La chute de population affectera sérieusement le système d’éducation public
Saguenay, le 27 mai 2008. – « Le Saguenay–Lac-Saint-Jean a perdu 5,9 % de sa population de 1996 à 2007, passant de 290 466 à 273 434 personnes. Pour la même période, le poids démographique de la région dans l’ensemble a glissé de 4 % à 3,6 %. Et ce n’est malheureusement pas fini puisque d’ici 2026, le Saguenay–Lac-Saint-Jean devrait perdre encore au moins 11,6 % de sa population comparativement à 2001 pour chuter à 250 561 personnes. Le poids démographique de la région ne sera alors plus que 3,1 % de l’ensemble du Québec. Il est évident qu’une telle baisse démographique aura des impacts importants sur le système d’éducation public tant en termes d’effectif scolaire que du nombre de personnes à l’emploi des commissions scolaires. »
C’est en ces termes que le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), M. Réjean Parent, a commencé à dévoiler aujourd’hui en conférence de presse le portrait statistique de l’état de l’éducation publique dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. L’événement se situe dans le cadre de la campagne nationale lancée il y a quelques mois par la CSQ et intitulée les Rendez-vous CSQ de l’éducation 2008.
M. Parent était accompagné pour l’occasion par la vice-présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Mme Manon Bernard, par la présidente de la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ), Mme Marie Racine, ainsi que par la porte-parole régionale de la CSQ et présidente du Syndicat des intervenantes et intervenants de la santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ-CSQ), Mme Nathalie Savard, et par la présidente du Syndicat de l’enseignement du Saguenay (SES-CSQ), Mme Aline Beaudoin, également porte-parole régionale de la campagne.
Des jeunes de plus en plus rares
Le président de la CSQ soutient que ces changements démographiques sont d’autant plus de signes inquiétants pour le réseau régional d’éducation que les jeunes se font de plus en plus rares au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
« Entre 2001 et 2026, on observe une très forte décroissance du nombre de personnes de la tranche d’âge des 0 à 19 ans, avec une chute de – 17,4 % et de – 23 % pour la tranche d’âge des 25 à 64 ans. Pendant ce temps, la tranche d’âge des 65 ans et plus augmentera de 34,7 %. C’est clair qu’à ce rythme-là, les entreprises et les organismes de la région vont bientôt se retrouver en difficulté pour remplacer les emplois laissés vacants par le départ à la retraite des personnes actuellement en poste », prévient M. Réjean Parent.
Importante chute de l’effectif scolaire
Il va de soi que la situation démographique aura un impact direct sur le nombre de jeunes susceptibles de fréquenter les établissements d’enseignement de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
« En 2002-2003, 40 241 jeunes francophones de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaire fréquentaient les établissements d’enseignement de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) estime que d’ici 2021-2022, l’effectif scolaire devrait connaître une chute de 31,7 % et passer à plus de 27 467 jeunes. La baisse de l’effectif touchera aussi bien le présecondaire que le secondaire », explique M. Parent.
Le président de la CSQ ajoute que cette diminution de l’effectif scolaire fait d’autant plus mal qu’elle est largement supérieure à la moyenne provinciale. En effet, pour la seule période se situant entre 2003 et 2016, le Saguenay–Lac-Saint-Jean accusera une diminution de l’effectif scolaire de 20,3 % alors que la moyenne provinciale se situe à 11 %.
La situation au niveau collégial
Au niveau collégial, l’effectif a enregistré une forte baisse entre 2001 et 2006, alors que le nombre de jeunes inscrits dans les cégeps de la région est passé de 8 900 à 7 212, soit une chute de 18,9 %. La situation doit s’améliorer entre 2007 et 2009 pour entreprendre de nouveau un mouvement à la baisse à partir de 2009. L’effectif passera alors de 7 778 personnes en 2009 à 5 664 personnes en 2016, soit une chute de 27,2 %.
« Les cégeps et les centres d’études collégiales de la région seront touchés de manière variable. L’impact sera ressenti beaucoup plus fortement pour le Centre d’études collégiales de Chibougamau du Cégep de Saint-Félicien qui connaîtra une forte baisse de son effectif (– 55,5 %) entre 2001 et 2016, suivi par le Cégep de Chicoutimi (– 43,7 %) et le Cégep de Saint-Félicien (– 43,3 %). À l’inverse, le Centre québécois de formation aéronautique du Cégep de Chicoutimi connaîtra, pour sa part, une augmentation de 28 % de son effectif », rapporte M. Réjean Parent.
Les impacts sur le personnel de l’éducation
M. Parent poursuit en rappelant que la baisse de l’effectif a un impact sur le nombre de personnes à l’emploi des commissions scolaires. C’est ainsi que pour le personnel enseignant de la formation générale des jeunes, des adultes et de la formation professionnelle, des diminutions respectives de l’effectif de l’ordre de 11,3 %, 8,9 % et 9,12 % ont été enregistrées entre 2000 et 2007. Pour le personnel professionnel et de soutien, on a plutôt noté des hausses de l’ordre de 11,4 % et de 6,1 % respectivement.
On a observé également des variations de l’effectif pour certaines catégories d’emplois chez le personnel professionnel et de soutien. Entre 2000 et 2007, certaines catégories (orthopédagogue, psychoéducateur, ergothérapeute, physiothérapeute) du personnel professionnel connaissent une forte augmentation de l’ordre de 49 %. Une augmentation importante est également notée pour les techniciennes et les techniciens en éducation spécialisée (38,4 %).
Formation professionnelle et technique
D’autre part, il faut remarquer que malgré des hausses de l’effectif scolaire de la formation professionnelle pour l’ensemble du Québec depuis quelques années, deux régions ont connu une diminution de leur nombre d’élèves, c’est-à-dire le Saguenay–Lac-Saint-Jean et le Centre-du-Québec. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, le nombre de jeunes et adultes en formation est passé de 5 770 en 2004-2005 à 4 728 en 2006.
Concernant l’effectif étudiant de la formation technique, c’est une bonne nouvelle puisqu’il a connu une forte hausse entre 1996-1997 et 2003-2004, passant de 5 931 à 7 612 inscriptions, soit une augmentation de 22,1 %. « Cela constitue une bonne nouvelle pour la région compte tenu de la demande pour des travailleuses et des travailleurs possédant des compétences de niveau technique, c’est-à-dire correspondant à une formation de niveau collégial », précise M. Parent.
Éducation des adultes
Du côté de l’éducation des adultes, on remarque, entre 2000 et 2005, une baisse de fréquentation en formation générale des adultes dans deux commissions scolaires de la région, avec des diminutions de l’ordre de 15,7 % pour la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay et de 6,3 % pour celle De La Jonquière. Les commissions scolaires du Lac-Saint-Jean et du Pays-des-Bleuets connaissent, pour leur part, des hausses respectives de 5,6 % et de 1,4 %. De plus, certains services d’enseignement offerts aux adultes ont connu des baisses de fréquentation parfois importantes entre 2000 et 2005. Les services du présecondaire (– 56,5 %) et du secondaire 1er cycle (– 42,9 %) sont parmi ceux-là. Au contraire, les services d’intégration sociale et de francisation ont connu, pour leur part, des hausses respectives de 223 % et 164,2 %.
Décrochage et diplomation
La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean détient toujours le premier rang pour le plus bas taux de décrochage au Québec, malgré une légère hausse de 14,6 % à 14,9 % entre 2001-2002 et 2004-2005. De même, la situation de la diplomation avant 20 ans connaît des hauts et des bas bien que la région, à 74,1 %, connaît le deuxième meilleur taux du Québec.
Des conditions d’exercice qui se dégradent
Dans un autre ordre d’idées, le président de la CSQ mentionne que la dégradation des conditions d’exercice dans le secteur de l’éducation, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean comme ailleurs au Québec, est un phénomène très inquiétant.
« L’une des raisons qui expliquent cette situation chez les enseignantes et les enseignants est le taux d’intégration élevé des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) dans la classe ordinaire. Le personnel enseignant prend beaucoup de son temps pour donner de l’aide individuelle, car il y a trop d’élèves en retard. Il doit faire beaucoup de discipline, ce qui retarde l’enseignement. Les enseignantes et les enseignants admettent que la tâche est démesurée et qu’elle les épuise. D’ailleurs, sur la seule base des élèves handicapés, on peut remarquer que l’intégration en classe ordinaire était plus forte dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean (47 %) en 2005-2006 que la moyenne québécoise qui se situait à 39 %. Ce qui n’a aucun sens », commente M. Parent.
Détresse psychologique chez les professionnels
Le personnel professionnel est lui aussi aux prises avec des conditions de travail difficiles, comme l’a démontré une enquête menée par Angelo Soares portant sur les conditions d’exercice de cette catégorie de personnel.
« Dans les commissions scolaires de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour lesquelles des données sont disponibles, on dénote des signes de détresse psychologique chez le personnel professionnel dans des proportions de 35 % à la Commission scolaire De La Jonquière et de 33,3 % à celle des Rives-du-Saguenay. Il ne faut donc pas se surprendre qu’il soit devenu difficile, pour certaines catégories d’emplois, de trouver du personnel professionnel », déplore M. Parent.
Des professions à revaloriser
Le président de la CSQ conclut en mentionnant qu’il devient de plus en plus urgent que le gouvernement du Québec prenne les moyens qui s’imposent pour revaloriser les professions dans le secteur de l’éducation, en améliorant, entre autres, les conditions de travail.