« Sous le couvert d’éviter de "prendre en otage" la population, le gouvernement met en place un cadre législatif permettant de décréter, à toute fin pratique, une loi spéciale sans en porter le nom. Le projet de loi 89 est une attaque frontale contre la liberté d’association et le droit de grève, pourtant reconnus par les chartes et les conventions internationales auxquelles le Canada adhère », résume Luc Vachon, président de la CSD
Un projet de loi flou et dangereux
Le projet de loi 89 introduit une notion opportuniste que la CSD qualifie d’extrêmement vague et non définie : les services assurant le « bien-être » de la population. Contrairement à la notion de services essentiels, qui doit être encadrée et justifiée par des critères clairs, ce nouveau concept ouvre la porte à des interprétations abusives.
« Le bien-être est une notion trop large et subjective : dès qu’un service devient incommodant, il pourrait être perçu comme une atteinte au bien-être. Or, dans le cadre d’une grève ou d’un lock-out, il est normal que cela crée un inconfort temporaire. Si chaque inconfort ou désagrément devient une justification pour restreindre le droit de grève, que reste-t-il de son sens t de sa portée », se questionne Luc Vachon.
Une atteinte significative au rapport de force
En permettant au gouvernement de décréter unilatéralement que le Tribunal administratif du travail (TAT) puisse limiter la portée d’une grève en déterminant des activités à maintenir, le projet de loi empêche les travailleurs de faire pression efficacement lors d’une négociation collective tout en octroyant un pouvoir discrétionnaire démesuré au gouvernement.
« Cela fait près de 25 ans que les changements successifs apportés au Code du travail nuisent aux droits syndicaux et affaiblissent les droits des travailleuses et travailleurs, ce nouveau projet de loi ne changera pas la tendance », déplore le président de la CSD.
Une stratégie pour étouffer les conflits
Le projet de loi prévoit également que le ministre du Travail puisse mettre fin à un conflit et imposer un arbitrage sans passer par le TAT. Cela pourrait devenir un outil systématique dans certains secteurs pour forcer des travailleurs à accepter des conditions défavorables.
« La Cour suprême a grandement limité le droit de recourir aux lois spéciales avec l’arrêt Saskatchewan. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est le ministre du Travail qui s’octroie des pouvoirs discrétionnaires importants avec des balises floues. Si les lois spéciales, même si elles étaient votées et débattues à l’Assemblée nationale, ne passent pas le test des tribunaux, nous voyons mal comment un simple décret est une meilleure option », conclut Luc Vachon.
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