. Il a également été suggéré que Mulcair n’avait rien à voir avec la victoire au Québec. Plus silencieuse, mais tout aussi répandue a été la rumeur selon laquelle nombre de femmes qui avait travaillé avec lui pendant plus de quelques mois nous pouvaient plus le supporter. J’ai été choqué par le faible nombre de femmes parmi les signatures qui endossaient sa candidature. Je peux dire que certaines de ces rumeurs sont vraies. Au Québec, il a facilité l’implantation du parti, mais il n’a pas été un acteur majeur dans le recrutement de candidatEs ou dans l’organisation de la dernière campagne électorale. Il est, cependant, le seul des candidats à la direction qui est connue au Québec.
Les néo-démocrates n’aiment pas les campagnes de rumeurs, ce qui est tout à leur honneur. Ils peuvent aussi avoir pensé que nous devons avoir un dur pour faire face à un tyran ou à un despote et que le manque de charisme de Brian Topp ou de capacité à se lier à une foule était un problème aussi important que l’autoritarisme de Mulcair.
Mon opinion est que le NPD a élu un politicien traditionnel et patriarcal qui a la même politique vis-à-vis du Québec que le NPD avant Jack, qui voit dans les souverainistes des ennemis acharnés, au lieu d’alliés potentiels. Il est davantage un libéral qu’un social-démocrate et il va faire déplacer le parti vers la droite en particulier sur les questions internationales, y compris le libre-échange et Israël, deux questions centrales dans l’agenda de Stephen Harper.
Je n’ai pas participé à cette campagne parce que je vois l’espoir d’un changement dans les nouveaux mouvements qui se dessinent à travers le monde plutôt que dans la politique électorale. C’est là que je mets mon énergie ces jours-ci, mais il est toujours utile si les mouvements sociaux peuvent voir leur reflet dans un parti politique social-démocrate. Cela n’a pas été le cas en Europe pendant une longue période et c’est pourquoi nous y voyons s’exprimer la contradiction dramatique entre ce qui se passe dans le Parlement là-bas et ce qui se passe dans les rues.
Au Canada, quelles que soient les faiblesses du NPD, nous avons toujours réussi à avoir une alliance forte entre eux et les mouvements sociaux. Cette alliance a renforcé le mouvement des femmes, le mouvement antiguerre, le mouvement syndical et d’autres. Je crains, que sous la direction de Thomas Mulcair, cette alliance ne soit perdue et que cela soit une perte pour nous tous.