Parlant renouvellement, je suis content de constater le grand nombre de jeunes qui cherchent à s’investir, ce qu’on constate en s’informant des candidatures aux divers postes en élection pour le CN. De toute évidence, QS repose en bonne partie sur la « génération 2012 », ce qui est à la fois un privilège, un honneur et un défi. Un parti ou un mouvement où on trouve les mêmes personnes, généralement avec la tête blanche, n’a pas d’avenir au Québec, c’est aussi simple que cela.
Une fois dit cela, le renouvellement générationnel ne peut clore les débats. Cette génération 2012 a une grande expérience des luttes sociales et politiques, acquise surtout dans le mouvement étudiant. D’autres réservoirs d’expériences sont nécessaires pour donner à QS des assisses plus larges : par exemple, parmi les couches ouvrières, les jeunes issus de l’immigration, les mouvements communautaires où travaillent beaucoup de femmes, le vaste secteur de l’entreprenariat où des tas de gens aboutissent, quelque fois par volonté, autrement par défaut, puisque l’emploi stable ou dans la fonction publique se fait rare.
C’est encourageant également de constater que QS tente de se démarquer en engageant avec les Premières nations du Québec un constant dialogue de peuple à peuple.
Autre avancée, les propositions pour une « campagne politique » se recentrent autour de la lutte contre l’État, le chômage et la précarité aggravés par la (mal)gestion de la pandémie. C‘est un combat sans merci contre la destruction de la vie qui découle d’un système conçu pour accumuler et piller. Ce n’est pas nouveau pour QS, mais cela devient plus clair. Fait à noter, cette inflexion vient surtout des membres, que la direction de QS a eu l’intelligence d’accepter, plutôt que d’imposer un agenda défini par en haut. Cette rigidité de l’appareil, en lien avec l’excessive importante accordée à la politique dite des « urnes », a fait mal dans la dernière période et c’est donc positif qu’il y ait visiblement une volonté de changer.
Dans le bilan de l’aile parlementaire cependant, j’aurai aimé un peu plus d’humilité. Le fait d’avoir échoué certaines batailles, d’avoir mal visé (je pense notamment au discours complaisant et un peu trop mielleux au début de la pandémie), ne sont pas des « crimes ». Admettre ses limites démontre justement non seulement de l’intelligence, mais aussi le respect des autres.
Sur le fonctionnement interne, des critiques ont fusé de divers secteurs sur la sur-centralisation du processus et des ressources autour de l’aile parlementaire. Je ne pense pas que cette évolution exprimait une mauvaise volonté. C’est davantage le cadre normatif contraignant de fonctionner à l’intérieur d’un système qui finit souvent (mais pas toujours) par éroder la mobilisation et l’initiative de la base, de même que l’investissement dans les luttes extra-parlementaires. Mais il y a eu également des choix. Par exemple, lors du dernier congrès, les propositions qui soulignaient la nécessité du contrôle des instances démocratiques du parti sur l’aile parlementaire ont été vigoureusement combattues (et finalement vaincues) par la direction du parti,
En dépit de ces obstacles, nous ne devons pas nous résigner en sachant qu’on n’a pas vraiment le choix, comme on se le dit depuis le début, de faire de la politique autrement, en principe et en pratique.
Par ailleurs, être le parti de la rue exige davantage que de porter la bannière de QS dans les manifs. Un dialogue constant et ouvert avec les mouvements populaires permettrait une plus grande implication de QS dans les luttes, pas pour se substituer, mais pour apporter dans leurs luttes et revendications le poids de nos membres et de leurs capacités militantes. Pensons d’autre part que ces luttes ne se limitent pas à l’horizon québécois, Dans notre capitalisme globalisé, les avancées et les reculs de tous-et-chacun sont interreliées. Le fait que nos camarades états-uniens ont bloqué la fascisation à la Trump n’est pas rien, y compris pour nous ! Les luttes contre le pillage de la Pachamama en Amérique latine qui se confrontent à l’impérialisme made in Canada non plus. Avec toutes ces luttes, nous devons renforcer une pratique de solidarité et d’appui mutuel. Nous l’avons fait, mais nous devons être encore plus actifs, de sorte que l’internationalisme et l’altermondialisme prennent plus de place et impliquent l’ensemble de QS.
Pour soutenir ces actions, il faut des ressources importantes, plus en tout cas que ce qui a été le cas jusqu’à présent. Parlant ressources, le budget déposé au CN permet de comprendre un peu mieux la situation. Mais est-ce suffisant ? Des organisations qui sont vraiment commises à un fonctionnement plus transparent se dotent de mécanismes de suivi, par exemple à travers un comité du budget, dont le rôle n’est pas de « surveiller », mais de voir avec les responsables du parti ce qui peut être mieux géré pour atteindre nos objectifs. Sans accuser nos dix Solidaires de vouloir trop accaparer la démarche de QS, pensons à des mécanismes concrets de dialogue et de reddition de compte.
Si les choses se passent bien la semaine prochaine, le débat va faire avancer les choses autrement que par quelques déclarations de bonnes intentions. Pour cela, un conseil national fort et diversifié sera un atout, ce qui permettra d’éviter un fonctionnement un peu routinier qui aboutit souvent à la démobilisation. Il faut avouer, et ce n’est pas un complot, que la base de QS est en partie démobilisée en ce moment. Il y a l’effet COVID bien sûr, mais on ne peut pas tout mettre cela sur le dos de la pandémie, car déjà avant la catastrophe, on a observé des associations en panne de fonctionnement, le déclin du membership actif et une participation déclinante. Il arrive parfois que les associations ont l’impression d’être délaissées par la direction au lieu d’être des leviers de la mobilisation.
Cette décroissance n’est pas dramatique et on peut y remédier. Mais il ne faudra pas attendre trop longtemps. Une série de sondages récents indique la tendance à la baisse dans les appuis à QS. Pour contrer cela, il faut davantage reconnecter l’appareil aux lieux de mobilisation à la base. Ce n’est pas tout à fait normal que des membres actifs, notamment dans les commissions thématiques, se sentent en état de dépendance face aux employé-es et aux élu-es. La prise de décision ne peut être réservée à ce petit groupe alors que tous les autres sont « consultés ». L’appareil du parti n’appartient pas à ceux et celles qui sont là tous les jours. Dans la synthèse des propositions qui seront déposées au CN, Il y a plein de bonnes idées qui deviendront effectives et concrètes par l’implication de dizaines de milliers de personnes.
Pour terminer, l’appropriation du projet QS doit rester très large. Le secret du succès a été et reste cette coalition « arc-en-ciel » qui a réuni des tas de gens qui n’ont pas nécessairement la même idée sur tout. Cette force certes entraîne des difficultés, comme celle de trouver des consensus réels, stratégiques (et pas seulement des « accommodements » entre diverses positions). Il faut également que la coexistence conduise à des synthèses bien pensées, structurantes et unificatrices. Il y a dans QS des militants et des militantes de gauche résolus et leur apport est totalement nécessaire. J’espère qu’ils et elles vont continuer à s’investir. Ce qui ne veut pas dire, au contraire, se contenter d’être présents symboliquement, ou, à l’inverse, de se comporter comme des gérants d’estrade. Le renforcement des espaces bien pensés pour que cette gauche dans QS se concerte et soit en mesure de faire avancer la cause de tous et toutes est une bonne idée, tout en sachant qu’on (le « on » inclut celui qui parle) n’ont pas tout raison.
L’épopée de QS a pris une nouvelle et belle tournure en 2018. Le travail de fourmi, auquel de nombreux braves (Amir Khadir, Françoise David, Manon Massé, mon grand ami regretté François Cyr et tant d’autres), se sont acharnés, a permis cette percée, en ayant l’intelligence d’accueillir la génération de 2012. Comme cela arrive souvent, des partis qui avancent ont de la difficulté à gérer leur croissance, la présence quasi quotidienne dans les médias, le fonctionnement à travers les structures nébuleuses des appareils d’État. QS n’est pas le premier ni le dernier parti de gauche qui se retrouve confronté à de nouveaux défis.
Gagner des élections est un objectif noble et honorable, mais ce n’est pas la seule chose dont on doit se préoccuper. Dans une perspective de transformation, le pouvoir, le véritable pouvoir, s’acquiert en devenant un pôle de rassemblement dans la société. En construisant un mouvement populaire qui inspire tant par son intelligence politique que par sa capacité de fonctionner par et pour l’intérêt général. Pour cela, notre QS, notre force encore pleine de potentiel, doit s’améliorer avec patience, humilité et générosité. C’est ce qui fera la différence.
Un message, un commentaire ?