Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Monde

Un Sud global revendicatif au Sommet de l’avenir

Le « Sommet de l’avenir » de l’ONU des 22-23 septembre à New York avait pour objectif de rétablir la confiance entre États dans un contexte de tensions géopolitiques exacerbées. Essentielle, la promotion d’une gouvernance des biens publics mondiaux ne pourra faire l’impasse sur les revendications du Sud global.

Un billet de François Polet, chargé d’étude au CETRI - Centre tricontinental. Le Centre tricontinental est un centre d’étude, de publication et de formation sur le développement, les rapports Nord-Sud, les enjeux de la mondialisation et les mouvements sociaux en Afrique, Asie et Amérique latine

23 septembre 2024 | Billet de Blog
https://blogs.mediapart.fr/cetri-centre-tricontinental/blog/230924/un-sud-global-revendicatif-au-sommet-de-l-avenir

On ne saurait exagérer l’importance des enjeux au centre du «  Sommet de l’avenir  » des Nations unies qui s’est ouvert ce dimanche à New York. Il s’agissait, ni plus ni moins, de restaurer la confiance entre les nations pour relancer la coopération internationale autour de défis planétaires existentiels – la crise environnementale, la promotion de la paix, l’éradication de la pauvreté – auxquels les États ne peuvent raisonnablement faire face en ordre dispersé. Lancée par le Secrétaire général en septembre 2021, l’initiative avait été dictée par le désolant spectacle de «  division   » et de «  fragmentation   » auquel la crise du covid et la course aux vaccins avaient donné lieu. Trois ans plus tard, c’est dans un contexte de rivalités géopolitiques exacerbées et de multipolarisation du monde que les États se sont assis autour d’une table pour «  trouver les moyens de collaborer en vue du bien commun  ».

Mais le rétablissement d’un multilatéralisme en prise avec la marche du monde ne pourra ignorer les attentes de plus en plus politisées d’un Sud désormais «  global  », qui entend faire de cet espace une chambre d’écho de ses revendications. «  Comme tout enfant qui grandit et mûrit, les habits que nous portions en 1945 ne nous vont plus  » déclarait quelques jours avant le Sommet le président brésilien pour souligner l’importance de la réforme de la gouvernance mondiale. Pour être efficaces et peser sur le cours des choses, les institutions internationales doivent avant tout être considérées comme légitimes par l’ensemble des États parties prenantes. Or l’architecture internationale contemporaine, du Conseil de sécurité au Fonds monétaire international, est héritière d’une conception oligarchique des relations entre États qui, certes, n’a jamais été démocratique, mais qui est désormais en déphasage complet avec les réalités démographiques et économiques Nord-Sud et, qui plus est, considérée incapable de juguler les crises financière, sécuritaire et environnementale globales.

Depuis l’invasion illégale de l’Irak et a fortiori après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, les expressions «  rules based order  » ou «  ordre international libéral  » brandies par les diplomates occidentaux contre la Russie ou l’Iran sont de plus en plus interprétées par les opinions publiques du Sud comme des formules en trompe l’œil, des injonctions à se plier à un ordre inéquitable, voire inique, régi non par la règle mais par le deux poids-deux mesures. «  Selon que vous serez puissant ou misérable…  ». C’est la raison pour laquelle nombre de gouvernements d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie insistent pour que l’Assemblée générale, l’organe où ils sont le plus justement représentés politiquement, soit le cœur du processus devant présider à la mise en chantier d’un multilatéralisme inclusif.

Les demandes du Sud global portent également sur des réformes du système économique et financier international devant garantir leur propre développement socioéconomique. Au nom du «  droit au développement  » - un principe adopté sous forme de déclaration en 1986 et longtemps resté dans l’ombre, que les gouvernements du Sud entendent réhabiliter et rendre contraignant dans les mois à venir. À l’heure où 144 pays pauvres consacrent plus de 40% de leurs dépenses au service de leur dette (The Guardian, 21 juillet 2024), l’instauration de mécanismes garantissant l’accès au financement du développement reposant sur une fiscalité internationale est une dimension centrale de cette revendication. De même que le soulèvement des obstacles (notamment environnementaux…) que les pays riches, jugés de plus en plus protectionnistes, mettent à la pénétration de leurs marchés par les exportations des pays en développement. Ou encore la fin des sanctions unilatérales qui affectent le «  droit au développement  » de peuples entiers.

En matière de transferts financiers, l’augmentation radicale de la contribution financière et technologique des pays riches à l’adaptation des pays pauvres au réchauffement climatique - et à la réparation des préjudices qu’ils subissent déjà de manière disproportionnée - constitue un autre front pour le Sud global, de plus en plus formulé sous l’angle de la «  dette écologique  » du Nord envers le Sud. Au nom du principe de «  responsabilités communes mais différenciées  » qu’ils poussent depuis le Sommet de la terre de Rio en 1992, les pays de ce qu’on appelait le tiers-monde refusent de sacrifier leur développement économique sur l’autel du climat et entendent dès lors faire reposer l’essentiel de l’ajustement environnemental sur les pays du Nord global.

Enfin les remises en question de l’hégémonie occidentale prennent de plus en plus une tonalité civilisationnelle, pour le plus grand plaisir et (pour partie) à l’instigation de la Russie et de la Chine. À cet égard, de nombreux signes – à commencer par les appels à revenir à l’esprit souverainiste de la Charte de 1945 – indiquent que la revitalisation du multilatéralisme ira nécessairement de pair avec une révision à la baisse de sa capacité à discipliner les États dans le domaine des valeurs, soit une diminution de certaines de ses ambitions universalistes… en vue d’une plus grande inclusion.

À lire également :
Le droit au développement dans la nouvelle géopolitique mondiale
BRICS+ : une perspective critique

Cour internationale de justice : l’enjeu du discours des droits humains dans les pays du Sud

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Le Monde

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...