Tiré du site du CADTM.
Interventions africaines non officielles : Des technocrates aux panafricanistes
En dehors des officiels africains, des collectifs aussi se sont prononcés sur le sujet, avant (à partir de mars) et après la décision du G20. Non seulement concernant le présent de la pandémie, mais aussi à propos de ce qui a été couramment dénommé le « jour d’après », l’organisation possible du futur. Il n’est pas question ici de faire le tour de ces prises de position, mais d’en présenter quelques-unes, choisies en fonction de la notoriété des signataires, du rapport (non)établi avec d’autres aspects (capitalisme, écologie, post-Covid-19, etc.). En commençant par un appel de technocrates africain·e·s de la finance – en compagnie d’un grand capitaliste africain –, ayant publié « La dette de l’Afrique doit être allégée pour lui permettre de lutter contre le Covid-19 » [1].
Technocrates africain·e·s de la finance : d’un appel à l’autre
Il y est question, après avoir affirmé le soutien à « l’allègement bilatéral de la dette des pays à faible revenu » demandé par la Banque mondiale et le FMI, mais que le collectif souhaite étendu aux « pays à revenu moyen », de la demande d’« une suspension de deux ans du remboursement de toutes les dettes extérieures, qu’il s’agisse du paiement des intérêts ou de la dette elle-même » [2]. Une demande apparemment entendue par le FMI qui s’est mis à parler postérieurement d’« allègement [qui] pourrait être prolongé jusqu’à deux ans maximum, sous réserve de disponibilité des ressources du fonds fiduciaire ARA [assistance et riposte aux catastrophes] ». Soit, un peu plus que la décision prise par la réunion des financiers du G20. Ainsi, tout en la considérant dans un second texte comme « un bon début », le collectif (légèrement modifié) pense qu’« il faut faire plus et viser plus haut » [3]. Par exemple, en réitérant sa demande d’extension du moratoire, incluant aussi les États (Afrique du Sud, Algérie, Angola, Égypte, Libye, Maroc, Tunisie) que la Banque mondiale « considère qu’ils peuvent se financer sur les marchés » ; une plus grande participation des créanciers privés au moratoire ; plus de liquidités du FMI à disposition des banques centrales et des entreprises privées [4] ; une gestion transparente de ces ressources par les États, avec implication possible « des ONG et des sociétés spécialisées » – une gageure pour la “démocratie” en vigueur dans ces sociétés, surtout dans les « démocratures » ( “dictatures d’allure démocratique”, selon l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano) à l’instar de celles d’Afrique centrale. Toutefois, même ce « faire plus et viser plus haut » reste bien en dessous de l’annulation de la dette [5] qui, à titre de rappel, avait déjà été revendiquée, par exemple, par Macky Sall, chef d’un État sénégalais qui n’est pas le plus endetté, tout en étant en continuel endettement sans “développement” depuis 1960 [6]. De même que par l’Observatoire tunisien de l’Économie ayant appelé à « L’annulation de la dette et la mise à disposition de nouveaux financements. Et ce sans exiger de réformes politiques favorables aux marchés et axés sur l’austérité dans les pays en développement [7] ». Ce que ces IFI ne veulent pas faire : la succession de décaissements pour « aider le[s] pays à faire face à la pandémie de Covid-19 » s’accompagne généralement d’un appel à poursuivre, par la suite, les « mesures et réformes structurelles » ou, le cas échéant, à appliquer, dans un très proche avenir, l’accord encore soumis à « l’approbation de la direction du FMI et du Conseil d’Administration ».
Sans surprise, il n’est nullement question, dans les deux textes de ce collectif de technocrates, de sortir de la logique financière néolibérale dont le respect par les États est assuré principalement par les institutions de Bretton Woods. Même s’il y est affirmé que « les dirigeants des pays avancés, avec sagesse, ont déjà jeté aux orties toute notion d’orthodoxie financière et l’Afrique doit faire de même », il va de soi que non seulement comme disaient les Grecs/Grecques antiques « ce qui est permis à Jupiter ne l’est pas au bœuf ». Mais c’est aussi en attendant des jours meilleurs pour le si résilient capitalisme. La prétendue hétérodoxie financière des États capitalistes développés, eu égard au contenu du « faire plus et viser plus haut » est en fait une « hétérodoxie néolibérale » visant à sauver non seulement le capitalisme, mais aussi sa forme néo-libérale, tout comme le keynésianisme, en tant qu’hétérodoxie, devait (pour son théoricien, John Maynard Keynes, apparemment effrayé par la révolution socialiste de 1917 et le dynamisme du mouvement ouvrier en Europe, quasiment comme l’avait été avant lui concernant celui-ci, à la fin du 19e siècle, le chancelier Bismarck, initiateur de l’État capitaliste “social” ) et a eu à sauver le capitalisme dans une partie du 20e siècle. Telle est, d’ordinaire, la fonction de l’hétérodoxie : revitaliser l’orthodoxie menacée, ébranlée.
Par ailleurs, serait-ce inconsciemment qu’a disparu du second appel la mention des « travailleurs […] fragilisés », des « organisations populaires » ? Comme remplacée par le rappel que « la Tunisie ait été l’épicentre du Printemps arabe, avec les risques potentiels que cela implique, devrait être pris en considération », qu’il faut « éviter une déstabilisation politique et sociale ». Expression assez claire d’une certaine phobie des irruptions populaires dans l’espace politique, pouvant impacter l’ordre économique, voire prétendre à un changement fondamental (ainsi l’“accompagnement” par la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et le FMI de l’actuelle transition au Soudan – dont le Premier ministre, Abdalla Hamdok, appartient à ce sérail de la fonction publique internationale, plus proche du Capital que des administré·e·s). Par contre, l’insistance sur le rôle (moteur) du capital privé – le « suprématisme du secteur privé » (Naomi Klein, La stratégie du choc, 2007) – et l’aide à lui apporter étant conservée dans les deux textes.
En bonnes consciences capitalistes, ces technocrates n’ont pas jugé utile de consacrer rien que quelques lignes aux facteurs ayant favorisé le passage du virus de quelque animal à l’animal spécifique qu’est l’être humain, au contexte favorisant une telle pandémie et déterminant d’une certaine façon le futur de l’Afrique, de l’humanité. Comme s’il ne s’agissait que d’un phénomène biologique, exogène à l’économique, au stade néolibéral de la mondialisation capitaliste. Même si en même temps, certains économistes n’ont pas hésité à présenter, faussement [8], le virus comme la cause du “mauvais” vent ayant soufflé sur les bourses, voire de ce qui s’annonce, pourtant depuis quelque temps, comme une future crise économique. Mais, un Strive Masiwiya (capitaliste transnational, 19e rang des milliardaires africain·e·s), par exemple, pouvait-il partager la mention du facteur destruction de la forêt par le productivisme dans l’émergence des maladies zoonotiques (transmises par des animaux à cet autre animal qu’est l’humain, et vice versa) [9], des menaces virales qui pèsent actuellement sur les sociétés (selon des épidémiologistes), alors qu’il est président honoraire de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA, lancée par les fondations Ford et Gates, avec l’ex-secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, comme premier président), révolution verte qui ne s’est pas arrêtée ailleurs (Amérique dite latine, Asie) au seuil des forêts (dont le recul en Afrique s’est accéléré dans la dernière décennie, malgré le gel de certains projets de culture des palmiers à huile, si mangeuse d’espaces forestiers) [10] ?
Quant à l’« évidence [de] la nécessité de […] renforcer les systèmes de santé de l’Afrique », elle est énoncée sans avoir au préalable parlé des facteurs de la précarité actuelle de la santé publique, dont, évidemment, les programmes d’ajustement structurel néolibéral ou d’austérité, non seulement en Afrique, mais dans le monde, en général. Ainsi, après avoir organisé le sous-financement de la santé publique, sa précarisation, afin de rembourser la dette dans les années 1980-1990, le FMI et la Banque mondiale organisent maintenant la croissance de la dette des États africains afin d’atténuer les effets (nocifs) de ce sous-financement présenté auparavant comme un remède. Et ce n’est même pas assez probable que les États africains se trouvant dans une situation lamentable en matière d’infrastructures de santé publique, d’équipement et de personne, d’unités de production pharmaceutique locales, etc., s’orientent désormais vers une rectification de leurs politiques de santé publique. À un point tel que, par exemple, les dirigeants des États africains se mettraient à fréquenter les hôpitaux/centres de santé public de leurs propres pays, qu’ils méprisent d’ordinaire.
Sortir de cette assez fragmentaire et courte vue, ascientifique, aurait conduit ces technocrates à une critique, une mise en accusation du système dont elles/ils sont des technocrates, dont elles/ils profitent, et sont par conséquent attaché·e·s à sa perpétuation.
Capitalistes et intellectuel·le·s (altermondialistes inclus·es) « Plus fort[e]s ensemble »
Une critique du système qui est aussi évitée dans l’appel signé par une vingtaine d’intellectuel·le·s africain·e·s : « Coronavirus : Pour en sortir plus forts ensemble » [11]. Un appel adressé non plus aux décideurs politiques et de la finance internationale mais « à tous les intellectuels africains, aux chercheurs de toutes les disciplines, aux forces vives de nos pays, à rejoindre le combat contre la pandémie du Covid-19, nous éclairer de leurs réflexions, de leurs talents, nous enrichir des fruits de leurs recherches et tous de leurs propositions constructives ». Il n’y est pas question du fardeau de la dette, pourtant alors à la une, sinon sous-entendue dans « les initiatives multiples prises pour mobiliser des ressources financières suffisantes afin d’éviter que s’ajoute une crise économique majeure à la crise sanitaire annoncée sont à saluer ». Comme dans l’explication de la situation de la santé publique en Afrique : « il faut reconnaître pour s’en souvenir, l’effet catastrophique des décennies d’ajustement structurel sur la santé publique et l’offre sanitaire dans les pays africains ». Du passé, en quelque sorte. Alors qu’en 2019, Eurodad (European network on debt and development) constatait, à propos des programmes approuvés par le FMI en 2016 et 2017, qu’« In many countries, for instance Chad and Gabon, austerity measures have sparked cuts in the health sector, which has had a grave impact on health service delivery and health personnel. This has reduced access to health services for the population as out-of-pocket payments have increased [12] ». Ainsi, à la différence de l’appel des technocrates de la finance, il n’y a pas ici de prise de position explicite sur la question de l’allègement ou de l’annulation de la dette. Sans grande importance, peut-être. Ou par manque de consensus au sein du collectif de rédaction. Par exemple, des signataires comme Aminata Dramane Traoré et Demba Moussa Dembelé sont encore des figures de l’altermondialisme africain, des activistes du mouvement international pour l’annulation des dettes africaines [13]. À l’opposé de leur cosignataire Felwine Sarr [14] qui compte parmi les voix africaines s’étant ouvertement exprimées contre la revendication d’annulation ou d’allègement de la dette publique extérieure pour combattre la Covid-19 (voix individuelles, mais aussi officielles, à l’instar de l’État kenyan, ou de l’État béninois – faisant preuve, sous la présidence Talon, d’un certain zèle néolibéral – qui s’est publiquement opposé en la matière, dans la sous-région ouest-africaine, à l’État sénégalais).
Toutefois ces deux textes ont en commun de ne donner aucun éclairage sur les facteurs de la pandémie. C’est comme si, pour ces intellectuel·le·s aussi, est à considérer comme superflue l’esquisse d’une compréhension de cette pandémie, la connaissance de ses causes, afin de bien se préserver d’autres virus et épidémies possibles (considérées comme en “réserve”, selon des épidémiologistes et autres spécialistes) [15]. Serait-ce pour éviter la question des rapports de l’épidémie avec le capitalocène (ère géologique de manifestation d’une grande intensité des effets du Capital sur la nature) ou de la pandémie avec le néolibéralisme ? Ou serait-ce l’expression, au nom de quelque “épistémologie africaine”, d’une non-adhésion à cette hypothèse d’une zoonose particulièrement déterminée par le contexte économique, mais qui relèverait plutôt de la “science occidentale”, voire de l’idéologie marxiste supposée déterministe économiste ? Ainsi s’expliquerait, par exemple, le manque de rigueur ou déficit de l’attention exprimé par la surprenante confusion– de la part d’intellectuel·le·s très habiles d’ordinaire dans le maniement des notions/concepts – établie (déjà brocardée, par un bloggeur du journal en ligne Mediapart [16]), d’abord dès les premiers mots du dit appel, entre le nouveau virus corona (SRAS-CoV-2) et la maladie causée par ledit virus, corona virus disease 2019 (Covid-2019), ensuite dans l’avant-dernière phrase affirmant que la pandémie, Covid-19, est « éponyme » du nouveau virus corona, SRAS-CoV-2 ?
Par ailleurs, l’insistance, bien logique et à juste titre, sur la crise sanitaire s’accompagne de propos assez vagues sur les différents aspects abordés, cachant mal, entre autres, une non remise en question de la dynamique du mode de production économique qui, comme il est assez établi, n’est pas étrangère à l’émergence, au passage, des virus comme le SRAS-CoV-2, d’une espèce animale à l’autre, l’humaine en l’occurrence, à la si rapide propagation mondiale de Covid-19. Ainsi, s’il est affirmé savamment qu’« Il est temps de se rappeler que les périodes de basculement du monde ont toujours engendré un renouvellement paradigmatique, culturel et parfois civilisationnel pour ceux qui embrassent les exigences du changement », c’est juste après avoir dénoncé « La perpétuation d’un modèle d’économie de rente, fondé sur l’exportation de matières premières non transformées en attendant des recettes extérieures volatiles est suicidaire », après avoir déploré que l’Afrique n’ait pas encore trouvé « de réponse structurelle aux défis de son développement ». Le « renouvellement paradigmatique » ne concernerait-il que le « modèle d’économie de rente » [17] ? Dans ce cas la solution aux problèmes de l’Afrique résiderait tout simplement dans l’industrialisation (la transformation locale des matières premières), dans le “développement” – avec une dynamisation de l’économie de la culture, selon un des signataires [18], du numérique selon tel autre technocrate [19], un alliage de la tradition avec la quatrième révolution industrielle [20], voire un développement du basketball [21]. La nature capitaliste de ladite industrialisation, dudit développement, n’est pas énoncée, même si elle peut être sous-entendue. C’est comme si ces intellectuel·le·s, tout en ne demeurant pas, certes, au temps du triomphe de la « pensée unique » (années 1980-1990), semblent néanmoins attaché·e·s à l’idée de la « fin de l’histoire », c’est-à-dire l’inexistence de quelque autre horizon économique et social que celui fixé par la dynamique du Capital, l’impossibilité d’une organisation alternative de la production et de la répartition des biens. Dans un tel contexte, l’évitement, par les rédacteurs/rédactrices de l’appel, des termes exprimant le paradigme (économie capitaliste, capitalisme), paraît exprimer une adhésion idéologique au dit capitalisme, dont l’économie est davantage généralement présentée comme l’Économie [22] par une “science économique” s’avérant hostile au pluralisme (comme s’en sont plaint·e·s, par exemple, des étudiant·e·s, organisé·e·s en une Initiative Étudiante Internationale pour l’Économie Pluraliste) – caractéristique aussi bien des documents onusiens et leur développement sans prédicat que, presque autant, des « études africaines » en Europe et aux États-Unis d’Amérique [23]. Économie capitaliste censée, à en croire la logique des signataires de cet appel, produire, du fait de l’industrialisation (non problématisée, évidemment, même en cette période de crise écologique assez évidente), la fin des inégalités sociales, la justice sociale, le bien-être de tous/toutes, comme ce serait le cas partout ailleurs qu’en cette Afrique si peu industrialisée. Ainsi peut-on en dire que « Changement de modèle, de système, de paradigme… La grandiloquence des termes peut cacher une frilosité d’engagement, en évacuant le conflit social, les intérêts antagonistes et la perspective de la révolution sous un vocable s’autant plus général qu’il est nébuleux [24] ».
En effet, les signataires de cet appel ne sont pas intéressé·e·s, concernant le SRAS-CoV-2 et la Covid-19, par une critique du capitalisme. Celle-ci-ci n’étant pas à réduire à ce qui est d’ordinaire considéré comme étant des particularités de la phase néolibérale du capitalisme – comparativement à celles de l’hétérodoxie capitaliste dite fordo-keynésienne des Trente glorieuses, du Welfare State – fallacieusement présentées par certain·e·s de ses prétendu·e·s critiques comme des expressions d’un capitalisme dévoyé par la Finance. Ainsi, même un Sarkozy, alors président français, foncièrement anti-anticapitaliste, s’était permis une critique fragmentaire et éphémère du néolibéralisme pendant la crise de 2007-2008. C’est d’ailleurs cette critique pro-capitaliste du néolibéralisme, critique de ses dits « excès » – comme chez certains des signataires de l’appel – qui l’emporte, quantitativement parlant, sur celle résolument anticapitaliste. Alors que le néolibéralisme serait, à juste titre, à considérer comme un « pur capitalisme » : « le capitalisme contemporain tend vers un fonctionnement pur, en se débarrassant progressivement de toutes les “rigidités” qui pouvaient le réguler ou l’entraver. Il ne s’agit pas tant d’un retour à des formes historiques antérieures que d’une adéquation croissante à son concept… Il s’agit donc d’un capitalisme sans adjectif, même si l’expression capitalisme néo-libéral peut être commode pour désigner sa phase actuelle » [25] – les « rigidités » étant ce qui relevait de la parenthèse hétérodoxe, keynésienne, résumable par l’ “interventionnisme” économique de l’État contre la “main invisible du marché”, un “plein emploi”/ taux très bas de chômage, une espèce de compromis social entre le capital et le travail en matière de redistribution (grâce aussi aux luttes menées par les salarié·e·s).
Capitalisme contemporain dont le développement en Afrique a des activistes conséquents parmi les signataires de l’appel, à l’instar de Mamadou Koulibaly, Carlos Lopes, Lionel Zinsou [26]. En non-praticien·ne·s, mais passeurs idéologiques, il y a des intellectuel·le·s assez médiatisé·e·s, à l’instar de l’historien et politologue Achille Mbembe, pro-capitaliste “honteux” (comme les agnostiques étaient des « matérialistes honteux » pour Friedrich Engels), qui critique souvent certains aspects du néolibéralisme, ayant pu ainsi être classé ou se dire de gauche [27], mais considère l’Afrique comme « la dernière frontière du capitalisme [28] », tout en se demandant « quelle forme de capitalisme ? ». Interrogation qui est plutôt une clause de style, vu qu’au cours d’un entre soi pro-capitaliste au siège de la Banque africaine de développement (BAD) à Abidjan, il a eu à « insiste[r] sur la nécessité d’approfondir les réflexions sur la gestion des frontières africaines, ainsi que sur la possibilité de leur privatisation [29] » (au profit des sociétés militaires privées ?). Afin de favoriser la libre circulation des individus ? Car, hors les murs de la BAD, c’est un critique de l’existence des frontières en Afrique et de la politique (anti-)migratoire de l’Union européenne (« mur de Schengen »). Il semble que son opinion sur le sujet est en fonction des client·e·s. À l’instar aussi du philosophe Souleymane Bachir Diagne, ayant, par exemple, soutenu que dans l’enseignement supérieur sénégalais « le secteur privé jouera un rôle de plus en plus important. Une des recommandations c’est de faire en sorte qu’il puisse jouer ce rôle de manière à accueillir le maximum d’étudiants. On a donné une projection de 50 % [30] » … Il n’est pas exclu qu’en ces temps de pandémie ces deux intellectuels soient devenus des critiques du capitalisme, ne se limitant plus à une critique de certains aspects du néolibéralisme. Par exemple, le premier a parlé de réinvention de l’économie sur laquelle réfléchissaient des économistes africains, s’est demandé : « Est-ce qu’on peut continuer à vivre sur la base d’une économie basée sur le saccage de l’environnement ? Je ne le pense pas du tout », et a affirmé tout récemment que « nous devons inventer un modèle de développement absolument original […] il nous faut changer le modèle de croissance tout entier » [31]. Espérons que, de la part de ce théoricien ambigu de l’afropolitanisme, il ne s’agisse pas que du « capitalisme vert ».
Si encore cette union des activistes du capitalisme, des intellectuel·le·s réputé·e·s et des altermondialistes avéré·e·s (voire supposé·e·s anticapitalistes) se limitait au temps de la pandémie en Afrique comme phénomène sanitaire (dans l’acception courante). Mais, elle paraît s’intéresser aussi à l’au-delà du sanitaire, car il est question aussi bien de lutter contre le précariat : « Osons lutter ensemble contre la propagation du Covid-19 et osons vaincre ensemble le précariat mondial auquel donne naissance la pandémie éponyme », que d’une récupération platement adaptée du slogan – déjà assez vague – du mouvement altermondialiste : « Une autre Afrique est possible tout comme l’est une autre humanité dans laquelle la compassion, l’empathie, l’équité et la solidarité définiraient les sociétés. Ce qui pouvait ressembler jusqu’ ici à une utopie est entré dans l’espace des possibles ».
L’appel à lutter contre le précariat apparaît comme une pièce rapportée, vu qu’ont été oubliées le long du texte les conséquences sociales de l’état d’urgence sanitaire, du confinement, pour les damné·e·s des sociétés africaines, les victimes de la pandémie pérenne « Pochvid ». Par ailleurs, la mondialisation du précariat n’a pas attendu le SRAS-CoV-2, le développement de la précarité des emplois et des revenus, du précariat (une nouvelle classe sociale en formation selon Guy Standing, auteur de The Precariat. The new Dangerous Class, 2011 ; des nouveaux/nouvelles prolétaires, selon Sarah Abdelnour, auteure de Les nouveaux prolétaires, 2012) étant une des caractéristiques de la phase actuelle, néolibérale, de la mondialisation (la précarité étant évidemment bien plus ancienne, permanente dans l’odyssée du capitalisme, aussi sous d’autres formes). Par exemple, les délocalisations des entreprises, pendant les décennies 1980 et suivantes, ont, entre autres, favorisé l’existence de ce précariat (néolibéral) aussi bien dans les pays d’origine (généralement du capitalisme central traditionnel/du “Nord”) que dans les pays d’accueil des dites entreprises – qui ne sont pas situés que dans le “Sud Global” : par exemple, des États du Sud états-unien, où les droits des salarié·e·s sont très restreints, ont aussi reçu des entreprises délocalisées. En Afrique – en dehors de l’ampleur de l’économie dite informelle, assez caractéristique du capitalisme périphérique et caractérisée par une masse importante de précaires parmi ses animateurs/animatrices –, l’existence du précariat, comme produit, évidemment, de la précarisation (à travers la réforme des codes du travail – généralement en défaveur de la force de travail salariée, contre des “acquis sociaux”, des garanties sociales des décennies antérieures – au cours des années 1980-1990, de la première vague d’ajustement structurel néolibéral ; la pression exercée par les “investisseurs étrangers” à travers le rapport annuel Doing Business du Groupe de la Banque mondiale, etc.), a précédé [32] et accompagné la croissance du taux moyen du PIB africain, célébrée pendant la décennie 2010. Au cours de laquelle, contrairement aux promesses mensongères de ruissellement, les sociétés africaines sont devenues plus inégalitaires qu’auparavant : les riches le devenant davantage, se distanciant (socialement) davantage des pauvres, dont le nombre vivait aussi sa croissance. Pendant que dans les “classes moyennes” d’aucun·e·s – les “buppies” (black urban professionals) sud-africains et leurs semblables des secteurs de la finance et des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le reste de l’Afrique – prenaient l’ascenseur, croisant celles/ceux qui se retrouvaient dans le « descendeur social [33] ». Comme ces universitaires de certains pays africains qui deviennent taximen informels la nuit, afin de parer à la baisse de leur pouvoir d’achat. Ou ces diplômé·e·s de l’université qui se retrouvent devant un étal de marché, à vendre, par exemple, des “faux” médicaments. Un contexte académique, social, qui ne peut favoriser une grande mobilisation des « intellectuels africains […], chercheurs de toutes les disciplines » pour la connaissance et la lutte contre le SRAS-CoV-2 et la Covid-19, souhaitée, à juste titre, par les signataires de l’appel. Il s’agit en fait de manifestations africaines du phénomène mondial, découlant de la néolibéralisation, de précarisation dans le monde académique (dont certains aspects y favorisent une intervention du philanthrocapitalisme néolibéralisateur, à la conquête de l’“élite” africaine en formation) ainsi que de nombre de ses produits, la « fraction éduquée » du précariat, selon Guy Standing [34] (réalité que ne peuvent ignorer les universitaires signataires, parmi lesquel·le·s des cosmopolites, voire leurs co-signataires capitalistes). C’est de cette précarité dominante des emplois et des revenus dont il est question quand l’onusienne Organisation internationale du Travail/OIT se donne pour mandat, entre autres, le plaidoyer pour une “croissance inclusive” créatrice d’emplois décents dans le monde (un des “Objectifs du développement durable”). Avec une attention particulière pour l’Afrique, car celle-ci occupe traditionnellement la première place mondiale en matière de « travailleurs pauvres », de grave déficit dans la création d’emplois décents, malgré la croissance (« Les travailleurs pauvres continuent d’être très nombreux : près d’un tiers d’entre eux (32 pour cent) vivaient dans l’extrême pauvreté en 2018 et 22 pour cent dans une pauvreté modérée » selon l’OIT, soit « le taux d’emploi vulnérable le plus élevé (66 %) », selon la CEA, 2019). Sans toutefois, en bonne logique onusienne, de cette fonction publique internationale (bureaucratie du capitalisme international), que l’OIT (conciliatrice, par ailleurs, des intérêts des organisations patronales et des bureaucraties internationales des syndicats des salarié·e·s) se départe de la diffusion d’illusions sur la possibilité d’y parvenir sous le capitalisme, de surcroît néolibéralisé.
En fait, le SRAS-CoV-2 et la Covid-19 ne font qu’exacerber la précarisation, grossir les rangs du précariat africain, comme d’ailleurs, dont le développement ne peut pas, à la différence du virus et sa pandémie, bénéficier d’une large médiatisation qui pourrait susciter davantage de questionnement sur le système économique. Ainsi, la lutte contre la précarité ou la précarisation – et non pas, d’un point de vue de l’émancipation ou de la justice sociale, la lutte contre le précariat, en tant que « classe sociale en formation » (G. Standing) ou nouveaux/nouvelles prolétaires (S. Abdelnour) – ne peut pas porter que sur la précarisation liée au virus et à sa pandémie, mais devrait viser les mécanismes qui depuis quatre décennies ne cessent d’en étendre la normalisation. Ce qui, évidemment, ne peut pas intéresser les activistes du capitalisme co-signataires de l’appel, qui comptent, logiquement, parmi les bénéficiaires de la précarisation. La posture altermondialiste tardive, affichée dans la phrase citée ci-dessus, ne doit pas faire illusion [35].
Par ailleurs, l’appel ne souligne pas qu’une autre Afrique post-coloniale a toujours été possible, pendant les six décennies dites post-coloniales. Celle qui s’est réalisée, dans laquelle nous (sur)vivons n’étant que l’un des possibles, rendu effectif aux dépens d’autres possibles étouffés, combattus dès la transition au post-colonialisme, au néocolonialisme, par les administrations coloniales. Celles-ci ayant auparavant sélectionné, dans bon nombre de cas, par exemple dans les territoires français, les futurs « pères de l’indépendance » et consorts. Lesquels étoufferont à leur tour l’expression locale des possibles émancipateurs, avec souvent le soutien des ex-métropoles coloniales.
Quant à l’“autre Afrique possible”, voire l’“autre humanité possible” envisagée par cet appel, elle promet, par les principes censés la définir, hormis la solidarité, ne pas être émancipatrice, mais prolonger de façon réformée l’Afrique actuelle. Car une société se construisant pour l’émancipation ne peut avoir pour principe la compassion. Il ne s’agit pas, évidemment, de la compassion pour la collègue de travail ayant perdu son compagnon ou sa compagne, ou des voisin·e·s dont le champ de tubercules a été cambriolé, mais de la compassion pour des groupes humains, proches ou lointains, dans la souffrance (permanente ou passagère). Telle que l’illustrent l’activisme dit humanitaire, l’activité des pyromanes jouant les pompiers : associations (caritatives)/fondations des nouvelles dames patronnesses que deviennent les épouses des chefs d’État africains, des fondations philanthropiques aussi bien de capitalistes africain·es (de l’égyptienne Sawiris Foundation for Social Development à la sud-africaine Khayelitsha Motsepe Foundation Motsepe, en passant par la nigériane Rose of Sharon Foundation) que celles extra-africaines, mondialement réputées, etc. Toutes suppléant, selon leurs spécialisations, aux diverses carences des pouvoirs publics (favorisées aussi bien par le principe néolibéral de réduction du budget des secteurs sociaux que par la gestion prédatrice de l’argent public, celle-ci pouvant aussi alimenter les associations/fondations privées et clientélistes des premières dames africaines et consorts). Autrement dit, cette dite politique de la compassion est justifiée par des inégalités structurelles que les associations compatissantes ne peuvent vouloir qu’atténuer (comme le font depuis des siècles, la daya hindoue, la tsedaka juive, la charité chrétienne, la sadaqa musulmane, etc.), non pas éradiquer. L’action politique ne pouvant relever de la compassion, poser celle-ci comme l’un des principes de l’Afrique possible laisse entendre que l’éradication des inégalités structurelles ou des structures inégalitaires n’y sera pas à l’ordre du jour. Ce que renforce la référence à l’équité, non pas à l’égalité [36], devenue péjorativement connotée dans l’idéologie dominante néolibéralisée comme “égalitarisme”. L’“équité” étant assez en phase avec le capitalisme généralement, dans sa réalité néolibérale en l’occurrence, tout comme la compassion. Ainsi, le possible envisagé par cet appel risque de n’être qu’un altercapitalisme. Logiquement, point ne serait besoin de politique compassionnelle dans une société débarrassée du « suprématisme du secteur privé », concernant l’organisation de/et la production des biens ainsi que leur distribution, et ayant pour principes l’égalité, la justice sociale et la solidarité.
Précisons que cette référence-ci à la « solidarité » n’est pas à confondre avec celle qui est de mise dans la théorie de la négritude de Léopold Sédar Senghor (“père de l’indépendance” du Sénégal) et consorts – postulant une rationalité négro-africaine non-antagonique, contrairement à la supposée rationalité blanche/européenne antagonique, sur laquelle se fonderait, par exemple, la lutte des classes –, dont la traduction politique est la promesse (partagée par exemple par son pair kenyan, Jomo Kenyatta, “père de l’indépendance” du Kenya, ploutocrate avéré [37]) de “socialisme africain”. Celui-ci étant considéré comme une adaptation ou mise à jour (“moderne”) d’une supposée solidarité traditionnelle, entre autres, mais dont la concrétisation s’est plutôt avérée, au Sénégal, au Kenya et ailleurs, un masque du néocolonialisme (la gestion senghorienne de celui-ci ayant d’ailleurs abouti à l’un des tout premiers programmes d’ajustement structurel néolibéral en Afrique, ayant, semble-t-il, favorisé la démission du président chantre de la négritude). Sans néanmoins cesser d’exercer quelque influence sur des intellectuel·le·s (négro-)africains (si la solidarité n’est pas moins caractéristique des traditions rurales d’Afrique du Nord que de l’Afrique dite noire – dans la classification coloniale –, c’est plus à celle-ci que renvoie souvent le discours sur la “solidarité africaine” supposée essentiellement particulière), à l’instar des signataires de cet appel. En effet, leur conception de la solidarité exprime le différentialisme essentialisé de l’ethnologie coloniale, d’une certaine anthropologie post-coloniale, dépourvu de comparaison symétrique [38] (dans une double ignorance aussi bien de l’histoire sociale complexe des sociétés européennes – différente du récit bourgeois urbanocentré de l’Europe/Occident auquel se réfèrent aussi généralement les critiques de ladite Europe/Occident – que de celle des sociétés extra-européennes, dont les africaines, dans leur grande diversité, sur lesquelles nous ne nous étendrons pas ici). Ce malgré le racisme de ce différentialisme (fondant des qualités morales/intellectuelles – attribuées à des groupes humains différenciés plus par la couleur de la peau, jusqu’à les hiérarchiser “naturellement” – sur une biologie approximative, fantaisiste, déterminée par les rapports de domination/subordination, d’exploitation, en vue de leur reproduction). Ainsi, l’appel parle de « la solidarité dont elle [l’Afrique] possède les gènes » [39]. Autrement dit, la solidarité que les Africain·e·s ont dans leurs gènes. Comme l’affirmait le maître, L. S. Senghor : « Les vertus non seulement raciales, mais ethniques, nationales, se transmettent matériellement par les gènes des chromosomes [40] ».
Pourtant cette solidarité, supposée génétiquement transmise, n’a pas empêché que l’Afrique des deux dernières décennies, au moins, s’illustre non seulement par la croissance du PIB, celle supposée des classes moyennes [41], etc. (ce qui a fait croire à certains que « le temps de l’Afrique est arrivé [42] »), mais aussi par celle des inégalités sociales, des injustices diverses et variées. Dans l’une des deux premières économies africaines, par exemple : « According to Oxfam calculations, the amount of money that the richest Nigerian man can earn annually from his wealth is sufficient to lift 2 million people out of poverty [le nombre de pauvres est passé de 69 millions en 2004 à 112 millions en 2010] for one year. Lifting all Nigerian people living below the extreme poverty line of $1.90 [86,9 millions d’extrêmes pauvres en 2018, sur une population de 197 millions] out of poverty for one year will cost about $24 billion. This amount of money is just lower than the total wealth owned by five of the richest Nigerians in 2016, which was equal to $29.9 billion [43] ». C’est le genre d’inégalités (expression de, entre autres, l’exploitation, la surexploitation, la fraude fiscale qui impacte négativement la redistribution sociale, plutôt que d’une quelconque solidarité) contre lesquelles ces intellectuel·le·s n’ont pas, dans leur quasi-totalité, acquis la réputation d’être des activistes, rien que par la plume. Voire il y a comme un déni dans l’affirmation par l’un des signataires que « L’Afrique d’aujourd’hui, ce sont des classes moyennes, plus éduquées, qui se sont malgré tout développées et qui sont aussi un pouvoir d’achat [44] » (à moins que ce soit une coquille, on peut remarquer la préférence du philosophe pour “être un pouvoir d’achat” au lieu d’“avoir un pouvoir d’achat”). À l’image, peut-on ajouter, de la représentation courante des sociétés du capitalisme central traditionnel pendant leur période du supposé Welfare State, leurs dites “Trente Glorieuses”, cette étape importante de la modernisation écocidaire (productiviste, consumériste et polluante), de prétendue “moyennisation” sociale fortement intégratrice à l’ordre capitaliste. La supposée éducation, supérieure, consiste, de plus en plus, en Afrique aussi, en, entre autres, une préparation de ses produits à l’intégration dans cet ordre, comme membres des classes moyennes en effet, généralement dépourvues d’une culture de la solidarité avec les damné·e·s de la terre d’Afrique, de solidarité pour une Afrique, une humanité émancipée des inégalités et injustices sociales et environnementales. Que l’Afrique demeure peuplée majoritairement de pauvres ne relève pas de préjugés, d’une observation erronée de la réalité : « 60 pour cent de la population active sont encore “modérément” ou “extrêmement” pauvres » et « Quelque 82 % de la population du continent n’ont pas accès à la protection sociale » (document de la 14e Réunion régionale africaine de l’OIT, décembre 2019 [45]). Une réalité qui est déjà davantage dégradée par la Covid-19, y compris, d’ailleurs, au sein des classes moyennes, des « plus éduquées ».
Critiquer la domination de l’Afrique, par des puissances étrangères (États et firmes transnationales), ne signifie pas automatiquement être du côté des damné·e·s de la terre africain·e·s, encore généralement majoritaires, leur manifester de la solidarité dans les luttes pour l’émancipation. Le nationalisme africain ou panafricanisme pouvant aussi, voire surtout, relever des classes dirigeantes locales, du capital transnational africain (en plein essor ces derniers années), pour leurs propres intérêts avant tout, ainsi que ceux des intellectuel·le·s qui leur sont solidaires, de façon assumée ou “honteuse”. Ce que prouvent bien cinq décennies d’Afrique post-coloniale réunie dans l’Organisation de l’Union Africaine, puis dans l’Union Africaine.
Notes
[1] Il s’agit de Ngozi Okonjo-Iweala (ancienne numéro 2 de la Banque mondiale, ancienne ministre des Finances du Nigéria, membre de l’Africa Growth Initiative de la Brookings Institution, l’un des principaux think tanks de l’establishment états-unien) ; Brahima Sangafowa Coulibaly (directeur de l’Africa Growth Initiative, ancien économiste en chef de la Réserve fédérale des États-Unis d’Amérique), Tidjiane Thiam (ancien ministre du Plan et du Développement de la Côte d’Ivoire, membre du Council on Foreign Relations – un autre des think tanks majeurs de l’establishment états-unien –, ancien directeur général de la banque Crédit Suisse, membre de l’International Business Council du Forum économique mondial), Donald Kaberuka (ancien ministre des Finances du Rwanda, ancien président de la Banque africaine de développement), Vera Songwe (Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies et membre de l’Africa Growth Initiative, ancienne directrice des opérations à la Banque mondiale, etc.), Strive Masiwiya (fondateur de la transnationale des télécommunications Econet Global – active sur tous les continents –, président honoraire de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique/AGRA, etc.), Louise Mushikiwabo (Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie et ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda), Christina Duarte (ancienne consultante auprès de la Banque mondiale, ancienne vice-présidente de Citibank, ancienne ministre des Finances, de la Planification et de l’Administration publique du Cap-Vert).
[2] Ngozi Okonjo-Iweala, Brahima Coulibaly et alii, « La dette de l’Afrique doit être allégée pour lui permettre de lutter contre le Covid-19 », Project Syndicate, 9 avril 2020 (traduit de l’anglais par François Boisivon), https://www.project-syndicate.org/commentary/africa-needs-debt-relief-to-fight-covid19-by-ngozi-okonjo-iweala-and-brahima-coulibaly-2020-04/french.
[3] Ngozi Okonjo-Iweala, et alii (Christina Duarte est remplacée par Trevor Manuel, ancien ministre néolibéral des Finances de l’Afrique du Sud, sous la présidence de Nelson Mandela, puis de Thabo Mbeki. C’est l’un des quatre émissaires – avec Ngozi Okonjo-Iweala, Donald Kaberuka, Tidjane Thiam, – de l’UA, nommé·e·s par son président en exercice Cyril Ramaphosa, pour la mobilisation du soutien international à la lutte de l’Afrique contre les conséquences économiques du Covid-19), « Suspension de la dette de l’Afrique : un bon début, mais il faut faire plus », Jeune Afrique, 20 avril 2020, https://www.jeuneafrique.com/930853/economie/tribune-suspension-de-la-dette-de-lafrique-un-bon-debut-du-g20-mais-il-faut-faire-plus/.
[4] Attac/CADTM Maroc, « Non à l’utilisation de la pandémie de Coronavirus, pour plus de dette et d’austérité », 12 avril 2020, www.cadtm.org/Non-a-l-utilisation-de-la-pandemie-pour-plus-de-dette-et-d.
[5] Dans un entretien sur RFI, au lendemain de la décision de moratoire sur la dette, Tidjane Thiam a néanmoins affirmé qu’ « il va falloir envisager des remises ou des annulations de dettes », « Invité Afrique – Tidjane Thiam : “Ce moratoire apporte à l’Afrique les moyens d’agir rapidement », RFI, 16 avril 2020, http://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200416-tidjane-thiam-moratoire-dette-afrique-moyens-agir-covid-19.
[6] Ndongo Samba Sylla parle de « la stratégie innocemment suivie par le Sénégal depuis 1960 : un endettement continuel en monnaie étrangère qui est financé par un réendettement permanent en monnaie étrangère », N. S. Sylla, « Afrique : la dette contre la souveraineté », Alternatives économiques. 4 mai 2020. https://www.alternatives-economiques.fr/afrique-dette-contre-souverainete/00092519.
[7] Imen Zine, « OTE/Covid-19 : l’annulation des paiements du service de la dette extérieure est essentielle », L’Économiste maghrébin, 7 avril 2020, https://www.leconomistemaghrebin.com/2020/04/07/ote-covid-19-annulation-paiements-dette-essentielle/.
[8] Éric Toussaint, « La pandémie du capitalisme, le coronavirus et la crise économique », Inprecor, n° 672/673, mars-avril 2020, p. 7-11, http://www.inprecor.fr/article-La-pandémie-du-capitalisme,-le-coronavirus-et-la-crise-économique?id=2347.
[9] Robert Wallace, Alex Liebman, Luis Fernando Chaves, Rodrick Wallace, « Covid-19 and Circuits of Capital », Monthly Review, April 1, 2020, monthlyreview.org/2020/04/01/covid-19-and-circuits-of-capital, en traduction française : « Covid-19 et les routes du capital », Contretemps, 4 avril 2020, https://www.contretemps.eu/covid-19-routes-capital-wallace/. Cf. aussi, par exemple, Jérôme Baschet, « Qu’est-ce qu’il nous arrive ? Beaucoup de questions et quelques perspectives par temps de coronavirus », La voie du jaguar, 19 avril 2020, https://lavoiedujaguar.net/Qu-est-ce-qu-il-nous-arrive-Beaucoup-de-questions-et-quelques-perspectives-par ; African Centre for Biodiversity, « Coronavirus and the ecosystem », Amandla !, issue n° 69, april 2020, p. 24-25 ;
[10] Cf., par exemple, Grain, « Une nouvelle révolution verte pour l’Afrique ? », novembre 2007, http://www.grain.org/rapports/ ; Rémi Vilain, « La nouvelle révolution verte en Afrique subsaharienne. Vers un bouleversement des pratiques agricoles paysannes ? », CADTM, 28 décembre 2015, www.cadtm.org/La-nouvelle-revolution-verte-en-Afrique-subsaharienne-Partie-1-sur-2 ; Lena Bassermann, Mamadou Goïta, Jan Urhahn, Timothy Wise et alii, False Promises. The Alliance for a Green Revolution in Africa (AGRA), Bamako, Berlin, Cologne, Dar es Salaam, Johannesburg, Lusaka, Nairobi, June 2020 (les idées essentielles sont résumées en français par Timothy Wise, « Des fausses promesses : “la révolution verte en Afrique” échoue à ses propres conditions », A l’Encontre, 18 juillet 2020, http://alencontre.org/ecologie/de-fausses-promesses-la-revolution-verte-en-afrique-echoue-a-ses-propres-conditions.html.
[11] Publiée le 10 avril 2020 sur le site de Jeune Afrique, https://www.jeuneafrique.com. Les signataires sont : Kako Nubukpo, Alioune Sall, Reckya Madougou, Martial Ze Belinga, Felwine Sarr, Carlos Lopes, Cristina Duarte (signataire aussi du texte des technocrates de la finance), Achille Mbembe, Francis Akindès, Aminata Dramane Traore, Souleymane Bachir Diagne, Lionel Zinsou, Nadia Yala Kisukidi, Demba Moussa Dembélé, Franck Hermann Ekra, Alinah Segobye, Mamadou Koulibaly, Karim El Aynaoui, Mamadou Diouf, Hakim Ben Hammouda, Paulo Gomes, Carlos Cardoso, Gilles Yabi, Adebayo Olukoshi, Augustin Holl, Abdoulaye Bathily, Lalla Aicha Ben Barka, El Hadj Hamidou Kasse. Apparemment, il ne s’agit presque que de francophones, les Carlos Lopes, Adebayo Olukoshi, par exemple, bien que respectivement lusophone, anglophone, peuvent aussi par leur bilinguisme, au moins, être considérés comme tels.
[12] Gino Brunswijck, Unhealthy conditions. IMF loan conditionality and its impact on health financing, Eurodad (www.eurodad.org), Eurodad, 2019 p. 4, www.eurodad.org.
[13] Cf., par exemple de Demba Moussa Dembélé : « Dette africaine ou moratoire », 27 avril 2020, www.cadtm.org/Dette-africaine-moratoire-ou-annulation
[14] Selon F. Sarr : « certains États africains profitent de cette crise pour jouer sur ce que je nomme la politique de la compassion et demander l’annulation de leur dette. Or [sic], nous ne devrions pas tendre la main. Il faut changer de discours. Assumons nos dettes, payons-les, gérons-les comme il faut et arrêtons de venir quémander une annulation tous les vingt ans », Felwine Sarr, (propos recueillis par Oumy Diallo), « Les Européens s’inquiètent pour nous et nous nous inquiétons pour eux », TV5 Monde, 30 avril 2020, https://www.seneplus.com/societe/les-europeens-sinquietent-pour-nous-et-nous-nous-inquietons-pour. Son compagnon intellectuel, Achille Mbembe, s’est plutôt prononcé, sur sa page facebook, pour « l’abolition pure et simple de certaines dettes […] la suspension de certaines autres dans le cadre exceptionnel du Covid-19, le temps de relancer l’économie […] l’effacement des intérêts au titre de certaines dettes » (mais il appelle – les créanciers bilatéraux ? multilatéraux ? privés ? – à « arrêter d’accorder des crédits aux régimes corrompus et anti-démocratiques, et soumettre tout emprunt à un débat exhaustif qui engagerait les sociétés concernées, de la manière la plus transparente possible ») A. Mbembe, « Le jour d’après, le joug de la dette », publié par Seneplus, 15 avril 2014, https://www.seneplus.com/opinions/le-jour-dapres-le-joug-de-la-dette. Carlos Lopes aussi s’est plus d’une fois prononcé pour l’allègement du fardeau de la dette africaine.
[15] Cf., par exemple, Jean-François Guégan (Professeur-chercheur en santé publique, propos recueillis par Claire Legros), « Si nous ne changeons pas nos modes de vie, nous subirons des monstres autrement plus violents que ce coronavirus », Le Monde, 17 avril, 2020, https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/jean-francois-guegan-en-supprimant-les-forets-primaires-nous-sommes-en-train-de-debusquer-des-monstres_6036871_3232.html.
[16] « Dès la première ligne de leur tribune, ces penseurs apprennent aux africains que “Covid-19 est le nom scientifique du virus responsable d’une maladie respiratoire très contagieuse pouvant devenir mortelle” Euh, comment ça la covid-19 c’est le nom d’un virus ? […] Nos “intellectuels africains”, à défaut d’être des pointures en virologie, auraient pu faire preuve d’un peu plus de sérieux. Quand même, ce n’est pas parce qu’on s’adresse aux “africains”, qu’il faut les prendre pour des imbéciles finis… », Charles Kabango, « Les “intellectuels africains” s’expriment sur le coronavirus », 11 avril 2020, https://blogs.mediapart.fr/charles-kabango/blog/110420/les-intellectuels-africains-sexpriment-sur-le-coronavirus.
[17] Selon Felwine Sarr, « Dans le milieu des économistes, le débat tourne plutôt autour de la réorientation de nos économies. Comment les restructurer ? Les rendre moins dépendantes des matières premières ? Comment créer sur place des industries nous permettant d’atteindre l’auto-suffisance alimentaire ? », F. Sarr (propos recueillis par Oumy Diallo), op. cit.
[18] Martial Ze Belinga, « Économie de la culture en Afrique, une chance pour le développement ? », 7 décembre 2016, http://ideas4development.org/artisanat-africain-fabrique-asie/.
[19] Makhtar Diop (vice-président de la Banque mondiale), « La crise du coronavirus révèle cruellement l’inégale répartition des bienfaits de la technologie », Le Monde, 20 avril 2020, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/20/makhtar-diop-la-crise-du-coronavirus-revele-cruellement-l-inegale-repartition-des-bienfaits-de-la-technologie_6037181_3212.html.
[20] Tshilidzi Marwala, « The Rain Queen and Covid-19 – imagining a post-coronavirus future », Daily Maverick, 15 may 2020, https://www.dailymaverick.co.za/opinionista/2020-05-15-the-rain-queen-and-covid-19-imagining-a-post-coronavirus-future.
[21] Amadou Gallo Fall, « Le basket, un appui puissant pour le développement de l’Afrique », 31 janvier 2020, https://ideas4development.org/basket-appui-developpement-afrique/.
[22] Dans une acception apologétique, à la différence de l’acception négative d’ « économie » par celles et ceux qui demandent d’en sortir, à l’instar du réseau « sortir de l’économie » selon lequel l’économie « est une “technè”, un savoir-faire pour acquérir des “richesses” réduites à des richesses monétaires, à leur production et à leur accumulation dans des coffres, bref tout ce qui concerne les affaires d’argent, le négoce et l’entreprise », produisant pour la masse « une vie individuelle saucissonnée en des moments de travail-marchandise où l’on se vend, un échange marchand des produits de ce travail-là […] et la consommation solvabilisée des produits répondants aux besoins réels comme fictifs » (Clément, « Sur l’invention grecque du mot “économie” », Sortir de l’économie, n° 3, juin 2009, p. 7-10 ; http://sortirdeleconomie.ouvaton.org), autrement dit « l’“économicisation” du monde » initiée par le mercantilisme, le néolibéralisme étant « l’acmé de [cette] omnimarchandisation du monde », selon Serge Latouche, qui entend par l’après-économie « une société conviviale plurielle libérée de la religion de la croissance et de l’économie » (L’invention de l’économie, Paris, Albin Michel, 2005, p. 225-229). Cet après-économie serait un après-capitalisme écosocialiste…
[23] Deux universitaires ont constaté, après enquête, le quasi silence des African Studies en Europe et aux États-Unis d’Amérique sur le capitalisme comme économie des pays d’Afrique : Jörg Wiegratz et Nataliya Mykhalchenko, « The Great Lacuna : Capitalism in Africa », Roape.net, October 19, 2018, http://roape.net/2018/10/19/the-great-lacuna-capitalism-in-africa/.
[24] Frédéric Thomas, « Impératif de changement : Le Sud à la manœuvre », Alternatives Sud, vol. XXIII, n°3, 2016, https://www.cetri.be/Imperatif-de-changement-le-Sud-a ; cf. aussi, Dimitri M’Bama, « La critique aux temps du libéralisme, un outil de contrôle social ? », Lundi matin, 31 août 2020, https://lundi.am/La-critique-aux-temps-du-liberalisme-un-outil-de-controle-social.
[25] Michel Husson, Un pur capitalisme, Lausanne, Page deux, 2008, p. 9.
[26] Mamadou Koulibaly (ancien ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement d’union nationale de transition du général Guéi, en Côte d’Ivoire, ancien président de l’Assemblée nationale sous la présidence de Laurent Gbagbo, auteur de Le libéralisme, nouveau départ pour l’Afrique noire, 1992), Carlos Lopes (ancien secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, haut-représentant de l’Union Africaine aux négociations avec l’Union européenne pour l’après Accord de Cotonou, auteur de Africa in Transformation : Economic Development in the Age of Doubt, 2019) Lionel Zinsou (banquier d’affaires, ancien président du fonds d’investissements français PAI Partners, co-auteur avec, entre autres, Tidjane Thiam, du Rapport au ministre français de l’Économie et des Finances intitulé Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France dit Rapport Védrine, 2013, président de la Fondation Afrique-France pour la croissance, dernier Premier ministre du président béninois Boni Yayi, pui candidat malheureux à l’élection présidentielle béninoise de 2016).
[27] « Je ne suis pas anti-marxiste mais, travaillant sur le type d’existence qui est le nôtre, je pense que le marxisme a besoin d’un certain supplément », Achille Mbembe (entretien avec Joseph Confavreux), « Achille Mbembe : il n’y a pas de monde sans circulation libre des hommes », Mediapart, 19 octobre 2013, www.mediapart.fr.
[28] Achille Mbembe (propos recueillis par Christophe Ayad, Cyril Bensimon, Christophe Châtelot et Serge Michel), « Venez en Afrique, venez chez nous ! », Le Monde, hors-série : Afrique l’envol, janvier 2015, (p. 6-11), p. 10.
[29] Communiqué de presse de la Banque africaine de développement (repris quasi intégralement par d’autres journaux, du parisien La Tribune – https://afrique.latribune.fr au panafricain Financial Afrik – https://www.financialafrik.com), « À Abidjan, l’historien Achille Mbembe livre un vibrant plaidoyer pour l’intégration régionale en Afrique », 2 octobre 2017, https://www.afdb.org/fr/news-and-events/mbembe-makes-a-strong-case-for-african-integration-through-open-borders-17398/.
[30] Souleymane Bachir Diagne (propos recueillis par Abdoulaye Diallo et Seydou Ka), « Pr. Souleymane Bachir Diagne – “Il n’y a pas de privatisation rampante de l’université publique », Le Soleil, 9 avril 2013, http://fr.allafrica.com/stories/201304091395.html. C’était à l’issue des travaux de la Concertation nationale sur l’avenir de l’Enseignement supérieur, à la présidence de laquelle l’avait placé le président Macky Sall. (S. Bachir Diagne avait été le conseiller à l’Éducation nationale du président françafricain Abdou Diouf dont les mandats ont été caractérisés par, entre autres, le déclenchement du processus d’ajustement structurel néolibéral de l’École sénégalaise. Un connaisseur donc.) Cf. aussi, Ferloo, « UCAD [Université Cheikh Anta Diop] : Les étudiants déclarent Souleymane Bachir Diagne et le Recteur Saliou Ndiaye, persona non grata », Ferloo, 19 décembre 2013, http://www.ferloo.com/https://www.dakaractu.com/Remous-a-l-Universite-Cheick-Anta-Diop-Souleymane-Bachir-Diagne-declare-non-grata-par-les-etudiants_a57310.html.
[31] Respectivement, Achille Mbembe, « Invité Afrique – Coronavirus : “Chaque fois qu’il est question d’Afrique, c’est la catastrophe” », RFI, 22 avril 2020, https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200422-coronavirus-chaque-fois-il-est-question-d-afrique-c-est-la-catastrophe (cet entretien est antérieur à l’appel collectif) et Achille Mbembe (propos recueillis par Clarisse Juompan-Yakam et François Soudan), « La mémoire des luttes anticoloniales réveille des questions dérangeantes », Jeune Afrique, 29 août 2020, https://www.jeuneafrique.com/mag/1033801/culture/achille-mbembe-la-memoire-des-luttes-anticoloniales-reveille-des-questions-derangeantes.
[32] Pour une histoire de la précarité du travail en Afrique, du colonial au post-colonial, cf., par exemple, Franco Barchiesi, « Précarité africaine. Pour une généalogie et une critique », Multitudes, 201774, n° 69, p. 180-188, https://www.cairn.info/revue-multitudes-2017-4-page-180-htm.
[33] Bastien Bonnefous, « Le “descendeur social” des classes moyennes », Le Monde, 16 mai 2013, http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/05/16/le-descenseur-social-des-classes-moyennes_3260084_823448.html.
[34] Guy Standing, « The Precariat », Contexts, 2014 13 : 10 DOI : 10.1177/1536504214558209. Cf. aussi, par exemple, Collectif P.E.C.R.E.S. (Pour l’Étude des Conditions de travail dans la Recherche et l’Enseignement Supérieur), Recherche précarisée, recherche atomisée. Production et transmission des savoirs à l’heure de la précarisation (Paris, Raisons d’agir, 2011), selon lequel il y avait alors 24 % de précaires dans le personnel de l’enseignement supérieur et des établissements publics à caractère scientifique et technique à l’instar des réputés Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut de recherche pour le développement (IRD, anciennement ORSTOM, Office de la recherche scientifique et technique Outre-mer, 1953-1998), p. 141-145.
[35] En réponse à une question sur « tant d’Africains qui ne trouvent pas le travail chez eux », sous-entendu, obligés ainsi de migrer vers l’Europe, l’Amérique du Nord, Mbembe, répond par « Il faut en créer. L’Afrique nous oblige à repenser des catégories fondamentales. Ça veut dire quoi le travail ? À quel prix ? L’Afrique est un laboratoire des formes à venir [du travail, en l’occurrence], y compris en Occident. Le taux de chômage en France est de 10 % et il ne diminue pas : c’est ça le monde qui vient » (Achille Mbembe (propos recueillis par Christophe Ayad, Cyril Bensimon, Christophe Châtelot et Serge Michel), « Venez en Afrique, venez chez nous ! », p. 11). La redéfinition du travail, en le flexibilisant, en le précarisant, aussi grâce à une importante « armée industrielle de réserve » (K. Marx) désormais mondialisée – sous forme aussi bien de force de travail dite sans papiers que d’immigration sélective (« immigration choisie » selon Dominique de Villepin/Nicolas Sarkozy par l’État du pays de destination), à l’instar des médecins nord-africains en France (ancien·ne·s étudiant·e·s immigré·e·s) en situation d’infériorité statutaire par rapport à leurs collègues français, à diplôme semblable – telle est une des caractéristiques du néolibéralisme.
[36] Il y a cette formule lapidaire et très pertinente de la politologue française Noëlle Burgi-Golub pour distinguer l’usage qui en est fait par ceux qu’elle dénomme alors les « nouveaux idéologues » ou les « nouveaux réformateurs » (français) : « l’équité tente de trouver un équilibre entre égalité et inégalité », Noëlle Burgi-Golub. « Égalité, équité. Les catégories idéologiques des politiques publiques », Politix, vol. 9, n°34, 2e trimestre 1996, (p. 47-76), p. 76, https://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1996_num_9_34_1031 ; cf. aussi François Brune, « Ces mots qui font accepter l’inacceptable », Le Monde diplomatique, mai 1995, p. 28.
[38] Cf., par exemple, Paulin J. Hountondji, « Une pensée pré-personnelle », L’Homme, 2008, 185-186, http://journals.openedition.org/lhomme/24191, (p. 343-363), p. 353 ; Vasant Kaiwar, L’Orient postcolonial. Sur la « provincialisation » de l’Europe et la théorie postcoloniale, Paris, Syllepse, 2013 [traduit de l’anglais et présenté par Thierry Labica], p. 119 ; D’une part, dans L’Entr’aide. Un facteur de l’évolution (1906, 1938), le théoricien anarchiste Pierre Kropotkine a présenté l’universalité historique de la solidarité, aussi bien parmi les animaux que dans les sociétés humaines. D’autre part, selon l’anthropologue May Mandelbaum Edel, chez le peuple Ciga vivant sur les régions montagneuses du Rwanda septentrional et de l’Ouganda occidental, prévaut l’individualisme : « le groupe social le plus important est le ménage [household] », la « propriété est essentiellement individualiste », « dans ses transactions économiques le chef de ménage n’a pas à se soumettre à quelque autorité supérieure à la sienne », « donner peut impliquer la réciprocité, mais ce n’est pas une obligation. Les emprunts sont courants », « Il n’y a rien qui limite l’individu de faire ce qu’il veut de ce qui lui appartient », « en ce qui concerne la nourriture aussi, chaque ménage est une unité indépendante », « L’individu n’est pas forcé de participer à une entreprise communautaire », etc., cependant « Il n’était pas permis aux femmes de posséder des biens personnels » dans cette société de polygynique, extraits de M. M. Edel, « Property among the Ciga in Uganda », Journal of the International African Institute, Vol. 11, N° 3 (July, 1938), (p. 325-3419, p. 327, 328, 329, 341, https://www.jstor.org/stable/1155654.
[39] Nous n’insistons pas ici sur ce culturalisme (expression du complexe d’infériorité produit par le narcissisme du dominant bourgeois, européen, blanc – colon esclavagiste, colonialiste, néocolonialiste –, ayant été transfiguré en relativisme culturel, revivifié de nos jours, par exemple, par Felwine Sarr, les théoricien·ne·s de l’Ubuntu, voire par une certaine décolonialité acritique à l’égard des “traditions africaines” ou “valeurs africaines” dont certaines relèvent de l’invention par la colonisation, voire par la traite négrière) qui n’a pas fondamentalement gêné la reproduction du capital néocolonial, alimentant plutôt bien le néocolonialisme. Par exemple, des politiciens l’exploitent bien en transformant, au nom de supposées spécificités africaines, la commune appartenance ethnique ou régionale en clientélisme électoral en vue d’accéder au pouvoir, jusqu’à en arriver, parfois, à des conflits meurtriers dits “ethniques”/tribaux, en fait des manifestations aiguës de la concurrence entre fractions ethniques/régionales d’une même “classe politique”, d’une même classe sociale : la prédatrice au pouvoir et celles candidates à la gestion prédatrice (pour l’accumulation dite primitive du capital ou le contrôle autochtone de sa reproduction).
[40] L. S. Senghor, « Pour une relecture africaine de Marx et d’Engels », Éthiopiques, n° 5, janvier 1976, http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article1447.
[41] Jean Nanga, « À propos du boom des classes moyennes en Afrique », cadtm.org, 24 décembre 2014, https://cadtm.org/Quel-boom-des-classes-moyennes-en
[42] Nelson Mandela, « Africa’s Time has Come : The role of The United States In Aid and Development Efforts », communication faite à la Brookings Institution (un des principaux think tanks de l’establishment états-unien) le 16 mai 2005.
[43] Oxfam, Inequality in Nigeria. Exploring the drivers, may 2017, p. 4. cf. aussi du même Oxfam, la crise des inégalités en Afrique de l’Ouest, juillet 2019. Quelques intellectuel·le·s africain·e·s pourraient contester le mode d’évaluation de cette pauvreté, de cette extrême pauvreté, sur des critères monétaires, se référant à la consommation des produits-marchandises, mais n’intégrant pas la “chaleur familiale” parmi les critères …
[44] S. Bachir Diagne (propos recueillis par Rachida El Azzouzi), « Les pays du Nord ne connaissent pas l’Afrique », Mediapart, 17 mai 2020, https://www.mediapart.fr/journal/international/170520/souleymane-bachir-diagne-les-pays-du-nord-ne-connaissent-pas-l-Afrique.
[45] La situation est probablement pire, à en croire la critique de la mesure de la pauvreté par la Banque mondiale (servant de référence) faite dans le dernier rapport (en temps de Covid-19) publié par le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains (sortant), Philip Alston : The parlous state of poverty eradication, 2 juillet 2020, accessible par https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26046.
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