La Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution
Parmi les groupes qui s’opposeront, devant la Cour suprême du Canada, à la vision libérale des requérantes exigeant la décriminalisation totale de l’industrie du sexe (maisons closes et proxénétisme inclus) on retrouve la Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution dont nous sommes membres. Les sept organisations canadiennes qui la composent travaillent toutes auprès de et avec les femmes victimes de violence, de la traite des personnes, de l’exploitation sexuelle et de la prostitution et savent que, si la liberté est un droit fondamental, les droits à la sécurité et à l’égalité le sont tout autant et ils devraient primer sur le droit de commercer.
Modèle nordique VS décriminalisation totale
Ce que défendra la Coalition devant la Cour suprême du Canada n’est ni le statu quo proposé par les procureurs et organismes chrétiens ayant obtenus le statut d’intervenants, ni la décriminalisation totale souhaitée par les requérantes. Elle propose un système légal inspiré du modèle nordique, qui décriminalise les personnes prostituées et criminalise clients et proxénètes. Un tel modèle juridique reconnaît la nature exploitante et violente du système prostitueur et affirme qu’acheter ou vendre le corps de quelqu’un est criminel. Il s’accompagne de la décriminalisation des personnes prostituées afin d’assurer leur protection, leur droit de porter plainte et d’être indemnisées comme le sont les autres victimes d’actes criminels.
La Coalition ne se réclame d’aucune morale ou religion comme certaines personnes tentent de le laisser croire. Sa position politique et idéologique est basée sur l’expérience et la solidarité. Plusieurs pays, tels l’Allemagne et les Pays-Bas, ont tenté l’expérience de la décriminalisation totale et s’en mordent aujourd’hui les doigts. Ces pays ont vu le proxénétisme, le tourisme sexuel, la traite de même que la prostitution des mineurs augmenter sur leur territoire.
À l’inverse, les pays nordiques tels la Suède, la Norvège et l’Islande ont pris position en affirmant que la prostitution est une forme de violence faite aux femmes et que pour y mettre fin il importe de s’attaquer à la demande. Ces mesures ont eu pour effet de faire diminuer la traite de même que la prostitution de 50 à 75%. Des campagnes de sensibilisation visant les hommes ont été mises sur pied et des mesures de soutien à l’emploi pour les femmes désirant réintégrer le marché du travail sont venues compléter le programme.
L’heure des choix
C’est maintenant au tour du Canada de se prononcer sur le type de modèle juridique qu’il désire se donner pour encadrer l’industrie du sexe : un modèle axé sur le profit au point d’oublier les victimes ou un modèle égalitaire qui refuse de voir le corps des femmes comme un bien monnayable ? Il s’agit là d’une question qui touche toutes les personnes vivant au Canada et il est impératif pour le public, les médias et les éluEs de prendre position en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes et d’agir en solidarité envers les personnes victimes d’exploitation sexuelle.
Ghislaine Sirois, Directrice enjeux et contenu, Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (AoCVF)
Diane Matte, Organisatrice communautaire, Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)
Éliane Legault-Roy, Responsable des communications, Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)
Danièle Tessier, Agente de liaison et de développement au Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)