Considérant le temps qu’une personne passe au travail et les liens qu’elle y développe, il devenait urgent d’impliquer davantage les milieux de travail dans la lutte contre la violence conjugale. Employeurs, collègues de travail, syndicats : tous ont un rôle important à jouer pour reconnaître les signes et référer les victimes vers des ressources spécialisées. « La violence conjugale ne s’arrête pas au seuil de la maison. Par de multiples moyens, le conjoint violent va poursuivre son harcèlement jusque sur le lieu de travail de sa conjointe. Il peut la suivre le matin ou l’attendre à la sortie du travail pour surveiller son emploi du temps, la texter ou l’appeler des dizaines de fois par jour, l’épier par les fenêtres... » souligne Mathilde Trou, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement. « L’ajout de cette nouvelle obligation permettra de créer un filet de sécurité supplémentaire autour des victimes » précise-t-elle.
Le Regroupement souligne toutefois que, pour être réellement efficace, cette obligation devra être accompagnée d’autres mesures. À ce titre, il recommande que cette obligation inclue également l’élaboration d’une politique de prévention en matière de violence conjugale, à l’image de ce qui est exigé pour prévenir le harcèlement. Ces dispositions pourraient inclure une procédure détaillant les mesures à suivre si une employée dévoile sa situation, un protocole pour assurer sa sécurité ou encore des mesures aidantes pour les victimes (congés appropriés, confidentialité des renseignements transmis, mécanismes de suspension des mesures disciplinaires, etc.). Des mécanismes de surveillance quant à l’application de ces obligations devraient aussi être prévus par le projet de loi, afin de s’assurer de la proactivité des employeurs dans ce domaine.
« Il faut bien comprendre que ces actes de violence ont non seulement un impact sur la victime mais aussi sur les autres travailleurs et travailleuses de l’organisation » explique Mathilde Trou. « L’employeur, en créant un milieu de travail sécuritaire et aidant pour ses employées victimes de violence conjugale, vient soutenir toute son organisation. Il est aussi très important de rappeler que conserver son emploi est un des facteurs clé pour les femmes violentées dans leur décision de quitter un conjoint violent », ajoute-t-elle.
Actif depuis quelques années sur la problématique de la violence conjugale en milieu de travail, le Regroupement souligne que ses maisons d’aide et d’hébergement ont toute l’expertise nécessaire pour soutenir les employeurs et les syndicats sur cette question. C’est dans ce but que le Regroupement a lancé il y a deux ans sa campagne Milieux de travail alliés contre la violence conjugale. Une trousse de sensibilisation sur l’impact de la violence conjugale en milieu de travail et d’information sur les gestes qu’ils peuvent poser a été envoyée à près de 2 000 employeurs et syndicats québécois. À cet égard, nos intervenantes peuvent offrir des formations sur la problématique ou conseiller les employeurs sur les actions aidantes à mettre en œuvre et les outils à développer : politique de congés appropriés, procédure en cas de dévoilement, mesures d’accommodement, procédures d’évaluation des risques d’homicide, protocoles de sécurité, etc. Les employeurs ou toute autre personne du milieu de travail peuvent aussi directement appeler dans une maison en cas de questionnements ou de doutes sur ce que vit une collègue.
« Nous venons de bénéficier d’une subvention du Secrétariat à la condition féminine pour poursuivre et intensifier notre campagne dans les trois années à venir. Cela va nous permettre de développer de nouveaux outils et conférences de sensibilisation pour soutenir les employeurs dans la mise en œuvre de cette nouvelle obligation, si elle est adoptée. Nos outils seront personnalisés et adaptés à la réalité des différents milieux de travail québécois », indique Mathilde Trou.
De par sa mission d’éducation, de sensibilisation et d’action, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale contribue à faire évoluer les lois et les politiques afin de rendre plus adéquates les mesures de protection pour les femmes et enfants victimes de violence conjugale. Dans une perspective de prévention, il déploie un éventail de stratégies pour aider tous les acteurs de la société québécoise à mieux comprendre, dépister et agir en matière de violence conjugale. En 2019-2020, ses 43 maisons membres ont hébergé près de 2 600 femmes et plus de 2 100 enfants. C’est sans compter les femmes et les enfants qui ont reçu plus de 17 700 services autres que l’hébergement (consultations externes, accompagnement dans les démarches, suivi post-hébergement, etc.).
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