Édition du 17 décembre 2024

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Paix

Menace nucléaire en Iran ?

Toxique propagande

Les médias ont reconnu avec regret avoir été victimes des mensonges et de la propagande qui ont précédé l’invasion américano-britannique de l’Irak et l’ont condamnée. Hélas, la leçon ne semble pas avoir été apprise : la propagande de l’heure veut que l’Iran soit une menace nucléaire, et elle marche à fond.

L’entreprise de fabrication de menace est si élaborée, si prégnante, que l’animateur d’une émission matinale radio-canadienne, habituellement mieux informée, se laisse aller à la plus grossière des déformations de propos : le président iranien aurait affirmé, selon lui, que l’Iran est maintenant « en possession de la technologie de la bombe atomique » (sic). Rien de plus faux bien sûr, car pour produire la bombe il faut enrichir l’uranium à plus de 70%, alors que Mahmoud Ahmadinejad a annoncé que l’Iran venait d’enrichir de l’uranium à 3.5%.

Mais à quoi bon répéter tout ça ? La propagande a déjà atteint un niveau franchement toxique. Difficile d’y résister quand le président iranien lui-même contribue à l’escalade. L’Iran affirme pourtant que son guide suprême -l’Ayatollah Khamenei qui, en dictateur omnipotent, détient l’essentiel du pouvoir en Iran - a émis en septembre 2004 une fatwa (édit religieux) interdisant la production, le stockage et l’utilisation de l’arme nucléaire.

Ruse peut-être, mais l’enflure verbale d’Ahmadinejad, déclarant qu’Israël « doit être rayé de la carte », semble taillée sur mesure pour faire le jeu des faucons sionistes et des artisans de leur politique au sein de l’administration américaine, qui cherchent à préparer l’opinion pour attaquer l’Iran comme ils l’ont fait avec succès pour l’Irak.

Contrer la propagande

Mais comment contrer le discours de propagande ? Comment rétablir une perspective qui tienne compte des intérêts du peuple iranien et de la paix ? Comment éviter le jeu de ceux pour qui une guerre aurait un effet salutaire - effet étrangement similaire pour des pouvoirs en mal de légitimité à la fois à Washington et à Téhéran ?

Rappeler quelques faits et rétablir la vérité serait, peut-être, un début :

1- Il appartient au peuple iranien de décider quel type de société il veut se choisir ; quels sont ses besoins notamment en matière d’énergie et comment il veut utiliser ses ressources -dont ses réserves d’uranium- en fonction de priorités qu’il aura établies. Cela s’appelle la souveraineté. Bien évidemment, le peuple iranien n’a pas été consulté par le régime théocratique pour choisir la technolologie nucléaire pour sa production d’électricité. Mais le choix du nucléaire, s’il peut être discutable par rapport à l’énergie éolienne ou solaire (les capacités hydroélectriques de l’Iran sont très faibles), est tout de même un choix légitime que le peuple iranien pourrait faire s’il le juge nécessaire ou s’il veut retirer d’autres bénéfices de son gaz naturel et du pétrole, au lieu de le brûler et de polluer pour produire (au total 83%) de son électricité.

2- Alors que la menace nucléaire militaire du régime iranien est plus qu’hypothétique et encore très lointaine, selon les scénarios les plus pessimistes, ce régime menace et brime la sécurité de son propre peuple tous les jours. Arrestation d’ouvriers réclamant leur salaire, enlèvements et meurtres en série d’opposants et d’intellectuels laïcs, interdiction des journaux indépendants, saccage des campus universitaires et répression des rassemblements pacifiques sont le lot quotidien de la population iranienne. Le peuple iranien ne peut lutter efficacement pour conquérir sa liberté que si les É.U. et leurs alliés cessent la menace extérieure qui sert si bien le discours des conservateurs au pouvoir, qui l’entretiennent et s’en servent habilement pour mater l’opposition.

3- La résolution des conflits —aujourd’hui menée à coups de bombardements et d’invasions— peut se faire par des moyens pacifiques. L’Iran, même dominé par les mollahs, n’a pas enfreint les exigences du Traité de non prolifération nucléaire (TNP) dont il est signataire. Les soupçons sur ses intentions nucléaires sont uniquement motivés par le fait que l’Iran a développé ses installations civiles dans le secret et attendu à la limite légale des délais prescrits pour en aviser l’AIEA. Qui peut honnêtement le lui reprocher quand on sait ce que les bombardiers israéliens ont fait de la centrale civile irakienne d’Osirak dans les années 80s ?

4- Le peuple iranien a besoin de la solidarité internationale pour renverser une élite économique et religieuse corrompue. Toute sanction touchant la population qui émanerait du Conseil de sécurité, sur le modèle des sanctions économiques imposées à l’Irak, finirait par compromettre définitivement la crédibilité de l’ONU aux yeux des populations de la région et d’une grande partie du monde. Car si dans le cas de l’Irak, le Conseil de sécurité peut aujourd’hui plaider l’erreur ou la manipulation du couple américano-britannique, personne ne lui pardonnera cependant de répéter la même erreur.

Pour le moment, les événements n’augurent rien de bon pour le peuple iranien. Rien non plus pour la paix régionale - enfin le peu qu’il en reste quand on pense aux opérations meurtrières de l’armée américaine et de ses alliés (dont le Canada) - contre les Afghans, les Palestiniens, les Irakiens et j’en passe. Rien qu’un immense effroi et la révoltante perspective de voir les É.U. bombarder l’Iran avec des « petites bombes » nucléaires !

L’auteur s’exprime ici en son nom personnel.
17 avril 2005

Mots-clés : Iran Paix

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