Édition du 17 décembre 2024

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Syndicalisme

« C'est une grave erreur de ne pas respecter sa signature » Marc-André Dufour, président des cols bleus de Québec

QUÉBEC, le 10 oct. 2012 - La décision rendue hier par un arbitre du travail a de quoi réjouir les employés cols bleus, présentement en négociation avec la Ville de Québec. L’arbitre du travail Me Denis Gagnon donne raison aux employés manuels, affiliés au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP 1638). Dans sa sentence, au paragraphe 100, il confirme qu’en 2010-11, les employés cols bleus ont travaillé « 131,000 heures de moins qu’au cours de la période de référence »prévue au contrat de travail. La convention collective des employés interdisait formellement cette réduction des heures de travail, notamment à l’article 23.02. Mais la Ville avait décidé d’y passer outre.

« Nous avons toujours dit que les coupures de l’administration Labeaume ne respectaient pas notre contrat de travail, a commenté le président du syndicat, Marc-André Dufour. Et c’est ce qu’un arbitre vient de confirmer noir sur blanc. »

« Quelques jours à peine après la signature de la convention collective, en mai 2009, la Ville a décidé de renier ses engagements envers les cols bleus. Je vous rappelle que notre convention a été signée par le maire lui-même, fait valoir Marc-André Dufour. Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est une grave erreur de ne pas respecter sa signature. Maintenant qu’un arbitre impartial s’est prononcé, nous espérons que le maire va honorer sa signature et respecter notre contrat de travail. On n’a pas besoin de tenir un sommet pour ça. »

La décision

C’est un revers de plus pour l’administration Labeaume dans ses relations avec ses employés cols bleus.

Rappelons que le litige portait, entre autres, sur l’application de la clause 23.02 du contrat de travail collectif des cols bleus. Cette clause stipule que « l’employeur s’engage à maintenir la quantité de travaux actuellement effectués par les employés ».

Voici quelques extraits de la décision arbitrale. La sentence arbitrale peut être consultée dans son intégralité à l’adresse http://www.scfp.qc.ca/librairies/sfv/telecharger.php?fichier=19598 .

Au paragraphe 52, page 10 l’arbitre écrit :

[52] « Le syndicat reconnaît que la sous-traitance n’est pas interdite par la convention collective. Cependant, elle y est balisée. La clause 23.02 protège le volume de travail actuellement effectué, c’est-à-dire qui était effectué le 28 mai 2009. L’employeur a aboli 35 postes pour environ 75,000 heures quelques semaines après avoir signé la convention collective. À partir des données transmises par l’employeur, le syndicat a fait la preuve prépondérante de la baisse de 68,563 heures en 2009-10 et de 131,037 heures 2010-11. La clause 23.01 fait que la sous-traitance ne doit pas avoir pour effet d’entraîner une baisse d’effectifs et l’effectif total a diminué de 103 salariés entre juin 2009 et juin 2011 (S14). Aussi, des salariés auxiliaires ont perdu des heures de travail en raison de l’impartition. La preuve de la ville est basée sur des hypothèses et des incertitudes et on ne peut reconnaître qu’environ11,000 heures en accord avec les exceptions prévues à la clause 23.02. »

Aux paragraphes 75, 76, 77, 78, 81, 100 et 101, l’arbitre ajoute :

« [75] Dans le présent cas, les travaux confiés à contrats étaient jusque-là exécutés par des salariés. La situation pourrait être différente s’il s’agissait de nouveaux travaux. Mais, en retirant à ses employés des travaux qu’ils effectuaient pour les confier à l’externe, l’employeur diminue d’autant la quantité des travaux qu’il s’était engagé à maintenir.

[76] Il peut paraître difficile de concilier le fait que la sous-traitance n’est pas interdite par la convention avec le fait que la quantité des travaux effectués doit être maintenue, étant entendu que le transfert de travaux à un sous-traitant entraîne forcément une diminution du travail des employés de la ville.

[77] En fait, pour profiter de son droit auquel il n’a pas renoncé de recourir à la sous-traitance de travaux jusque-là effectués par ses salariés, l’employeur doit compenser la diminution du travail engendrée par les contrats par une augmentation du travail ailleurs. Cela peut être fait notamment en rapatriant des travaux effectués par des entrepreneurs. Les clauses 23.06 et 23.07 servent à étudier les moyens de le faire.

[78] Les engagements pris par la ville dans la convention collective de maintenir la quantité des travaux effectués par ses employés et aussi d’étudier toute mesure susceptible de permettre de rapatrier des travaux actuellement faits par des entrepreneurs ne sont pas négligeables et restreignent sa liberté d’action en matière de contrat à forfait.

[81] Ce n’est pas parce qu’on économise des heures de travail par des mesures permises par la clause 23.02 qu’on peut conclure qu’on a maintenu la quantité des travaux qui devaient être maintenus malgré l’octroi de contrats forfaitaires.

[100] Je conclus donc que l’employeur n’a pas respecté son engagement de maintenir la quantité de travaux effectués par les employés qui a diminué en raison de l’octroi de contrats à forfait aux matières résiduelles. L’impartition a causé une diminution de 75,000 heures environ en 2010-11, un nombre d’heures moindre pour la période 2009-10, les contrats ayant commencé en cours d’année. En 2010-11, les salariés ont travaillé 131,000 heures de moins qu’au cours de la période de référence. Les heures économisées par des mesures permises par la clause 23.02 ne permettent pas de conclure que l’employeur a rencontré son engagement de maintenir la quantité des travaux effectués par ses salariés malgré les contrats forfaitaires.
[101] En raison des engagements pris par l’employeur aux clauses 23.02, 23.06 et 23.07, il aurait dû, me semble-t-il, après l’annonce au syndicat de son projet d’impartition, discuter avec lui de la façon d’éviter que ce projet n’entraîne une diminution de la quantité des travaux effectués par les employés. »

Toujours en négociation

Les cols bleus sont au nombre d’environ 1350 et n’avaient pas exercé de droit de grève depuis plus de 25 ans. Depuis le 24 mai, les cols bleus sont en grève légale des heures supplémentaires, le tout encadré par les dispositions légales sur les services essentiels. Ils sont sans contrat de travail depuis le 31 décembre 2010. Les négociations entre les cols bleus et la Ville de Québec ont commencé en février 2011. En novembre 2011, les cols bleus ont demandé l’intervention d’un conciliateur du ministère.

Rappelons que les pourparlers entre les parties s’étaient rompus abruptement le jeudi 12 avril quand les cols bleus avaient découvert une note interne du directeur général de la Ville préfigurant des compressions à grande échelle. Tout en reconnaissant l’existence de ce document, le maire Labeaume en avait minimisé l’importance disant qu’il ne s’agissait que du travail « d’un fonctionnaire », rien de plus qu’un « document de travail ». Le 17 avril, la Ville a tout de même procédé à la mise à pied de 162 employés auxiliaires.

Cette manœuvre avait été contestée devant la CRT qui avait conclu qu’il s’agissait d’un lock-out illégal et de représailles à l’endroit des syndiqués
(http://www.crt.gouv.qc.ca/uploads/tx_crtdecisions/2012_QCCRT_0198_01.pdf). Tout en notant que la population n’avait pas reçu les services auxquels elle était en droit de s’attendre, la CRT avait ordonné le retour au travail des 162 auxiliaires.

Le 17 avril, plus de 950 employés cols bleus ont participé à un vote secret et ont accordé à leur direction syndicale le mandat de déclencher la grève au moment jugé opportun.

Les rencontres de négociation entre les parties ont repris en septembre et se déroulent en présence d’une conciliatrice du ministère du Travail.

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