Inprecor no 695-696 mars-avril 2022
Par Simon Pirani
La guerre défensive menée par l’Ukraine est à la fois une guerre étatique et une « guerre populaire ». À mon avis, la guerre menée par la Russie est une guerre impérialiste, ciblant de plus en plus la population. J’ai développé cela ailleurs (1). Dans ce texte, je me concentrerai sur les puissances occidentales et leurs relations avec la Russie et l’Ukraine ainsi que sur la crise profonde du capital qui les sous-tend.
Ces puissances occidentales ont imposé à la Russie des sanctions économiques massives et sans précédent. Leurs dirigeants ont déclaré à plusieurs reprises que, même s’ils fourniront des armes à l’Ukraine, ils craignent une escalade du conflit et refusent la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne. Ce refus a été dénoncé à plusieurs reprises par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le président russe Vladimir Poutine insiste, quant à lui, sur la menace que l’OTAN représente pour la Russie. Ses objectifs de guerre, tels qu’il les a déclarés, incluent la « démilitarisation » de l’Ukraine et la fin de « l’expansion de l’OTAN »
.
Dans le mouvement anti-guerre occidental, la question de l’expansion de l’OTAN se pose de deux manières.
• D’un côté, politiquement : les tendances post- ou proto-staliniennes, et d’autres qui soutiennent le Kremlin, non seulement acceptent que l’expansion de l’OTAN est une menace majeure (sans guère l’expliquer), mais soutiennent également que l’OTAN a une plus grande responsabilité que la Russie dans le déclenchement de la guerre (oui, vous avez bien lu). L’OTAN devient ainsi une cible politique au moins aussi importante que le Kremlin. J’ai écrit ailleurs sur ces arguments viciés et nocifs, et les socialistes ukrainiens y ont répondu (2).
• De l’autre, il existe une véritable peur que la guerre se répande au-delà des frontières de l’Ukraine entraînant l’implication militaire des puissances occidentales, ce qui causerait un désastre encore plus grand que celui qui affecte actuellement des millions d’Ukrainiens.
À mon avis, nous ne pouvons pas exclure la capacité du capitalisme à basculer dans cette voie, même si une analyse sereine de la situation suggère que c’est peu probable. Mais comment envisager cette possibilité terrifiante ? Je vois là une similitude avec les catastrophes sociales induites par le changement climatique. Il s’agit d’éventualités plausibles, mais qui pourraient être évitées par une action collective et sociale immédiate.
Afin de comprendre où se dirigent le capitalisme international, les puissances occidentales et la Russie, il est important d’analyser d’où ils viennent. Je commencerai par cela. Ensuite, j’aborderai la réalité de l’expansion de l’OTAN et les tendances plus larges dont elle fait partie. Et enfin je traiterai les éventuels débouchés et nos possibilités d’action collective.
Que s’est-il réellement passé ?
Au commencement étaient l’Union soviétique, les États-Unis et la (les) guerre(s) froide(s) des années 1950-1980. Deux puissances nucléaires se défiant l’une l’autre à travers le monde, selon les livres d’histoire. Pourtant, certains marxistes ont toujours su qu’il s’agissait, avant tout, d’un double système de contrôle social.
Aux États-Unis, la peur d’un ennemi lointain a été utilisée pour renforcer le contrôle social sur les travailleurs et travailleuses. En Europe, la « menace soviétique » étant plus proche, il était plus facile de s’apercevoir que le bloc de l’Est était loin d’être un paradis ouvrier. En URSS, le contrat social entre l’élite bureaucratique et les travailleuses/travailleurs, forgé après la Seconde Guerre mondiale, a également été renforcé par la présence d’un ennemi extérieur et la mobilisation idéologique contre lui. Dans tous les cas, la peur d’une guerre nucléaire et de ses conséquences avait la double fonction de soumettre les populations et de dissuader l’autre camp.
En 1986, dans une analyse de la guerre froide parue dans la revue marxiste Critique, Mick Cox écrivait : « Sans l’Union soviétique, la réhabilitation de l’ordre bourgeois à l’échelle mondiale aurait été impossible dans la période d’après-guerre. (…) Il ne s’agissait pas d’une simple trahison subjective de la révolution par l’URSS. Objectivement, l’Union soviétique est devenue un soutien indispensable de la position des États- Unis dans le monde, et le stalinisme une condition nécessaire à l’hégémonie bourgeoise dans l’après-guerre. » (3)
Évidemment, ce système de contrôle des populations n’était pas parfait, et, évidemment, il y avait des affrontements bien réels entre les puissances. Néanmoins, il y avait des limites. La guerre du Vietnam contre les États-Unis a tant duré du fait du caractère limité du soutien que lui ont apporté les élites soviétiques et chinoises, par exemple.
Dans les années 1980, alors que l’économie autarcique sous contrôle de l’État de l’Union soviétique se dirigeait vers l’effondrement, les populations d’Europe de l’Est, à commencer par le mouvement syndical indépendant polonais, ont exigé d’être libérées du joug soviétique. En 1989-91, avec l’effondrement du système soviétique, le système bipolaire de régulation internationale s’est effondré aussi. La réunification allemande a été un des premiers résultats qui a inquiété les dirigeants occidentaux.
L’expansion de l’hégémonie néolibérale dans l’espace post-soviétique ne s’est pas faite uniquement, ni même principalement, par le biais de l’OTAN. Les changements les plus dévastateurs ont été économiques.
À partir de la chute de l’Union soviétique (décembre 1991), la Russie et l’Ukraine ont été plongées dans la plus grande crise économique qui ait jamais existé en temps de paix. Des pans entiers de l’industrie, y compris une grande partie de l’industrie militaire, ont été mis au rebut. Les systèmes de protection sociale se sont effondrés. Les populations d’Europe de l’Est souffraient en outre de la pauvreté et du chômage.
En Russie et en Ukraine, le capital occidental n’a pas toujours saisi la propriété, ou essayé de le faire. Les industries russes des matières premières cruciales – pétrole, gaz, minéraux et métaux – ont été pour la plupart transférées aux mains de nouveaux groupes commerciaux nationaux. Tout comme l’acier, le charbon et les produits chimiques ukrainiens. La priorité de l’Occident était de briser la propriété de l’État et de détruire tout obstacle au fonctionnement des marchés. Même les banques, de manière générale, sont restées dans des mains locales.
La phase d’expansion de l’OTAN la plus importante a lieu durant cette première période post-soviétique. En 1999, la Hongrie, la Pologne et la Tchéquie l’ont rejoint et des plans d’adhésion ont été conclus avec la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et les trois États baltes, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie. Ils ont tous adhéré en 2004, et depuis il y a eu quatre adhésions de petits pays des Balkans (Albanie et Croatie en 2009, Monténégro en 2017 et Macédoine du Nord en 2020).
Un cliché récurrent du discours poutiniste est que ce processus a été conduit uniquement par les puissances occidentales. Il fait fi de la réalité, à savoir que les gouvernements des années 1990 de ces pays (qui ont tous eu l’expérience historique d’être envahis ou malmenés par la Russie, et certains d’être envahis par l’Allemagne ou des anciens empires du XIXe siècle, mais dont aucun n’a été envahi par les États-Unis) ont recherché une assurance contre le nouveau revanchisme russe. Certains d’entre eux peuvent maintenant se dire qu’ils ont eu raison (4).
Dans l’ancien espace soviétique, le capital ne cherchait pas seulement des adhésions à l’OTAN mais aussi à faciliter la livraison de matières premières, à pénétrer de nouveaux marchés de biens de consommation, etc. et il avait besoin de gouvernements capables de gérer le changement sociétal.
En Russie, le régime Eltsine des années 1990 s’en est mal sorti.
Lorsque Poutine a accédé au pouvoir en janvier 2000, son équipe (qui réunissait des professionnels de la politique économique néolibérale et d’anciens officiers des services de sécurité, plus puissants que les premiers) a rétabli un État russe fort, d’abord avec la seconde guerre tchétchène meurtrière, puis en disciplinant les entreprises et en les forçant à payer des impôts. Le prix du pétrole a augmenté presque dès le moment où Poutine a pris ses fonctions et a atteint des niveaux records en 2008. L’économie a prospéré, les entreprises publiques et privées russes ont accédé aux marchés financiers internationaux, les riches se sont encore enrichis et le niveau de vie des Russes ordinaires s’est remis du cauchemar des années 1990.
Quant à la géopolitique, malgré toutes leurs dénégations de diviser le monde en « sphères d’influence », les puissances de l’OTAN se sont servies de la Russie de Poutine comme gendarme pour contrôler certaines parties de l’ancien espace soviétique. Elles avaient une « guerre contre le terrorisme » à mener après le 11 septembre et les guerres en Irak, en Libye et en Afghanistan qui ont suivi, ainsi que la terreur saoudienne au Yémen. Cette politique a persisté non seulement jusqu’en 2014, lorsque l’annexion de la Crimée par le Kremlin a provoqué une réponse occidentale limitée, mais, pour l’essentiel, jusqu’au mois dernier.
En 2001-2003, l’OTAN a soutenu la guerre de la Russie contre la Tchétchénie. Lord George Robertson, alors secrétaire général de l’OTAN, a expliqué en 2002 (5) que le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, avait été « l’instigateur d’un incroyable nouveau rapprochement » qui avait « mis définitivement fin à la guerre froide et rapproché si étroitement l’OTAN et la Russie ». (Robertson, membre de ce parti politique suprêmement pro-OTAN, le Parti travailliste britannique, s’est mis en quatre pour défendre les multiples crimes de guerre russes en Tchétchénie lors de cette même conférence de presse.)
En 2008, les États-Unis ont poussé leurs alliés de l’OTAN à recruter la Géorgie, mais la France, l’Allemagne et d’autres s’y sont opposés. La Géorgie, sans cesse provoquée par l’empiétement russe et encouragée par les États-Unis, a déclenché une guerre dans laquelle elle a été rapidement vaincue. Mais en quelques semaines, l’attention des puissances occidentales était ailleurs : l’effondrement de la banque Bear Stearns aux États-Unis a déclenché le plus grand krach économique et financier depuis 1929.
La version poutinienne de l’impérialisme russe est née pendant le boom des prix du pétrole, mais a pris forme pendant le ralentissement économique qui a suivi le krach. Une fois que le prix du pétrole est reparti à la baisse et que la Russie est entrée en récession, l’habileté de Poutine à compenser la faiblesse économique sous-jacente de la Russie par la force militaire est devenue évidente.
Le ralentissement économique d’après 2008 a constitué la toile de fond du renversement en 2014 du président ukrainien, Viktor Ianoukovitch. Il avait hésité entre renforcer les liens avec la Russie ou se tourner vers l’UE. L’UE a proposé un accord d’association, mais le misérable programme de soutien qui l’accompagnait a laissé stupéfaits les responsables ukrainiens qui se sont alors tournés vers Moscou. Cela déclencha les manifestations qui devinrent quelques semaines plus tard la « révolution de Maïdan ».
Les analyses de ce processus mettent en lumière l’incompétence et l’indécision des puissances occidentales. L’historien économiste Adam Tooze concluait : « Au pire de la crise en 2008-2009, l’Occident s’est franchement montré négligent à l’égard de l’Europe de l’Est, malgré le fait que les discussions sur l’expansion de l’OTAN avaient mené à une guerre avec la Russie en Géorgie à peine quelques semaines avant le déclenchement de la crise en août 2008. (…) Puis, en 2013, l’UE a somnolé dans une confrontation avec Poutine à propos de l’Ukraine. Et tout cela à un moment où l’administration Obama poussait l’Accord de partenariat transpacifique, considéré à Pékin comme une stratégie agressive d’endiguement, et alors que le Japon et la Chine s’affrontaient à propos des îles Senkaku en mer de Chine orientale. » (6)
Cette image de l’Occident « négligent et somnolent » ne concorde guère avec le récit selon lequel l’expansion de l’OTAN a été le principal moteur de l’évolution des relations russo-occidentales. La réponse occidentale à l’attaque de la Russie contre l’Ukraine en 2014 non plus. Les sanctions n’étaient pas liées à son soutien aux gangs armés qui ont créé les « républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk, mais uniquement à l’annexion de la Crimée. Ils ont restreint le flux de financement vers les entreprises publiques et privées russes, mais se sont bien gardés d’avoir un impact sur les exportations de pétrole et de gaz.
La guerre de la Russie contre l’Ukraine à partir de 2014 était à la fois une aventure impériale visant l’État et un exercice de contrôle social. Le Kremlin craignait, à juste titre, que le renversement de Ianoukovitch puisse présager des agitations en Russie, où la baisse du niveau de vie et l’autoritarisme provoquaient déjà des réactions. Là aussi, Poutine a servi de gendarme au capital international, tout comme plus récemment avec ses interventions en Biélorussie (2020) et au Kazakhstan (cette année).
Après le Donbass, il y a eu l’intervention militaire de la Russie en Syrie à partir de 2015. C’est avec le soutien russe que le dictateur Bachar al-Assad a noyé dans le sang l’une des plus grandes révoltes populaires de ce siècle. Il est utile de rappeler les remarques de Leila al-Shami dans cette interview publiée pendant le siège d’Alep en décembre 2016 : « La grande avancée est menée par des milices chiites, qui rendent des comptes à l’Iran, et les bombardements aériens ont été effectués par les forces aériennes russes et syriennes. (…) Les principaux défenseurs de la ville sont les troupes de l’Armée syrienne libre, et maintenant elles sont devenues les cibles, avec les civils. Il est très clair que ce bain de sang et ce massacre absolu du peuple ne feront qu’accroître l’extrémisme. Les habitants d’Alep voulaient se débarrasser de la dictature et maintenant ils sont en train d’être annihilés. (…)
« La Russie cible systématiquement les hôpitaux et les infrastructures civiles. Non seulement au cours de cette récente escalade, mais depuis le début de son intervention. (…)
« Cette idée [avancée par les poutinistes du mouvement ouvrier occidental] d’intervention et de changement de régime soutenu par les étatsuniens est sans fondement. Parce que [le président étatsunien Barack] Obama a adopté une position isolationniste, il n’est pas intervenu pour renverser le régime d’Assad et il n’a jamais exigé la fin du régime. Il a exigé le départ d’Assad à un moment donné, mais l’idée était de maintenir le régime en place, une solution à la yéménite. Obama s’est opposé à armer les troupes de l’ASL, il a empêché d’autres pays de fournir les armes défensives dont ils ont besoin pour protéger les communautés des attaques aériennes, et il a de fait cédé la Syrie à la Russie, à un autre impérialisme sauvage, à la suite de l’attaque à l’arme chimique en Ghouta. (…)
« Le régime d’Assad aurait été renversé depuis longtemps s’il n’y avait pas eu les soutiens iranien et russe. Le régime était au bord de l’effondrement avant que l’Iran n’intervienne, puis il était à nouveau au bord de l’effondrement avant que la Russie n’intervienne. » (7)
Il n’y a pas eu d’expansion de l’OTAN. Il n’y a pas eu de réaction quand Assad, avec le soutien de la Russie, a franchi la « ligne rouge » qu’Obama avait annoncée sur l’utilisation des armes chimiques. Il y avait une division des sphères d’influence. Ce n’est qu’en février de cette année qu’elle s’est brisée.
L’expansion de l’OTAN et la crise du capital
Le 25 février, au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le socialiste ukrainien Taras Bilous a publié une percutante « Lettre de Kiev à la gauche occidentale » (8). Il y fait l’éloge de celles et ceux qui ont manifesté devant les ambassades russes et organisé d’autres types de soutien et il y dénonce « ceux qui ont imaginé “l’agression de l’OTAN en Ukraine” et étaient incapables de voir l’agression russe ». Il écrivait : « Combien de fois la gauche occidentale a-t-elle évoqué les promesses informelles des États-Unis à l’ancien président russe, Mikhaïl Gorbatchev, à propos de l’OTAN – “pas un pouce vers l’est”(9) – et combien de fois a-t-elle mentionné le mémorandum de Budapest de 1994 [en vertu duquel l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan ont renoncé aux armes nucléaires], qui garantit la souveraineté de l’Ukraine ? Combien de fois la gauche occidentale a-t-elle soutenu les “préoccupations légitimes en matière de sécurité” de la Russie, un État qui possède le deuxième plus grand arsenal nucléaire du monde ? Inversement, combien de fois a-t-elle rappelé les préoccupations en matière de sécurité de l’Ukraine, un État qui a dû échanger ses armes nucléaires, sous la pression des États-Unis et de la Russie, contre un bout de papier (le mémorandum de Budapest) que Poutine a définitivement piétiné en 2014 ? N’a-t-il jamais traversé l’esprit des critiques de gauche de l’OTAN que l’Ukraine est la principale victime des changements provoqués par l’expansion de l’OTAN ? »
J’ai échangé à propos de cette lettre avec un bon ami ; appelons-le Errol Duck. Il disait dans un e-mail que, pour saisir la réalité de l’expansion ou de la non-expansion de l’OTAN, nous devions comprendre plus clairement comment la gestion néolibérale du capitalisme a échoué. Pour le citer (avec sa permission) : « La question n’est-elle pas en réalité que la composante économique néolibérale du Nouvel Ordre Mondial n’a pas réussi à intégrer la Russie dans le système capitaliste mondial d’une manière qui la rendrait conforme aux normes édictées par le consensus de Washington ? À mon avis, l’origine de cet échec réside dans le fait que la thérapie de choc des années 1990 est allée beaucoup trop loin et que les bouleversements qu’elle a imposés à l’économie post-soviétique ont empêché un transfert des actifs de l’État aux nouvelles élites d’une manière qui puisse les rendre enclines à respecter les règles du marché. Au lieu de cela, le gangstérisme a prévalu, les vainqueurs cherchant à légitimer leurs gains en soutenant un dirigeant politique qui avait lui-même le soutien de la seule institution de l’État russe qui laissait espérer de la continuité, à savoir l’armée.
« Tout cela n’aurait guère préoccupé l’Occident (de nombreux régimes mafieux existent dans le monde) si la Russie n’avait pas une telle importance stratégique en Eurasie et de si vastes réserves d’énergie fossile. Tout cela a conduit à une étrange danse entre les élites occidentales et russes, qui sont passées d’un rapprochement impudique à la répulsion. Poutine ne se serait-il pas lassé de tout cela et, jugeant le moment présent comme un moment de faiblesse pour l’Europe et les États-Unis, n’aurait-il pas décidé de lancer les dés en espérant sortir vainqueur ?
« Le moment actuel montre que l’usage stratégique de l’OTAN par les puissances occidentales a fait partie du problème. L’OTAN a fonctionné comme le gros bâton, utilisé à chaque fois que les incitations économiques à se conformer ont échoué entretenant ainsi l’idée d’agression expansionniste. Mais cette stratégie très risquée qui repose finalement sur la crainte de la destruction mutuelle ne sert à rien quand il s’agit de défendre la démocratie et le droit à l’autodétermination nationale. »
À mon avis, il s’agit d’une bonne contribution pour expliquer comment les relations entre les puissances occidentales et la Russie ont évolué. Ma question est : aurait-il pu en être autrement ? Errol dit que les puissances occidentales n’ont pas réussi à intégrer la Russie d’une manière conforme au consensus de Washington. Mais cela n’a pas été faute d’avoir essayé.
Le FMI, la Banque mondiale et les institutions européennes telles que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ont vraiment essayé d’intégrer les marchés financiers russes et ukrainiens, et d’autres marchés ex-soviétiques, dans le système mondial. Ils ont essayé d’encourager le développement de marchés de consommation semblables à ceux de l’Europe occidentale. Ils ont essayé de réformer les aides non monétaires aux populations (par exemple, les services municipaux à bas prix et les services sociaux gratuits) selon les principes néolibéraux. Et ils ont fait quelques progrès, qui ont été balayés par la crise financière de 1998, puis à nouveau par la crise financière de 2008-09 et leurs répercussions.
Le gangstérisme, au sens restreint, n’était qu’une phase temporaire de la forme de capitalisme émergeant fondé sur la recherche de profit et à forte densité de milliardaires. Lorsque l’État russe s’est effondré au début des années 1990, la plupart des oligarques (10) ont certainement eu besoin de milices armées, souvent fournies par des gangsters, pour asseoir leurs droits de propriété. Avec Poutine, est apparu le gangstérisme dans un sens plus large : l’appareil répressif perfectionné à l’époque soviétique a été refaçonné pour discipliner à la fois le travail et le capital privé. Tout le développement du capitalisme rapace post-soviétique a été facilité par l’architecture financière mondialisée qui a permis la fuite des capitaux (la transformation des actifs en argent liquide et leur transfert vers des sites offshore). Ces nouveaux capitalistes ont été intégrés au système financier international, mais sans se conformer au consensus de Washington ni à aucune autre règle.
Dès que les entreprises russes, et certaines ukrainiennes, sont devenues très rentables entre 2002 et 2008, cette intégration a été très fructueuse. Certains capitaux ont même commencé à revenir de leur refuge offshore. La Russie n’a cependant pas réussi à échapper à la « malédiction des ressources » c’est-à-dire à une dépendance excessive à l’égard des bénéfices des exportations de matières premières conjuguée à l’absence de développement industriel local. Les règles financières néolibérales, comme l’opposition supposée des puissances occidentales à la « corruption », ont toujours été opportunistes et limitées, elles n’étaient pas un principe essentiel. L’apparence de légalité que les pays riches se donnent tout en passant des accords avec des États gendarmes ailleurs, n’est pas l’exception, elle est la règle.
Je reviens maintenant au point soulevé par Errol, à savoir que les stratégies militaires de l’impérialisme ne peuvent être comprises séparément de ses stratégies financières et politiques. L’OTAN est un système ; la Réserve fédérale des États-Unis, le FMI et d’autres institutions financières en sont un autre ; et les alliances politiques en sont encore un troisième. Loin d’être coordonnés, ou tout-puissants, ces systèmes n’ont pas réussi à intégrer la Russie post-soviétique et s’affolent maintenant pour rattraper leur retard.
J’irai plus loin et dirai que l’action coordonnée de ces systèmes, comme les principes économiques néolibéraux qui les fondent, est une chimère idéologique. Le mieux qu’ils peuvent faire, c’est la gestion de crise. La crise du capitalisme du XXIe siècle, son effrayante tendance inhérente à enrichir les riches et à appauvrir les pauvres, son incapacité à gérer efficacement la pandémie ou à faire face à la menace du réchauffement climatique : tout cela est la règle, pas l’exception. Le régime de Poutine, et la guerre qu’il mène actuellement, est une expression de la vraie nature du capital, et non pas une aberration.
La stratégie militaire des puissances occidentales, si on peut l’appeler ainsi, doit certainement s’inscrire dans ce contexte. Elles n’ont aucun problème avec les régimes mafieux et leurs crimes de guerre, que ce soit la Turquie au Kurdistan, l’Indonésie au Timor oriental ou l’Arabie saoudite au Yémen. Même dans le cas de la Serbie de Slobodan Milosevic, ils ont cherché à contenir, et non à empêcher, son massacre terroriste en Bosnie.
La Russie et la Chine sont différentes : des empires historiques avec leurs propres ambitions impériales. Aussi réelle qu’ait été l’opportunité d’intégrer plus efficacement la Russie dans les années 1990, elle ne s’est pas concrétisée. Cet échec est le résultat de la crise plus profonde du capital, l’attribuer au complexe militaro-industriel étatsunien et à l’expansion de l’OTAN est absurde.
Peu de temps après l’arrivée au pouvoir de Poutine, ce complexe a en effet déchaîné sa force, en Irak. Le Kremlin venait à peine de retrouver un peu de sa puissance, et seulement sur le territoire de la fédération de Russie (Tchétchénie). Après l’Irak, arriva le discours de Poutine à Munich, avertissant qu’il ne pouvait y avoir de « monde unipolaire » (2007), puis la guerre de Géorgie (2008). Ensuite, dans les années qui ont suivi la crise financière de 2008-2009, les puissances occidentales n’ont pas réussi à intégrer l’Ukraine : un péché d’omission (« négligent et somnolent ») selon Tooze, et non de commission (« expansion de l’OTAN »). Enfin la Syrie (2015-16, et après) où la Russie a supervisé une orgie de meurtres et de tortures pendant que les États-Unis se sont tenus à l’écart. Yassin al-haj Saleh, écrivain marxiste syrien, en a conclu : « Pourtant, il n’y a guère eu de voix en Occident pour condamner la guerre de Poutine en Syrie. Pourquoi ? En raison de la longue et criminelle “guerre contre le terrorisme”, qui a été au fondement d’une large coalition internationale contre les terroristes, c’est-à-dire les groupes islamiques nihilistes sunnites, où les États-Unis et l’Union européenne sont de facto alliés à la Russie, ainsi qu’à des types comme Assad, Abdel Fattah al-Sisi en Égypte, Mohammed ben Salmane en Arabie saoudite et Mohammed ben Zayed aux Émirats arabes unis et, bien sûr, à l’État d’apartheid israélien. » (11)
Cela était l’essence des relations russo-occidentales entre 2014 et le mois dernier. La Russie a été sanctionnée pour avoir annexé la Crimée, elle a été exclue du G8, mais son emprise sur l’est du Donbass via ses mandataires a été renforcée et elle a eu les mains libres en Syrie.
Réécrivant l’histoire de manière extraordinaire pour dépeindre la Russie et la Chine comme des victimes, Lindsey German, de la coalition Stop the War, affirme qu’elles « ont eu le sentiment d’avoir été dupées pour soutenir un changement de régime » après le bombardement occidental de la Libye en 2011. Selon German, l’exclusion du G8 a été un « coup dur pour Poutine », qui « est alors intervenu en Syrie pour démontrer que la Russie avait encore un rôle important à jouer à l’international » (12). Encore une fois, « l’autre » colonisé est dépossédé de toute subjectivité. La révolte syrienne, véritable cible de Poutine, n’existe tout simplement pas, et la guerre populaire actuelle en Ukraine non plus, à en juger par le site web de Stop the War.
L’approche unilatérale sur l’expansion de l’OTAN est pauvre politiquement pour la raison évidente qu’elle détourne de la responsabilité unilatérale du Kremlin dans l’assaut contre l’Ukraine. Mais elle est également pauvre analytiquement, car elle invisibilise les crises interdépendantes du système capitaliste et de son leadership néolibéral. Cette approche a plus à voir avec une théorie du complot déformée qu’avec une explication cohérente.
Ce qui va se passer ensuite
Quelle que soit l’issue de la guerre, les sphères d’influence seront redivisées. L’équilibre post-soviétique n’est plus d’actualité. Les mesures prises par les puissances occidentales contre la Russie devraient ruiner son économie pendant des années. Les sanctions, y compris contre la Banque centrale, sont de grande envergure, sans comparaison avec celles de 2014. Les plus grandes compagnies pétrolières occidentales quittent la Russie. La politique allemande a fait un virage à 180 degrés, pour armer l’Ukraine. La perspective de réductions draconiennes des achats de pétrole et de gaz est évoquée.
Il semble également inévitable que l’Europe centrale et orientale soit davantage militarisée, à la fois par l’expansion de l’OTAN (qui sera sûrement revigorée à la suite de la guerre russe en Ukraine), par exemple en Scandinavie et dans l’ouest des Balkans, mais aussi par le biais de nouvelles formations telles que la Joint Expeditionary Force (force expéditionnaire interarmées) défendue actuellement par le gouvernement britannique.
Les conséquences pour l’économie mondiale sont également lourdes, et c’est dans ce contexte que naissent les craintes d’une guerre généralisée.
Les éléments déclencheurs les plus plausibles ont été discutés dans la presse : utilisation par la Russie d’armes chimiques ou nucléaires tactiques, action militaire russe contre la Pologne ou d’autres pays membres de l’OTAN, erreurs de calcul ou de communication militaires. Je ne vais pas reprendre ces discussions ici. The Economist (édition du 19 mars) conclut à ce sujet : « Il est important de distinguer le risque relatif du risque absolu. Les risques d’une escalade du conflit conduisant à l’utilisation d’armes nucléaires en Europe sont plus élevés qu’à n’importe quel moment depuis 1962. Une telle issue n’est pas pour autant probable. Pour M. Poutine, aggraver la guerre au point de faire intervenir l’OTAN mènerait à une défaite décisive en Ukraine, et prévoir de conjurer cette défaite par des moyens nucléaires serait prendre le risque de représailles massives. »
Mais, ajoute The Economist : « les enjeux sont plus importants – peut-être existentiels – pour M. Poutine que pour ses adversaires occidentaux ».
Les menaces proférées publiquement entre la Russie et les puissances occidentales suggèrent que tout le monde sait où sont les limites. Ces puissances peuvent fournir des armes à l’Ukraine, la déclaration russe selon laquelle les convois les transportant sur le territoire ukrainien seraient des cibles légitimes ne change pas grand-chose sur le terrain. Les appels du gouvernement ukrainien à la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne ont été refusés. La presse spécule sur le fait que la Russie pourrait utiliser des armes chimiques pour pousser les puissances occidentales à réagir. Qui vivra verra.
Comment les mouvements sociaux et syndicaux peuvent-ils réagir à ces horreurs ? C’est une question immense, et je ne fournirai pas de réponse complète. Voici quelques réflexions à ce sujet.
Premièrement, nous devons nous fier aux méthodes par lesquelles notre potentiel peut être réalisé : l’organisation collective et la mobilisation au niveau des quartiers et des lieux de travail, à partir desquels nous pouvons former des réseaux de solidarité internationale. Ces méthodes sont d’ores et déjà utilisées par des milliers de militants pour soutenir des millions de réfugiés ukrainiens.
Deuxièmement, l’activité solidaire ne s’arrête pas à la frontière ukrainienne ou à la frontière russe. Il existe de nombreuses façons de soutenir les Ukrainiens, et de nombreuses organisations le font déjà. Nous pouvons également construire des liens avec le mouvement anti-guerre en Russie, comme le fait déjà le syndicat enseignant britannique NEU, par exemple.
Troisièmement, nous ne pouvons pas ignorer la résistance armée à l’invasion russe, l’action des Ukrainiens pour protéger leurs communautés. Nous devons être conscients des énormes dangers : les conflits militaires favorisent intrinsèquement les machines d’État et autres hiérarchies, et défavorisent les collectifs et les communautés. Il me semble que cela est une leçon de l’expérience syrienne. Néanmoins, notre mouvement doit soutenir nos amis ukrainiens qui rejoignent les unités de défense territoriale, et les jeunes du milieu antifasciste à travers l’Europe (des centaines, je crois) qui se rendent en Ukraine pour rejoindre la résistance contre la Russie.
Quatrièmement, en tant que mouvement, nous pouvons avoir des revendications vis-à-vis de notre propre gouvernement ou tout autre gouvernement, mais nous n’avons pas à jouer le jeu de résoudre les problèmes des politiciens capitalistes à leur place. Prenons l’appel pressant de l’Ukraine pour la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne. Je sais pourquoi de nombreux amis ukrainiens, dont les villes sont pulvérisées par les bombes russes, le soutiennent. Personnellement, cela me fait peur, car cela laisse entrevoir la perspective de l’élargissement du conflit, et j’aurais du mal à voter pour, bien que je soutienne la livraison d’armes à l’Ukraine dans les circonstances actuelles. Mais de toute évidence personne ne viendra me demander mon avis là-dessus.
Ce que je peux faire, et nous pouvons toutes et tous faire, c’est insister sur les mesures que notre gouvernement ignoble et opportuniste pourrait prendre, et dont il ne parle même pas : annuler la dette extérieure de l’Ukraine et lutter contre les paradis fiscaux, sans quoi les sanctions contre les oligarques russes auront toujours un effet limité. Et bien sûr, nous pouvons contester l’hypocrisie raciste à l’égard des réfugiés, comme le font déjà de nombreuses personnes et organisations.
Notre mouvement doit-il être entraîné dans des débats sur ce qu’il faut faire avec l’OTAN ? Paul Mason, le journaliste socialiste dont je partage souvent les dénonciations contre le poutinisme dans le mouvement ouvrier, répond oui. Il y voit une opportunité pour « reconcevoir l’OTAN comme une alliance uniquement défensive » et « démocratiser les appareils professionnels sécuritaire et militaire occidentaux dominés par la droite » (13). Pour moi, cela ressemble à une variante de la proposition social-démocrate classique de démocratiser l’État capitaliste ; variante qui a beaucoup moins de potentiel au XXIe siècle qu’elle n’en avait lorsqu’elle a été évoquée pour la première fois à la fin du XIXe.
Depuis une perspective opposée, la coalition Stop the War se concentre également sur l’OTAN. Onze députés travaillistes ont été menacés de mesures disciplinaires par le dirigeant travailliste Keir Starmer, pour avoir signé une déclaration de Stop the War qui réfutait l’idée que l’OTAN était une alliance défensive et l’appelait à « arrêter son expansion vers l’est et à s’engager dans un nouvel accord de sécurité pour l’Europe ». Mais la déclaration proposait une équivalence morale sordide entre la guerre défensive de l’Ukraine et l’agression du Kremlin (14). Elle commençait par s’opposer à « toute guerre contre l’Ukraine » et à appeler à un accord « qui reconnaisse le droit du peuple ukrainien à l’autodétermination et réponde aux préoccupations de sécurité de la Russie » (comme si ces deux choses se valaient).
Cinquièmement et pour finir, nous ne devons pas être paralysés par la peur de l’extension du conflit. De telles peurs ont été utilisées pendant les trente glorieuses, à la fois par la classe dirigeante étatsunienne et par l’élite soviétique, pour rendre les travailleuses et les travailleurs politiquement soumis. Aujourd’hui, alors que les compromis sociaux de l’après-guerre ont depuis longtemps été déchirés, la stratégie de la peur peut être tentée à nouveau, par des dirigeants de tous bords. Cette peur est aggravée par la menace du réchauffement climatique, qui, comme le danger nucléaire, plonge ses racines dans la crise capitaliste.
Les méthodes que nous avons pour résister : la solidarité, l’organisation, l’action collective, ont fait tomber des dictatures, ont transformé des sociétés et bouleversé le monde par le passé. Elles peuvent le faire à nouveau.
21 mars 2022
* Simon Pirani (entre 2011 et 2021 pseudonyme Gabriel Levy), chercheur et historien de l’énergie, anime le site web écosocialiste People and Nature (https://peopleandnature.wordpress.com).
< Il a récemment publié Burning Up, A Global History of Fossil Fuel Consumption, Pluto Press, London 2018.
Cet article a d’abord été publié par People and Nature (https://peopleandnature.wordpress.com/2022/03/21/ukraine-the-sources-of-danger-of-a-wider-war/), puis traduit en français par Elisa Moros et publié par Europe solidaire sans frontières <(http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61808)
.
NOTES
1. Par exemple : « Russia sacrifices economic goals for military aggression » (https://peopleandnature.wordpress.com/2022/02/28/russia-sacrifices-economic-goals-for-military-aggression/), « Workers activists call for solidarity against war » (https://peopleandnature.wordpress.com/2022/03/03/worker-activists-call-for-solidarity-against-war/), et « Putin’s war is the face of 21st century capitalism. A podcast » (https://soundcloud.com/user-737267994/episode-15-understanding-russia-today?utm_source=clipboard&utm_medium=text&utm_campaign=social_sharing)
2. par exemple Denys Pilash, Denys Gorbach, Nick Buxton, Shaun Matsheza, « We need a peoples’ solidarity with Ukraine and against war, not the fake solidarity of governements », Commons, 11 mars 2022 (https://commons.com.ua/en/we-need-peoples-solidarity-ukraine/) ; Volodymyr Artiukh, « US-plaining id not enough. To the Western left, on your and our mistakes », Commons, 1er mars 2022 (https://commons.com.ua/en/us-plaining-not-enough-on-your-and-our-mistakes/) ; Olsana Dutchak, Taras Bilous, Jan Ole Arps, « “The Left in the West must rethink” – a conversation with Taras Bilous, Commons, 13 mars 2022 (https://commons.com.ua/en/left-west-must-rethink/).
3. Mick Cox, « The Cold War as a System », Critique n° 17 (1986), pages 17-82 (ici page 36). L’article entier vaut d’être lu, comme beaucoup d’autres textes parus dans Critique dans les années 1970 et 1980, Hillel Ticktin, rédacteur en chef de Critique, a développé l’idée que l’Union soviétique était une des deux parties d’un système de contrôle social par le capital. On peut trouver une interview récente intéressante de lui ici : https://commons.com.ua/en/intervyu-z-gillelem-tiktinom/
4. Sur le site Web de la coalition Stop the War, Ted Galen Carpenter pointe (sans ironie) l’adhésion « provocatrice » des États baltes à l’OTAN comme un signe du « comportement de plus en plus intrusif de l’OTAN » à l’origine de la guerre actuelle. Ces états avaient non seulement fait partie de l’URSS, mais aussi fait « partie de l’empire de la Russie à l’époque tsariste », écrit-il, insinuant que la domination par la Russie est leur état naturel. Il serait difficile de trouver un meilleur exemple de discours centré sur les États-Unis qui nie toute subjectivité [rôle de sujet] à « l’autre » colonisé
5. Questions and Answers with NATO Secretary General, Lord Robertson : https://www.nato.int/docu/speech/2002/s021209c.htm
6. Adam Tooze, Crashed : how a decade of financial crises changed the world (Penguin Books, 2018), pages 611-612.
7. « Tyrants across the world know now they can maintain power through mass slaughter », interview de Leila al-Shami réalisée le 29 novembre 2016 par Ilya Matveev et Gabriel Levy, https://peopleandnature.wordpress.com/2016/12/16/tyrants-across-the-world-know-now-they-can-maintain-power-through-mass-slaughter/
8. Taras Bilous, « A letter to the Western Left from Kyiv », Open Democracy, 25 février 2022, https://www.opendemocracy.net/en/odr/a-letter-to-the-western-left-from-kyiv/
10. J’utilise le terme oligarque pour indiquer un homme d’affaires avec une influence politique dans les pays post-soviétiques (et je le fais depuis les années 1990). Il a été suggéré qu’il s’agit là d’un jugement moral normatif, et qu’on utilise le terme oligarque pour les businessmen russes alors qu’on ne le ferait pas pour Jeff Bezos ou Bill Gates. Ce n’est pas mon cas.
11. Yassin al-Haj Saleh, « Why Ukraine Is a Syrian Cause », Dawn, 4 mars 2022, https://dawnmena.org/why-ukraine-is-a-syrian-cause/
12. Lindsey German, « This changes everything », https://www.stopwar.org.uk/article/this-changes-everything/
13. Paul Mason, « Ukraine : Outlines of a Marxist position », https://paulmasonnews.medium.com/ukraine-outlines-of-a-marxist-position-8410859acfc7
Un message, un commentaire ?