Édition du 19 novembre 2024

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Environnement

Canada. Contre l'approbation de la plus grande mine de sables bitumineux au monde

Une bataille victorieuse, pour l’heure...

Des groupes environnementaux demandent au gouvernement de rejeter entièrement la mine de sables bitumineux Teck Frontier et repoussent les propositions du gouvernement fédéral d’approuver la mine sous conditions.

Par la coalition contre Teck Frontier

Selon les groupes, une approbation serait une trahison colossale envers les millions de personnes au pays qui, lors des dernières élections, ont voté pour une action climatique plus forte. De plus, une approbation compromettrait gravement à la capacité du Canada de respecter ses engagements climatiques.

« La seule façon de s’assurer que cette mine ne compromet pas les engagements climatiques du Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 est de s’assurer que ce projet est entièrement rejeté, a déclaré Julia Levin, gestionnaire du programme Climat et Energie à Environmental Defence [1]. Approuver la mine en appliquant des conditions est fallacieux. C’est injuste envers les travailleurs, l’Alberta et les millions de personnes d’un océan à l’autre qui soutiennent l’action climatique. »

La récente couverture médiatique du dossier a fait mention de plusieurs conditions, comme l’application d’un plafond des émissions de l’Alberta ou encore l’obtention d’un accord pour que l’Alberta devienne carboneutre d’ici 2050, conformément aux objectifs nationaux du Canada. Malheureusement, comme nous avons pu le constater avec des décennies de promesses entourant le nettoyage des résidus causés par les sables bitumineux dans les bassins, ces engagements peuvent très facilement être rompus.

« Le Canada et l’Alberta ont tous deux une longue histoire de changement ou d’annulation des politiques climatiques dès qu’ils s’engagent à limiter l’expansion du pétrole et du gaz, a déclaré Tzeporah Berman, directrice du programme international pour le groupe environnemental Stand.earth. Il y a un moment où le leadership est nécessaire pour le gouvernement fédéral afin qu’il se positionne du côté d’un avenir sans danger pour le climat. Ce moment, c’est maintenant. »

La mine n’offre qu’un faux espoir aux travailleurs soucieux de leur avenir. Le PDG de Teck a déclaré la semaine dernière que les prix du pétrole étaient trop bas pour que la mine soit économiquement viable. La société a déclaré qu’elle avait besoin que le prix du baril de pétrole soit à 95 dollars pour aller de l’avant. Il y a quelques jours, l’Administration de l’information de l’énergie (Energy Information Administration, EIA) des Etats-Unis a considérablement baissé ses prévisions concernant les prix futurs du pétrole. Pour la prochaine décennie, l’EIA prévoit des prix inférieurs à 75 $ le baril.

« Le Canada doit trouver un moyen de créer de vrais emplois pour les travailleurs/travailleuses et ne pas soutenir d’hypothétiques emplois qui pourraient apparaître dans le futur, a déclaré Claire Gallagher, responsable de campagne senior à Leadnow [2]. La décision sur la mine Teck est une occasion pour le gouvernement fédéral de montrer qu’il est prêt à faire les bons choix pour les travailleurs/travailleuse en soutenant de nouvelles industries, un fonds de désinvestissement économique qui réduirait la dépendance de l’Alberta au pétrole et au gaz, en formant les travailleurs déplacés et en respectant leur engagement pour une Loi sur la transition juste. »

« La seule voie vers un avenir brillant qui a été offerte aux Albertains par les politiciens, à quelque niveau que ce soit, en est une qui dépend fortement des sables bitumineux, a déclaré Bronwen Tucker, organisatrice de Climate Justice Edmonton [Edmonton : capitale de la province de l’Alberta]. Mais nous savons que le monde évolue, que l’Alberta soit prête ou non. Il faut que le gouvernement fédéral arrête d’aggraver le problème en autorisant des projets comme Teck Frontier et commence à travailler pour assurer une transition juste et équitable. »

En plus des risques climatiques, la méga mine de sables bitumineux de 20,6 milliards de dollars serait en opération pendant quatre décennies, couvrirait 29’000 hectares, porterait atteinte aux droits des communautés des Premières nations et des Métis touchées, couperait des milliers d’hectares de forêt et menacerait les derniers bisons des bois en liberté du Parc national Wood Buffalo ainsi que les grues blanches, une espèce en danger critique d’extinction (11 février 2020).

Les groupes appelant le gouvernement fédéral à rejeter la mine Teck Frontier comprennent Greenpeace Canada, Leadnow, Environmental Defence, Stand.earth, Equiterre, Oil Change International, 350 Canada, Climate Justice Edmonton et Extinction Rebellion Edmonton.


[1] Environmental Defence est une organisation environnementale canadienne fondée en 1984. Ses domaines d’éducation et de recherche comprennent les produits chimiques toxiques, l’étalement urbain, les sables bitumineux, le réchauffement climatique, la qualité de l’eau et les espèces en voie de disparition. (Réd.)

[2] Leadnow est une organisation canadienne de défense des citoyens/citoyennes indépendante à but non lucratif fondée en 2011. Elle milite pour un Canada juste, durable et équitable, bâti et défendu grâce au pouvoir démocratique d’un public engagé. (Réd.)

***


Une étape victorieuse, dans un combat qui va se prolonger

Par la rédaction de A l’Encontre

Le 24 février 2020, Radio Canada, indiquait : « L’entreprise vancouvéroise Teck Resources annonce qu’elle laisse tomber son mégaprojet d’exploitation des sables bitumineux Frontier, dans le nord de l’Alberta.

Dans une lettre envoyée dimanche au ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, l’entreprise annonce « après mûre réflexion » qu’elle a pris la décision de retirer son projet du processus d’autorisation fédéral.

Le mégaprojet de 20 milliards de dollars devait permettre d’extraire 260 000 barils de pétrole par jour, pendant 41 ans, et devait entrer en service en 2026. Le projet devait générer des retombées économiques de 70 milliards de dollars pour les trois ordres de gouvernement, en plus de créer 7000 emplois pendant la construction et 2500 par la suite lors du fonctionnement du projet.

En renonçant à ce projet, Teck Resources estime qu’elle va absorber une perte de 1,13 milliard de dollars avec le projet Frontier. »

Dans sa longue missive, le président de Teck Resources, Don Lindsay, évoque le contexte social qui prévaut au Canada.

« Nous ne nous contentons pas de fuir la controverse. La nature de notre activité dicte qu’une minorité bruyante s’opposera presque inévitablement à des développements spécifiques. Nous sommes prêts à faire face à ce genre d’opposition. Frontier, cependant, est apparue dans un débat plus large à propos des changements climatiques et du rôle que le Canada doit jouer pour y faire face. Nous espérons que le fait de se retirer du processus permettra aux Canadiens de passer à une discussion plus large et plus positive sur la voie à suivre. En fin de compte, cela devrait avoir lieu sans qu’une échéance réglementaire ne soit imminente. »

Rappelons que le premier ministre du Canada Justin Trudeau et son cabinet devaient décider du sort du mégaprojet d’ici au 28 février 2020.

Mais ce recul de Teck Resources est loin de clore le chapitre de cette mobilisation d’importance. En effet, le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney a affirmé :

« C’est ce qui arrive quand un gouvernement manque de courage pour défendre les intérêts des Canadiens face à une minorité de militants. Le moment de l’annonce de cette décision n’est pas une coïncidence. C’était un projet viable économiquement, comme l’entreprise l’a confirmé cette semaine et pour lequel elle plaidait, donc quelque chose a clairement changé très récemment. »

Pour préciser la nature de ce changement, Jason Kenney a invoqué : « l’inaction du fédéral à l’égard des blocages ferroviaires dans la foulée de la mobilisation contre le projet de gazoduc Coastal GasLink » [pipeline devant transporter, sur une distance de 670 kilomètres du LNG – gaz dit naturel liquéfié – de la Colombie-Britannique jusqu’à Kitimat, sur la côte nord de la Colombie-Britanique pour être exporté vers l’Asie, d’où la présence dans le conglomérat d’entreprises de ce projet exigeant des capitaux imposants de firmes comme Korea Gas Corporation, de la japonaise Mitsubishi et de Petro China].

Sa conclusion est nette et instructive. De telles mobilisations créent : « de l’incertitude pour les investisseurs qui souhaitent investir au pays ». De quoi les valider du point de vue d’une lutte raisonnée contre la destruction climatique organisée par les effets de la « logique économique » des décisions d’investissements des maîtres de l’industrie des combustibles fossiles.

Toutefois, le recul momentané de Teck Ressources ne marque qu’une victoire d’étape. En effet, Justin Trudeau [premier ministre en fonction depuis le 4 novembre 2015], suite à un entretien avec Jason Kenney, le dimanche 23 février, produisait la déclaration suivante : « Le secteur des ressources naturelles du Canada revêt une grande importance pour notre économie. » Et ils ont réaffirmé leur « détermination à exploiter nos ressources naturelles de manière durable et à créer des emplois ». En outre, Teck Resources a multiplié les opérations de séduction financière en direction de la Première Nation Chipewyanne d’Athabasca.

La bataille est loin donc d’être terminée. Elle est de prime importance dans un pays qui est l’hôte des plus importantes sociétés minières du monde et un champ d’investissements fort important pour les « souverains » de l’investissement rentable dans les énergies fossiles. (Rédaction A l’Encontre, 26 février 2020)

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